Quatre ans de guerre au Yémen, un drame humanitaire

Le Vif

La guerre au Yémen a fait depuis mars 2015 quelque 10.000 morts, en majorité des civils, et provoqué la pire crise humanitaire en cours dans le monde, selon l’ONU. D’autres sources donnent un bilan des tués nettement supérieur.

Le conflit oppose des forces progouvernementales aux rebelles Houthis, issus de la minorité zaïdite (branche du chiisme) et qui se sont emparés de la capitale Sanaa en septembre 2014.

La guerre a connu une escalade le 26 mars 2015 quand l’Arabie saoudite a pris la tête d’une coalition militaire pour venir en aide aux forces loyales au président Abd Rabbo Mansour Hadi.

Civils en première ligne

Selon un bilan partiel de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le conflit a fait depuis 2015 quelque 10.000 morts, en majorité des civils, et plus de 60.000 blessés.

Mais des ONG estiment que le nombre de morts est largement plus élevé, certaines citant un bilan cinq fois supérieur.

Le 18 mars, le Norwegian Refugee Council (NRC) a indiqué que le nombre de victimes civiles était en hausse malgré un cessez-le-feu depuis décembre dans la ville portuaire de Hodeida (ouest).

Selon Action contre la faim, le nombre de personnes déplacées à l’intérieur du pays atteint 3,3 millions.

Le pays a aussi été gravement affecté par le choléra qui a tué plus de 2.500 personnes depuis avril 2017. Environ 1,2 million de cas suspects ont été rapportés, selon l’OMS.

« Enfer sur terre »

Le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) a dénoncé à plusieurs reprises l’impact dévastateur du conflit sur les enfants.

« Le Yémen est aujourd’hui (…) un enfer sur terre pour chaque garçon et fille » dans ce pays, déclarait en novembre 2018 Geert Cappelaere, directeur de l’Unicef pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. « Toutes les 10 minutes, un enfant meurt en raison de maladies pouvant être évitées », avait-il relevé.

Selon lui, 1,8 million d’enfants âgés de moins de cinq ans sont en situation de « malnutrition aiguë ».

Selon Save the Children, près de 85.000 enfants seraient morts de faim ou de maladie entre avril 2015 et octobre 2018. D’autres ont été tués dans les combats.

Quatre ans de guerre au Yémen, un drame humanitaire
© AFP

Génération perdue

Selon l’ONU, deux des sept millions d’enfants en âge d’aller à l’école sont déscolarisés, en raison de la destruction des infrastructures par le conflit ou de leur transformation en abris pour les déplacés.

Plus de 2.500 écoles sont hors d’usage et deux tiers d’entre elles ont été endommagées par des attaques, 27% sont fermées et 7% sont utilisées à des fins militaires ou comme abris pour des personnes déplacées.

Largement en raison de la pauvreté de leurs familles, plus de 40% des filles sont mariées avant l’âge de 15 ans et les trois quarts avant leurs 18 ans, d’après l’Unicef. Les garçons sont de leur côté parfois recrutés comme enfants soldats.

Pire crise humanitaire

Dès mars 2017, le coordonnateur des secours d’urgence de l’ONU Stephen O’Brien affirmait que le Yémen était le théâtre de la « pire crise humanitaire au monde ».

Cela reste vrai, a affirmé en février 2019 le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (Ocha). « On estime que 80% de la population, soit 24 millions de personnes, ont besoin d’une forme d’aide humanitaire ou de protection, dont 14,3 millions de manière urgente », a dit l’Ocha.

Selon cet organisme, « le nombre de personnes avec un besoin aigu (d’assistance ou de protection) a augmenté de 27% par rapport à l’an dernier ».

« Les deux tiers de toutes les régions sont déjà en situation de pré-famine », a ajouté l’Ocha.

Selon Action contre la Faim, 16 millions de personnes manquent d’accès à l’eau et l’assainissement et aux soins de santé de base, 50% des établissements de santé sont fermés et plus de 70% ne disposent pas d’un approvisionnement régulier en médicaments.

Crimes de guerre

En mars 2018, Amnesty International a accusé des pays occidentaux de fournir des armes à l’Arabie saoudite et ses alliés qui se rendent coupables de « crimes de guerre potentiels » au Yémen.

Fin août, une mission d’experts de l’ONU a conclu que toutes les parties avaient potentiellement commis des « crimes de guerre ».

Chronologie

Quatre ans de guerre au Yémen, un drame humanitaire
© AFP

Le Yémen est déchiré par un conflit dévastateur depuis l’intervention d’une coalition arabe sous commandement saoudien en mars 2015 pour soutenir des forces progouvernementales contre les rebelles Houthis.

Ceux-ci sont soutenus par l’Iran, grand rival chiite de l’Arabie saoudite sunnite au Moyen-Orient.

Issus d’une branche du chiisme, les Houthis avaient déferlé en septembre 2014 vers la capitale Sanaa depuis leur fief du nord. Avec l’aide de l’ex-président Ali Abdallah Saleh, ils étaient entrés dans Sanaa et s’étaient emparés de vastes territoires dans l’ouest et le centre du pays.

Le conflit a fait quelque 10.000 morts, en majorité des civils, selon un bilan partiel de l’Organisation mondiale de la santé. D’autres sources évoquent des dizaines de milliers de morts.

Selon l’ONU, la guerre a provoqué la pire crise humanitaire en cours dans le monde.

Intervention arabe

Le 26 mars 2015, l’Arabie saoudite prend la tête d’une coalition militaire, déclenchant des raids aériens contre les rebelles et leurs alliés pour contrer leur avancée vers le sud du Yémen.

Baptisée « Tempête décisive », l’opération, à la demande du président Abd Rabbo Mansour Hadi, mobilise des troupes d’une dizaine de pays, dont cinq du Golfe.

Washington annonce fournir un soutien logistique et en renseignement.

Le même jour, M. Hadi se réfugie en Arabie saoudite, alors que des forces hostiles se rapprochent d’Aden, la grande ville du sud, où il était retranché depuis février.

Succès loyalistes

Le 27 mars 2015, la coalition annonce avoir neutralisé les capacités aériennes de la rébellion. « L’espace aérien est totalement sous contrôle de la coalition », déclare son porte-parole.

En juillet, le gouvernement annonce la « libération » de la province d’Aden, premier succès des forces loyalistes appuyées par la coalition, et déclare Aden capitale « provisoire » du pays.

Forces progouvernementales et coalition parachèvent jusqu’à la mi-août la reprise de cinq provinces méridionales, mais peinent à les sécuriser face à la présence de jihadistes d’Al-Qaïda et du groupe Etat islamique.

En octobre, elles reprennent le détroit de Bab al-Mandeb, par où transite une grande partie du trafic maritime mondial.

Fractures

En août 2017, la direction des Houthis qualifie de « traître » l’ex-président Saleh, lui reprochant une ouverture vers l’Arabie saoudite. Il est tué en décembre par les rebelles.

Le camp loyaliste va aussi connaître des divisions. En janvier 2018, des séparatistes sudistes, auparavant alliés au camp présidentiel, se retournent contre les forces pro-Hadi à Aden et des combats ont lieu.

Passe d’armes Ryad/Téhéran

Début novembre 2017, l’Arabie saoudite intercepte et détruit un « missile balistique » provenant du Yémen près de l’aéroport international de Ryad. La coalition accuse l’Iran d’être derrière des transferts d’armes et du tir rebelle, qui « pourrait équivaloir à un acte de guerre ».

Téhéran rejette ces accusations « irresponsables et provocatrices » et accuse en retour Ryad de « crimes de guerre » au Yémen.

Les rebelles tirent ensuite régulièrement des missiles en direction de l’Arabie saoudite.

Hodeida: offensive et trêve

En décembre 2017, les forces progouvernementales reprennent Khoukha (ouest), située entre Mokha, ville tenue par les loyalistes, et Hodeida, un port aux mains des rebelles constituant un accès clé pour l’aide humanitaire.

Le 19 avril 2018, le plus haut responsable politique des rebelles, Saleh al-Sammad, est tué par une frappe de la coalition.

Le 13 juin, les forces progouvernementales, appuyées par les Emiratis et les Saoudiens, lancent une offensive sur Hodeida.

Le 13 novembre, des commandants des forces progouvernementales annoncent avoir reçu l’ordre d’arrêter l’offensive.

Le 13 décembre, le patron de l’ONU Antonio Guterres, à l’issue de pourparlers interyéménites en Suède, annonce une série d’accords pour faire provisoirement taire les armes, en particulier à Hodeida.

Les combats y cessent le 18 décembre. Mais attaques et échanges de tirs vont se poursuivre sporadiquement.

Le 21 décembre, l’ONU décide l’envoi d’observateurs civils, mais peine depuis à appliquer l’accord sur le désengagement des belligérants à Hodeida.

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