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Nouveau round de négociations en Ukraine: ce qu’il faut retenir du week-end

Le Vif

Kiev et Moscou ont annoncé dimanche un nouveau round de négociations qui pourrait avoir lieu en début de semaine après le changement affiché par la Russie sur « l’objectif principal » de son invasion de l’Ukraine.

Moscou a affirmé vendredi vouloir concentrer son offensive sur l’est de l’Ukraine, un changement de cap qui fait craindre à Kiev une partition du pays, les séparatistes de Lougansk évoquant eux la tenue d’un referendum sur l’indépendance de leur territoire. Des délégations russe et ukrainienne vont se retrouver physiquement « en Turquie » pour ces nouveaux pourparlers, a indiqué David Akramia, l’un des négociateurs ukrainiens, ajoutant que ce nouveau cycle de discussions était prévu « du 28 au 30 mars ». Du côté russe, le négociateur en chef Vladimir Medinski a annoncé lui aussi la tenue d’un nouveau dialogue diplomatique devant avoir lieu selon lui mardi et mercredi, mais sans préciser le lieu de la rencontre.

Une séance de négociations avait déjà eu lieu le 10 mars en Turquie, à Antalya, au niveau des ministres des Affaires étrangères et à l’invitation d’Ankara, mais n’avait débouché sur aucune avancée concrète. Depuis lors, les discussions se sont poursuivies par visioconférence, jugées « difficiles » par les deux camps. Vendredi, le commandement russe avait créé la surprise en annonçant « concentrer le gros des efforts sur l’objectif principal: la libération » du bassin minier du Donbass. Jusque là, la volonté affichée par Moscou était de « démilitariser et dénazifier l’Ukraine » dans son ensemble et non pas seulement dans cette région orientale où se trouvent deux « républiques » séparatistes pro-russes.

Scénario coréen ?

Le chef du renseignement militaire ukrainien, Kyrylo Boudanov, a estimé dimanche qu' »après avoir échoué à prendre Kiev et à renverser le gouvernement ukrainien », Moscou « pourrait imposer une ligne de séparation entre les régions occupées et non occupées de notre pays, [dans] une tentative » d’instaurer une séparation à la coréenne. Léonid Passetchnik, leader du territoire séparatiste de Lougansk (est), dont Moscou a reconnu l’indépendance, a lui déclaré que cette entité pourrait organiser « dans un avenir proche » un référendum pour rejoindre la Russie. « Tous les faux référendums dans les territoires occupés temporairement sont nuls et non avenus et n’auront aucune légitimité », a réagi Oleg Nikolenko, porte-parole du ministère ukrainien des Affaires étrangères.

Sur les hauteurs de la ville de Lviv
Sur les hauteurs de la ville de Lviv© Belga

Sur le théâtre des opérations, au 32e jour de la guerre, Kiev a dit craindre une aggravation de la situation à Marioupol (sud-est) et dans l’Est. Mettant en garde dimanche contre « l’escalade des mots et des actions » en Ukraine, le président français Emmanuel Macron a indiqué qu’il parlerait au président russe Vladimir Poutine lundi ou mardi pour organiser une opération d’évacuation de ce port stratégique sur la mer d’Azov, assiégé depuis des semaines. De nouveaux couloirs humanitaires ont été organisés dimanche pour permettre l’évacuation d’habitants de la ville où plus de 2.000 civils ont été tués, selon la municipalité. Plusieurs tentatives visant à établir des itinéraires sûrs pour que les civils puissent quitter la ville ont échoué, les deux parties s’accusant mutuellement de violations de cessez-le-feu.

« Discuter avec Poutine »

En visite samedi à Varsovie, le président américain Joe Biden s’en était pris violemment au maître du Kremlin, le qualifiant de « boucher » et jugeant qu’il ne pouvait « pas rester au pouvoir » après son invasion de l’Ukraine. « Je n’utiliserai pas ce genre de propos parce que je continue de discuter avec le président Poutine », a déclaré M. Macron, qui ambitionne d' »arrêter la guerre que la Russie a lancée en Ukraine sans faire la guerre ».

Moscou avait réagi aux propos de M. Biden en l’appelant à rester mesuré dans ses propos, jugeant que les « insultes personnelles » étaient le meilleur moyen de saper les relations bilatérales déjà notoirement mauvaises de la Russie « avec le gouvernement américain actuel ». La Maison Blanche a dû nuancer très rapidement les propos tenu par M. Biden. « Ce que le Président voulait dire, c’est que Poutine ne peut pas être autorisé à exercer un pouvoir sur ses voisins ou sur la région », a-t-elle indiqué : « Il ne parlait pas du pouvoir de Poutine en Russie, ni d’un changement de régime ».

« Aide humanitaire de propagande »

Depuis l’annonce des nouveaux objectifs de Moscou en Ukraine, l’étau russe a semblé se desserrer dans certaines régions du sud de l’Ukraine. A Mykolaïv, les habitants ont retrouvé un peu d’espoir, après des semaines terribles pendant lesquelles l’armée russe a tenté en vain de faire sauter cette ville-verrou sur la route d’Odessa, plus grand port d’Ukraine, a constaté l’AFP. S’il y a encore des alertes aux bombardements aériens, les sirènes n’ont guère troublé dimanche les badauds, de plus en plus nombreux dans les rues, les marchés ou dans les files d’attente devant les distributeurs de billets. Le front a même sensiblement reculé, avec une contre-offensive ukrainienne sur Kherson, seule ville d’importance dont l’armée russe avait revendiqué la prise totale, à quelque 80 kilomètres au sud-est.

Mais à Kiev, « les groupes de sabotage de l’ennemi essayent toujours de pénétrer » dans la ville, selon l’état-major ukrainien. Il est cependant très difficile de vérifier de source indépendante ce qui se passe sur le terrain. A environ 120 km au nord-est de Kiev, où la ville de Tcherniguiv serait encerclée par les forces russes sans possibilité d’en évacuer massivement les civils, l’armée ukrainienne à accusé les forces ennemies de distribuer « de force sa soi-disant aide humanitaire à des fins de propagande dans les médias russes ».

« Pays fier »

Les forces ukrainiennes ont toutefois affirmé avoir repris le contrôle de la ville de Trostianets, dans le nord-est du pays, selon le ministère de la Défense ukrainien. Selon les autorités régionales ukrainiennes, l’armée russe a pris le contrôle de la ville de Slavoutitch, où réside le personnel de la centrale nucléaire de Tchernobyl, arrêtant brièvement le maire et suscitant des manifestations pro-ukrainiennes. « Il n’y a pas eu de rotation des employés depuis près d’une semaine », soit depuis le 20 mars, sur le site de Tchernobyl, a indiqué l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) dans un communiqué, s’inquiétant de la capacité des employés qui gèrent les opérations quotidiennes de rentrer chez eux se reposer. En Russie, M. Poutine a félicité dimanche dans une adresse vidéo la Garde Nationale (Rosgvardia) qu’il a créée il y a six ans, et particulièrement ceux qui participent à « l’opération militaire spéciale sur le territoire du Donbass et de l’Ukraine ». « Notre vaste pays tout entier est à juste titre fier de chacun de vous », a-t-il dit.

Sur le plan diplomatique, le ministre des Affaires étrangères ukrainien Dmytro Kouleba a appelé à un boycottage des supermarchés français Auchan – qui ont fait le choix de rester en Russie – ainsi que des enseignes Leroy-Merlin (bricolage) et Décathlon (sport), détenues par le même groupe familial.

A Rome, le pape François a dénoncé « le martyre » de l’Ukraine et « l’agression » « barbare et sacrilège » du pays par la Russie.

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