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Pourquoi les « likes » disparaissent d’Instagram

Caroline Lallemand
Caroline Lallemand Journaliste

Petite révolution chez Instagram. Le réseau social a commencé à masquer le nombre d’utilisateurs qui ont « aimé » une photo sur certains comptes. Le but avoué de la démarche : créer une expérience « moins stressante » et plus créative pour ses utilisateurs.

Les likes d’Instagram – les petits coeurs appliqués sur les photos du réseau social pour exprimer son adhésion – devraient bientôt disparaître des écrans du monde entier. Pour le moment, tous les utilisateurs ne sont pas concernés. « Il s’agit d’un changement fondamental pour Instagram et nous poursuivons donc notre test pour en apprendre davantage de notre communauté mondiale« , précise Instagram.

Instagram a déclaré qu’il apportait ce changement pour permettre aux utilisateurs de se concentrer sur le contenu plutôt que sur les réactions des personnes inscrites sur le réseau. « Nous voulons que les abonnés se concentrent sur ce qu’ils partagent, pas sur combien de ‘likes’ leurs publications recueillent », justifie le réseau social, propriété de Facebook. « L’idée est d’essayer de créer moins de pression, de rendre Instagram moins compétitif et de donner aux gens plus d’espace pour se concentrer sur les gens qu’ils aiment et les choses qui les inspirent« , déclare son PDG Adam Mosseri. Avec une précision importante : les utilisateurs pourront toujours consulter le nombre de likes sur leurs propres publications, ils seront juste invisibles pour les autres utilisateurs. Une manière d’éviter la course aux likes et la gratification de la communauté. L’absence ou le manque de likes peuvent parfois être mal vécus par certains utilisateurs.

La nouvelle politique survient alors que les réseaux sociaux sont de plus en plus critiqués pour leurs effets néfastes sur la santé mentale et que Facebook, la société mère d’Instagram, est devenue la cible d’enquêtes antitrust.

Si la disparition progressive de ces mentions « J’aime » est une manière de rendre l’utilisation du réseau moins stressante pour les utilisateurs lambda et favorisant la créativité et la diversité, elle est cependant très mal vécue par les influenceurs, qui vivent pour certains presque exclusivement des collaborations avec les marques. Instagram annonce « chercher activement des moyens pour les créateurs de communiquer de la valeur à leurs partenaires. »

1 million par post

Les réactions négatives suite à l’annonce de ce changement aux États-Unis ne se sont pas fait attendre. A l’annonce de cette nouvelle politique, la chanteuse Nicki Minaj a déclaré qu’elle cesserait de s’afficher sur la plate-forme. Pour des artistes émergents, cette reconnaissance de la communauté qui ne sera plus affichée pourrait aussi entraver leur travail et mettre à mal leur développement et leur notoriété.

Dans les premiers tests, les influenceurs ont vu leurs chiffres de fréquentation dégringoler dans les pays où les likes étaient devenus invisibles. Selon une étude de la société d’analyse HypeAuditor rapportée par The Guardian, les mentions « j’aime » ont chuté de 3% à 15% dans tous les pays pour les influenceurs affichant 5.000 à 20.000 followers.

Le marché des influenceurs a explosé ces dernières années et devrait atteindre 6,5 milliards de dollars d’ici 2020, selon The Guardian. Les influenceurs s’associent souvent à des marques et sont payés en échange du partage de photos d’un produit ou d’un service à leurs milliers ou millions de followers. Des célébrités comme Kylie Jenner se font payer jusqu’à 1 million de dollars pour un seul post publié sur le réseau social.

Robots et achats de likes

D’autres observateurs, moins critiques, voient ce changement plutôt positivement. Pour eux, le réseau social a perdu sa crédibilité en terme de réputation, il est en effet infesté de robots qui sèment artificiellement des « mentions j’aime » à tout vent, ajouté à cela la facilité à s’acheter des followers par milliers pour quelques centaines d’euros. Environ 64% des influenceurs ont admis avoir déjà acheté des likes, selon une étude réalisée en 2018 par la plateforme de marketing influenceur HYPR.

« Les likes ont toujours été de mauvais indicateurs « , est d’avis Gil Eyal, fondateur et directeur général de HYPR. « Ils sont très faciles à manipuler et ne transmettent pas vraiment le niveau d’enthousiasme que quelqu’un a à propos de quelque chose« , déclare-t-il, cité par The Guardian.

Une manipulation dont les annonceurs sont de plus en plus conscients. Pour Matt Zuvella, porte-parole de la plateforme de marketing d’influence FamePick, « C’est un moment de prise en compte pour l’industrie ». Il ajoute : « Les gens qui font semblant de faire semblant disparaîtront, et ceux qui sont réels se démarqueront. »

Si le réseau social étend effectivement son test à l’ensemble de ses utilisateurs, rien ne dit que cette nouvelle politique sera définitive. Plusieurs facteurs sont à prendre en compte pour le réseau social et cela ne se résume pas forcément au bien-être des utilisateurs.

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