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« On présume toujours que les étrangers sont des menteurs »

Rosanne Mathot
Rosanne Mathot Journaliste

C’est Kafka et le père Ubu qui se tiennent par la main: depuis un mois, la France est dans ses petits souliers et l’Espagne et l’Argentine la regardent de travers…

Après avoir illégalement détenu un jeune Argentin résidant espagnol, la France menace ce dernier d’une expulsion vers son pays natal, alors même qu’il est pacsé à une Européenne en Espagne et est en passe de régulariser sa situation là-bas. Son avocate dénonce une situation « inhumaine », légalement « infondée » et pointe du doigt de graves dérives à l’encontre du droit des étrangers.

« C’est la honte. Humainement, c’est la honte« : samedi, à Montpellier, Me Sophie Mazas, avocate et militante pro-droits de l’Homme, ne mâche pas ses mots à l’encontre de la France. Malgré la bise glaciale et la neige, elle a fait, comme une centaine d’autres personnes, le déplacement devant la préfecture de l’Hérault pour dénoncer l’invraisemblable situation d’Ivan Jankowiec qui se trouve sous la menace d’une expulsion vers son pays natal. « En France, depuis quelque temps, on présume que tous les étrangers mentent pour pouvoir rester en Europe » soupire-t-elle, en insistant: Ivan a tout à fait le droit de rester dans l’Union européenne. La France est dans son tort.

Depuis un mois, Ivan, un Argentin de 26 ans vivant en Espagne depuis un an et demi, et pacsé là-bas à une Française, se retrouve dans une situation kafkaïenne. Début novembre, alors qu’il quitte Montpellier où il a assisté à l’enterrement de son beau-frère Joaquim, qui a été assassiné là-bas, il est arrêté dans le train qui le ramène en Espagne. Comme son visa n’est pas encore en règle, il est amené dans un centre de rétention à Marseille, où il restera quatre jours, dans des conditions qu’il qualifie de « terribles ». Ivan est finalement libéré le 19 novembre par le juge des libertés et de la détention, qui confirme que sa détention est illégale. Cela aurait dû être la fin du feuilleton.

Ivan Jankowiec
Ivan Jankowiec© Rosanne Mathot

Sauf que, sur décision du préfet des Pyrénées Orientales, Ivan est bloqué en France, sous le coup d’une possible expulsion vers l’Argentine: enterrement oblige, Ivan a en effet a manqué son rendez-vous de régularisation en Espagne. Résultat: ses papiers ne sont pas en règle.

Le tribunal administratif français doit trancher le 7 décembre prochain. Ou pas. En effet, sous la pression du rassemblement de samedi, la préfecture de l’Hérault a en effet dit « oui » à un rendez-vous avec l’avocate d’Ivan, ce lundi. « L’État français est un et indivisible« , explique Me Mazas. « On espère que, lundi, le préfet de l’Hérault va annuler la décision de justice et en faire part à son homologue des Pyrénées-Orientales. Ivan pourra alors rentrer en Espagne« . Ou pas. Il existe, en effet, la possibilité que la justice française renvoie quand même Ivan en Argentine: « Depuis quelque temps, concernant les étrangers, on applique en France, sans réfléchir, une circulaire de police, sans lui donner le moindre sens« , explicite Sophie Mazas. « Pourquoi? Parce qu’on veut faire du chiffre! »

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