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Pourquoi les rescapés pourraient refuser la proposition de Costa Crociere

Les rescapés français du Costa Concordia ont reçu la lettre d’indemnisation promise par la compagnie italienne. Une proposition qui est loin de satisfaire la principale association de victimes. L’Express s’en est procuré une copie.

Chose promise, chose due. Enfin presque. Moins d’une semaine après les promesses d’indemnisation de la compagnie Costa Crociere, le propriétaire du Concordia, les rescapés français ont commencé à recevoir la proposition formelle de dédommagement. Mais la lettre, qu’a pu se procurer L’Express, n’a pas reçu l’accueil escompté par la compagnie. La principale association de victimes françaises a d’ores et déjà appelé ses membres à rejeter cette proposition.

Comme promis lors des déclarations officielles, la compagnie propose à ceux qui le souhaitent de toucher 11 000 euros « à titre de dédommagement pour la perte des bagages et autres effets personnels, mais également pour le choc émotionnel et psychologique causé par l’accident ». Un montant que le comité de victimes estime largement en-deçà de ce qu’ils sont en droit de demander: « Nous souhaitons une juste indemnisation pour le préjudice, or comment est-ce possible puisqu’il n’y a pas eu de diagnostic psychologique?, s’insurge Me Bertrand Courtois, l’avocat de l’association. Certains sont restés coincés dans un couloir pendant plus d’une heure, d’autres sont restés bloqués dans des chaloupes à plusieurs mètres de hauteur. Plusieurs rescapés, toujours sous le choc, sont en arrêt maladie. » « Le montant a été décidé en accord avec une association de consommation italienne. Il prend non seulement en compte les pertes des victimes mais également les conséquences du choc. Personne n’est obligé d’accepter », rétorque Costa Croisières France.

Nombreux sont également les rescapés à s’étonner de ne pas voir figurer dans le courrier les 3000 euros destinés à rembourser les frais de la croisière annoncés vendredi. La lettre assure simplement qu’ils seront pris en charge, sans plus de précision. « Nous n’avons jamais promis une telle somme pour rembourser les frais engagés pendant la croisière. C’est un montant qui a probablement été estimé. Nous évaluerons au cas par cas les frais de remboursement », explique-t-on chez Costa Croisières. « Il n’y a pas non plus eu de démenti », s’étonne-t-on du côté des victimes.

« C’est de la manipulation »

Autre point de désaccord: le temps laissé aux victimes pour se décider. Les rescapés ont 15 jours – jusqu’au 14 février – pour se décider. « Il faut tourner la page. Les temps sont dans les standards de ce qu’on peut observer ailleurs », lâche, lapidaire, Costa Croisières. Pourtant, depuis la réception de la lettre, les lignes de l’association et de la Fenvacsont prises d’assaut. « Ils ne savent pas quoi faire, ils sont au pied du mur. Beaucoup ont eu d’importantes dépenses pour rentrer chez eux et sont donc appâtés par une telle proposition. C’est de la manipulation », s’insurge l’avocat. Le comité français a d’ores et déjà annoncé qu’elle allait demander un délai de plusieurs semaines pour laisser le temps aux rescapés d’étudier cette proposition.
Cette décision est d’autant plus importante, qu’une fois acceptée, les rescapés n’ont plus aucune marge de manoeuvre. En acceptant la somme, ils s’engagent « à n’avoir aucune prétention devant les tribunaux civils et pénaux ». Et ce, alors même que l’enquête n’en est qu’à ses balbutiements et que les responsabilités ne sont pas encore établies. Ainsi, si elle révèle des manquements très graves – que le bateau n’était pas aux normes, qu’ils manquaient des gilets de sauvetages ou des canaux – ils n’auront aucune possibilité de recours. C’est justement la stratégie de Costa Concordia, selon Me Bertrand Courtois: « On ne laisse pas le temps aux victimes de se renseigner sur les différents recours. C’est un moyen pour la compagnie de pousser un maximum de personnes à accepter et donc d’enterrer le scandale. »

Reste désormais à savoir combien de personnes accepteront l’offre de Concordia. La compagnie tablait sur 85%, mais les victimes -du moins en France – n’ont pour l’instant pas l’air de se précipiter sur l’offre.

Caroline Politi, L’Express.fr

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