Caroline Durieux

Quand l’Histoire nous demande d’agir

Caroline Durieux Administratrice du Réseau Transition et membre d’Ixelles en Transition

Les générations actuelles vont être témoins de profondes métamorphoses sociales, économiques et climatiques, désirées ou subies. Noyés dans un flot constant de nouvelles catastrophiques surmédiatisées, des proches me rétorquent souvent : « Mais qu’est-ce que je peux y faire, moi ? » Justement, beaucoup.

Lorsque j’ai appris l’annulation de la marche de Paris, mon ventre s’est serré. Ce n’est pourtant pas le moment d’amputer nos démocraties ! Les générations actuelles vont être (ou sont déjà pour partie) témoins de profondes métamorphoses sociales, économiques et climatiques, désirées ou subies. Naïvement, j’appelle encore de mes voeux une transition commune, consciente et réfléchie vers une réorganisation nécessaire de nos sociétés qui, sur une planète aux ressources finies, sont dangereusement menacées par le cocktail explosif d’un réchauffement trop rapide et d’intolérables inégalités. Noyés dans un flot constant de nouvelles catastrophiques surmédiatisées, des proches me rétorquent souvent : « Mais qu’est-ce que je peux y faire, moi ? »

Noyés dans un flot constant de nouvelles catastrophiques surmédiatisées, des proches me rétorquent souvent : u0022u003cemu003eMais qu’est-ce que je peux y faire, moiu003c/emu003e?u0022Justement, beaucoup.

Justement, beaucoup. Si nous envisageons avec sérieux notre rôle de citoyen, si nous prenons conscience de notre poids en tant que consommateurs et si nous jouons pleinement notre rôle de voisin, beaucoup.

L’année dernière, j’ai rejoint la Transition. Il s’agit d’un mouvement international qui prône un changement initié par les citoyens dans le but d’accroître notre résilience aux chocs climatiques, sociaux et économiques (des inondations à la fermeture d’une usine en passant par l’effritement de notre système de soins de santé, par exemple). Depuis, j’ai 1001 histoires de changement positif à raconter à ceux qui se sentent impuissants.

En Belgique et ailleurs, des citoyens, des voisins se rassemblent pour mettre en place des projets positifs. Des projets de petite taille, à la portée de tous et inspirants. Soyez pourtant certains que je ne prendrais pas la plume aujourd’hui si je n’étais pas intimement convaincue que ces projets cessent d’être petits dès qu’ils se multiplient et se reproduisent aux quatre coins du monde et dans toutes les rues d’un village. Le mouvement international de la Transition est la preuve que cet effet boule de neige fonctionne. Nous nous en émerveillons tous les jours.

Avez-vous déjà entendu parler des Ceintures Aliment-Terre, dont celle de Liège ? Alors que ce qui garnit nos assiettes dépend des importations et que le chômage prend ses aises, des citoyens s’associent pour créer un réseau de producteurs, distributeurs et consommateurs autour de la ville de Liège afin de rendre le système de production alimentaire plus démocratique, local et écologique tout en créant de l’emploi et en renforçant le tissu social de la région. Décider de se nourrir sans créer d’inégalités sociales ou appauvrir les sols est un acte citoyen lourd de sens, riche en goût et en amitiés. D’autres villes, comme Ath ou Bruxelles, voudraient maintenant leur ceinture. Au-delà de ces projets en réseau, les groupeme n ts d’achats communs ont le vent en poupe et permettent à de nombreux petits agriculteurs de vivre.

Saviez-vous qu’au coeur de Bruxelles, un joli potager a remplacé, à l’initiative de citoyens, de gros blocs de béton qui barraient une rue mal fréquentée ? Alors qu’après les horreurs de Paris, nous pointons du doigt les régions urbaines en perte de liens sociaux, ce projet a changé la dynamique d’un quartier. La rue est agréable, les enfants y jouent gaiement et les passants se sourient. Ces potagers urbains luttent contre l’isolement et l’exclusion, participent à l’échange de savoir-faire perdus et nous invitent de surcroit à analyser notre capacité à nourrir la population des villes et à résister aux chocs extérieurs. Les projets de ce genre poussent comme des champignons, pour notre plus grand bonheur.

Avez-vous déjà réfléchi à la valeur d’une monnaie locale, comme le Valeureux à Liège, le Ropi à Mons ou les Blés à Grez-Doiceau ? Ancrées dans l’économie locale, ces monnaies ont le mérite de lancer le débat sur ce qu’est l’argent. Ces billets-là ne s’amassent pas dans des paradis fiscaux, mais redynamisent les petits commerces de quartier. De jolies leçons d’économies locales et solidaires.

Y a-t-il près de chez vous des éoliennes ou des panneaux solaires appartenant à une coopérative citoyenne ? Elles sont nombreuses à voir le jour. Même si les gouvernements continuent honteusement de subventionner les énergies fossiles, les citoyens entament la nécessaire transition vers de nouvelles formes d’énergie. Merci !

Connaissez-vous les cafés des surplus alimentaires ? Ces cafés citoyens récupèrent les déchets alimentaires en bon état des commerces du quartier pour offrir des repas très bon marché. Un peu de bon sens écologique et une belle dose de solidarité, on en a tellement besoin !

Savez-vous que de plus en plus de marchés de producteurs locaux sont à l’initiative de citoyens ? Comme le cellier de la Haute-Sambre que des citoyens ont mis sur pied pour créer eux-mêmes les structures permettant aux producteurs de la région de vendre leurs marchandises. Pourquoi auraient-ils dû attendre ?

En effet, pourquoi attendre ? Des citoyens se sont déjà lancés, les entreprises suivront leurs consommateurs et les gouvernements sont plus souvent réactifs que proactifs. Dans le cadre de la COP21, le réseau international de la Transition vient de publier un livre reprenant 21 histoires de Transition. Et moi, ces histoires, elles me donnent le sourire. Je sors de chez moi et ce ne sont pas les militaires censés nous protéger que je vois, mais les projets citoyens, parfois appuyés par les autorités locales, qui fleurissent à chaque coin de rue et proposent de vraies solutions durables, à échelle humaine, aux maux qui nous frappent. Je pousse une porte et rejoins des voisins. Une bière locale, des idées plein la tête et des rires. C’est de cette transition, que nous aurions tort de sous-estimer, dont nous voulons vous parler.

Nous sommes nombreux à porter en nous le changement et à avoir confiance dans la justesse et la force de ces projets. Soyons tous, là où nous sommes, une goutte de plus dans ces nouvelles rivières. Mais, de grâce, soyons tous une goutte de plus.

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