Les fameuses médailles, récompenses décernées aux Prix Nobel © Belga Image

Prix Nobel à vendre

Le Vif

Pas besoin d’instaurer la paix au Moyen-Orient, de percer un mystère de la nature ou d’écrire un chef d’oeuvre: la recette la plus simple pour accrocher un prix Nobel à son mur reste sans doute de l’acheter… pour peu d’en avoir les moyens.

En 114 ans d’existence, le Nobel a été décerné 889 fois, récompensant les grandes réalisations en matière de paix, littérature, médecine, physique, chimie et économie. Au fil des revers de fortune et des partages de succession, une douzaine d’entre eux ont fini à l’encan.

L’aubaine permet de rafler la médaille d’or et le diplôme remis avec le Nobel (en plus d’une somme rondelette) sans nécessairement avoir rendu au cours de l’année précédente « un grand service à l’humanité » comme le stipulait Alfred Nobel (1833-1896) dans son testament.

Si la paix n’a pas de prix, son prix en a un. Et il n’a pas toujours été très élevé.

Le Nobel le moins cher jamais vendu aux enchères est celui du Français Aristide Briand, distingué en 1926 pour son rôle dans l’éphémère réconciliation franco-allemande, acquis en 2008 par l’Ecomusée de Saint-Nazaire, pour 12.200 modestes euros. Celui du Britannique William Randal Cremer, auréolé en 1903, n’a guère fait mieux, adjugé 17.000 dollars en 1985.

Ça, c’était avant. Les enchères ont décollé depuis, incitant un nombre croissant de lauréats ou de leur famille à se défaire de leur précieuses possessions. Depuis début 2014, au moins huit médailles Nobel ont été offertes aux enchères.

« Il y a un intérêt accru pour les découvertes et les développements du XXe siècle et le Nobel symbolise vraiment les plus grandes réussites du siècle que ce soit en sciences, en économie ou pour la paix », explique à l’AFP le directeur international de la section livres et manuscrits de Christie’s, Francis Wahlgren. « Nous devons maintenant les traiter comme certains des objets les plus précieux auxquels nous avons affaire », ajoute-t-il.

Récemment, plusieurs Nobel de physique, chimie ou économie –prix créé par la Banque centrale suédoise en 1968– sont partis pour entre 300.000 et 400.000 dollars.

Dans le camp de la paix, la médaille du Belge Auguste Beernaert (lauréat en 1909) a atteint 661.000 dollars, et celle de l’Argentin Carlos Saavedra Lamas (1936), retrouvée chez un prêteur sur gage, 1,16 million de dollars.

Trump du monde scientifique

Mais c’est la médecine qui détient la palme des prix les plus convoités.

Rare lauréat à avoir cédé sa récompense de son vivant, l’Américain James Watson, codécouvreur de la structure de l’ADN, a décroché… 4,76 millions de dollars pour sa médaille en décembre 2014, un record.

C’est plus du double que ce qu’avaient obtenu seulement 20 mois plus tôt les héritiers de son acolyte britannique Francis Crick, qui avait pourtant partagé le Nobel avec lui pour la même découverte en 1962.

« Le nom de Watson est peut-être plus connu des gens, juste à cause de choses qu’il a dites », avance M. Wahlgren. « Il est controversé. Il est le Donald Trump du monde scientifique ».

Le biologiste américain a fait des vagues en 2007 en laissant entendre que les Africains étaient moins intelligents que les Occidentaux. Sa médaille lui avait été restituée par l’acquéreur, le milliardaire russe Alicher Ousmanov, par gratitude pour ses travaux.

Signe, sans doute, que cela paie d’être vivant, le nonagénaire Leon Lederman a, lui, tiré 765.000 dollars de son Nobel de physique (1988) en mai.

Mais les attentes sont parfois déçues.

La médaille de l’auteur américain William Faulkner, prix Nobel de littérature en 1949, a été retirée de la vente en 2013, faute d’avoir atteint le minimum d’un demi-million de dollars exigé par ses descendants.

Au cours actuel de l’or, la distinction n’en vaut que le centième. Avec ses 150 grammes de métal 18 carats (23 jusqu’en 1979), la médaille du Nobel de la paix, qui représente le profil d’Alfred Nobel côté pile et trois éphèbes nus côté face, pèse moins de 5.500 dollars.

« C’est une médaille dont on ne peut estimer la valeur en raison de sa rareté », affirme à l’AFP Kjell Wessel, le directeur de la Monnaie de Norvège qui la produit. « Il y a toujours des personnes prêtes à payer pour des objets rares. Certains ont bien acheté la veste d’Elvis ou des trucs de ce genre pour des sommes phénoménales ».

Les Nobel, une création de l’inventeur de la dynamite

Les prix Nobel sont nés de la volonté du savant et industriel suédois Alfred Nobel (1833-1896) de reverser tous les ans les revenus de son immense fortune à des personnalités pour services rendus à l’humanité.

L’inventeur de la dynamite avait couché ce souhait dans un testament à Paris en 1895, un an avant sa mort. Aux termes de ce testament, quelque 31,5 millions de couronnes suédoises, somme qui équivaudrait en tenant compte de l’inflation à 1,9 milliard de couronnes aujourd’hui (soit 209 millions d’euros), ont été affectés comme capital dont les intérêts chaque année devaient être redistribués « à ceux qui au cours de l’année écoulée auront rendu à l’humanité les plus grands services ».

Testament d'Alfred Nobel
Testament d’Alfred Nobel© Reuters
Le testament prévoyait que les intérêts du capital placé seraient répartis ainsi:

« La première partie sera distribuée à l’auteur de la découverte ou de l’invention la plus importante dans le domaine de la physique; la deuxième à l’auteur de la découverte ou de l’invention la plus importante en chimie; la troisième à l’auteur de la découverte la plus importante en physiologie ou en médecine; la quatrième à l’auteur de l’ouvrage littéraire le plus remarquable d’inspiration idéaliste; la cinquième à la personnalité qui aura le plus ou le mieux contribué au rapprochement des peuples, à la suppression ou à la réduction des armées permanentes, à la réunion ou à la propagation des congrès pacifistes ».

Au regard de la loi, le testament ne désignait pas de légataire pour la fortune elle-même. Si bien qu’à sa lecture, en janvier 1897, il fut vivement contesté par des membres de la famille Nobel.

En outre, Alfred Nobel a désigné dans son testament les différents comités qui attribueraient les prix chaque année: Académie suédoise pour la littérature, Karolinska Institutet pour la médecine, Académie royale suédoise des sciences pour la physique et la chimie, et un comité de cinq membres spécialement élus par le Parlement norvégien pour la paix.

Mais le testateur n’a pas expliqué les modalités que devraient suivre chaque comité pour remettre les prix dans sa discipline.

Plus de trois ans s’écoulèrent avant que l’affaire ne fût réglée, en nommant comme légataire une Fondation Nobel qui gèrerait le capital des prix Nobel tandis que les divers comités désignés par le testament se chargeaient de l’attribution des prix.

En 1968, à l’occasion de son tricentenaire, la banque centrale de Suède (Riksbank) institua un prix de sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel, en mettant à la disposition de la Fondation Nobel une somme annuelle équivalente au montant des autres prix.

Jusqu’en 1974, il était possible de décerner le prix Nobel de manière posthume. Deux Suédois le reçurent ainsi: en 1931 pour la littérature avec Erik Axel Karlfeldt, et en 1961 pour le prix Nobel de la paix qui récompensa Dag Hammarskjöld.

Aujourd’hui, chaque prix est doté de huit millions de couronnes suédoises (environ 855.000 euros) que se partagent les lauréats s’ils sont plusieurs.

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