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Obama face à « la malédiction des seconds mandats »

Pour son second mandat, le président américain ne manque pas d’ambition. Pourra-t-il l’emporter, contre l’hostilité du Congrès?

Ce soir-là, Beyoncé doit chanter… Si les tickets d’entrée pour le grand bal inaugural de Barack Obama se vendent déjà à prix d’or au marché noir, les temps ont changé. Ce 21 janvier, le second serment de Barack Obama, prologue officiel de son second et dernier mandat à la Maison-Blanche, ne devrait attirer que 600 000 spectateurs, soit un tiers de la foule qui, en 2009, s’entassait au pied des marches du Capitole.

Peut-être faut-il y voir un bon augure. Affranchi des attentes irréalisables des électeurs, revenu de ses rêves consensuels, Barack Obama dispose de quatre ans pour se forger une autre postérité que celle de « premier président noir de l’histoire américaine ». Il lui faut préserver les réformes entreprises au début de son premier mandat, comme celles de l’assurance santé ou de la réglementation financière, et engager avec réalisme une refonte fiscale et une nouvelle politique de l’immigration. Pour cela, il ne manque pas d’atouts.

Largement gagnant devant son rival républicain, Mitt Romney, en nombre de grands électeurs, Obama peut se targuer, avec 51 % des voix, d’une avance relativement confortable au scrutin national. Et son score dans les sondages (56 % d’approbation), renforcé par le recul du chômage, est aujourd’hui supérieur de 7 points à sa moyenne des quatre années passées. « Il a un capital en banque, analyse James Jones, ancien du gouvernement de Lyndon Johnson. Et il n’a aucun intérêt à le thésauriser. » Ce soutien populaire lui offre une légitimité propice à une présidence plus combative et décomplexée.

Une nouvelle équipe choisie pour son pragmatisme

Contre la majorité toujours républicaine à la Chambre des représentants, phagocytée par une frange extrémiste, le président ne prend plus de gants. Il est sorti gagnant, au début de janvier, du choc frontal avec la Chambre en ce qui concerne l’augmentation des impôts sur les plus hauts revenus. Il prendra bientôt à nouveau à témoin l’opinion publique, traumatisée par la tuerie dans une école de Newtown (Connecticut, 26 morts), pour obtenir le vote de restrictions sur la possession d’armes à feu. Enfin, en prévision de la prochaine offensive républicaine contre le relèvement du plafond de la dette américaine, attendue pour février, Obama assure déjà qu’il ne cédera à aucun chantage.

Pour ce second mandat, le président s’est adjoint une nouvelle équipe, choisie moins pour sa représentativité politique que pour sa loyauté, son efficacité et son pragmatisme. Au poste crucial du Trésor, il remplace Tim Geithner, grand ami de Wall Street, par un membre de sa garde rapprochée, Jack Lew, son discret « chief of staff » à la Maison-Blanche, expert ès finances et relations parlementaires. Au département d’Etat, il mise sur John Kerry, son ancien parrain au Sénat, vieux routier partisan du pragmatisme. Quant à Chuck Hagel, nouveau secrétaire à la Défense et ancien combattant au Vietnam, il incarne la prudence dans l’engagement militaire. Sénateur républicain, il est avant tout décrié par son propre parti, en raison de sa sévérité envers Israël et de sa modération face au dossier nucléaire iranien.

Obama, malgré sa cote d’amour actuelle, doit pourtant se préserver de la fameuse « malédiction des seconds mandats ». Seuls deux présidents, Ronald Reagan et Bill Clinton, ont réussi à accroître leur popularité pendant les quatre années suivant leur réélection. Pour l’emporter, contre l’hostilité du Congrès, le président réélu devra aussi réaliser cet exploit.

PHILIPPE COSTE

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