Jules Gheude

Quand Marine Le Pen parlait de la Wallonie… Soyons vigilants (carte blanche)

Jules Gheude Essayiste politique

A un an de la présidentielle française, le président Emmanuel Macron jouit d’un taux de confiance supérieur à celui de ses deux prédécesseurs, François Hollande et Nicolas Sarkozy : 37% contre respectivement 14 et 28%.

Tout indique, par ailleurs, que le second tour devrait opposer, une fois encore, Emmanuel Macron à la présidente du Rassemblement National, Marine Le Pen.

Si les sondages actuels donnent, dans ce cas de figure, le président sortant vainqueur avec 54%, contre 46% pour sa rivale, les observateurs s’accordent toutefois pour reconnaître qu’une surprise n’est pas à exclure.

Jusqu’ici, un front républicain a toujours fini par se constituer pour faire barrage à l’extrême-droite. Mais l’aversion viscérale affichée par la gauche, l’extrême-gauche et la droite traditionnelle envers la personnalité d’Emmanuel Macron pourrait changer la donne et amener nombre de sympathisants de ces formations à s’abstenir ou à accorder finalement leurs suffrages au RN. Le risque d’une porosité existe bel et bien. L’exemple danois est là pour nous le rappeler : une social-démocratie remettant en question le droit d’asile avec le soutien de l’extrême-droite.

Tout cela pourrait-il, à terme, avoir une répercussion en Belgique ? Ce n’est pas impossible.

Lors de la crise de 2010-2011, la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale française avait jugé la situation suffisamment préoccupante pour charger deux de ses membres d’une mission d’information sur la situation intérieure belge. Le rapport fut sans appel : la division de la Belgique en deux blocs linguistiques de plus en plus homogènes et dissemblables compromet inéluctablement la survie du pays.

Dix ans plus tard, force est de constater la justesse de ce constat : une Wallonie marquée majoritairement par une mouvance de gauche et d’extrême-gauche, une Flandre où l’extrême-droite et les nationalistes triomphent.

Six réformes de l’Etat ne sont pas parvenues à engendrer une cohabitation sereine et harmonieuse des deux grandes Communautés et tout indique que la préparation d’une 7e réforme pour 2024, qui se trouve à l’agenda de la coalition Vivaldi, a de fortes chances de tourner en eau de boudin. Car la Flandre n’est plus une entité fédérée, mais une Nation !

Feu Xavier Mabille, le sage directeur du CRISP, l’avait écrit en 2007 : Au cas où s’accomplirait l’hypothèse de la scission de l’Etat (hypothèse dont je dis depuis longtemps qu’il ne faut en aucun cas l’exclure), il m’apparaît clairement que le problème ne pourrait qu’acquérir alors une dimension européenne et internationale qui lui fait défaut jusqu’à cette date.

Le Vlaams Belang et la N-VA ont en commun la volonté d’en finir avec l’existence du Royaume de Belgique. Si, au lendemain des élections de 2024, ils parviennent à constituer une majorité absolue au sein du Parlement flamand, rien ne pourrait s’opposer, ni en Belgique ni au sein de l’Union européenne, à ce que, forts de leur légitimité démocratique, ils proclament unilatéralement l’indépendance de la Nation Flandre.

Mais Xavier Mabille s’était empressé d’ajouter : La Flandre – ou du moins une majorité parmi les personnes et les institutions qui en assurent l’expression politique – pourrait décider de son autodétermination. Elle ne déciderait pas pour autant du même coup du destin de la Wallonie ni de celui de Bruxelles.

Nous avons personnellement, depuis plus de dix ans, axé notre réflexion sur le devenir de la Wallonie dans le schéma post-belge et nos analyses nous ont amenés à conclure que seule une intégration à la République française serait de nature à garantir un avenir pérenne à la Région.

L’affaire Jürgen Conings a fait ressurgir le débat sur l’extrême-droite. Si les commentateurs s’empressent de souligner que la mouvance a aujourd’hui disparu des radars wallons, ils ajoutent toutefois que l’émergence d’une personnalité charismatique – on rappelle ici la figure de Léon Degrelle… – pourrait la faire réapparaître.

Et c’est ici que Marine Le Pen refait surface, elle qui, le 20 juillet 2011, avait déclaré : Si la Belgique venait à éclater, si la Flandre prenait son indépendance, hypothèse de plus en plus crédible, la République française s’honorerait d’accueillir en son sein la Wallonie. Les liens historiques et fraternels qui unissent nos deux peuples sont trop forts pour que la France abandonne la Wallonie.

Le constat est parfait. Les mots sont quasiment les mêmes que ceux utilisés naguère par le général de Gaulle. Mais la comparaison s’arrête là. Ce serait faire injure au chef de la France libre, qui fut condamné à mort par le régime d’extrême-droite de Vichy, que de le rapprocher politiquement de la présidente du Rassemblement national.

Les choses sont claires : au Parlement européen, le RN fait partie du groupe « Identité et Démocratie », avec, entre autres, le Vlaams Belang et la Lega.

C’est la raison pour laquelle nous espérons que Marine Le Pen n’accédera pas à la fonction suprême en 2022. Car, avec son aura médiatique, elle serait susceptible d’introduire le ver dans le fruit wallon…

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