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Mitterrand et les femmes: plongée sous les draps élyséens

Le Vif

A l’Elysée, l’abstinence est morte avec le gaullisme et, depuis 1974, les présidents sont tous de grands amateurs de femmes, à la vie sentimentale débridée. Nombreuses parmi leurs conquêtes sont les journalistes, notamment à une époque où le laxisme déontologique n’avait d’égal que le relâchement des moeurs.

Avec Renaud Revel, rédacteur en chef Médias au Vif/L’Express, qui a plongé sous les draps élyséens, retrouvons le maître en séduction, François Mitterrand.

[EXTRAITS]

Jacqueline en forêt

Elle le regardait, sans le quitter des yeux, s’avancer à travers une foule de militants le cernant en rangs serrés. Nous étions à quelques mois de l’élection présidentielle de 1965 et François Mitterrand sortait d’une salle des fêtes à quelques kilomètres de Nevers, ville où se déroulait le « Banquet des 1 000 », un vaste raout socialiste qui allait mettre sa campagne sur orbite. […] « Venez, Jacqueline, je vous emmène avec moi. » Enchantée, Jacqueline Chabridon s’insinua dans son sillage avant de s’engouffrer à son côté dans sa voiture. Le véhicule fit quelques kilomètres sur une route nationale, avant de brusquement bifurquer sur un petit chemin forestier, où François Mitterrand stoppa net et coupa le moteur. Ce haut couturier de la politique, qui travaillait d’ordinaire ses conquêtes à l’aiguille, abandonna ses bonnes manières pour du prêt-à-draguer à la hussarde : « Mais qu’est-ce qui vous prend, président ? » lança la jeune femme, qui n’était autre, à l’époque, que l’épouse de son ami Charles Hernu. « Si vous vous autorisez cela, c’est que Charles me trompe ! » asséna celle dont le corsage, visité par des mains expertes, était déjà sous séquestre. Tout à coup désemparé par cette remarque, François Mitterrand stoppa net sa fouille au corps et battit en retraite, avant de s’employer à la rassurer sur la fidélité de son mari.

Le joli sein de Sagan…

Possédant un penchant aggravé pour les potins à connotation érotique, François Mitterrand adorait cribler certaines de ses invitées de confessions grivoises, certain qu’elles les feraient rougir. C’est ce qui se produisit un jour, lors d’un déjeuner à l’Elysée, en 1993, en présence de Pierre Bergé, Georges-Marc Benamou et Françoise Sagan. « Vous souvenez-vous, Françoise, de ce voyage à Bogota ? Vous aviez eu un léger malaise et nous avions été obligés de vous faire hospitaliser. » Les petits yeux de l’écrivain, en points d’interrogation, vrillèrent l’espace : « Heu, oui… », bredouilla-t-elle. « C’est-à-dire que j’étais allé vous rendre visite à l’hôpital, poursuivit Mitterrand, vous étiez endormie. Et le drap qui vous recouvrait avait légèrement glissé, laissant entrevoir l’un de vos seins. Il était splendide. Ce fut une vision magnifique… »

La complice du Nord

Journaliste d’origine suédoise, Christina Forsne a rencontré François Mitterrand en 1979, à Stockholm, lors d’un congrès de l’Internationale socialiste. Il avait 62 ans, elle 31. Et c’est à cette date qu’ils entamèrent une relation intime qui courra, de manière épisodique, sur pas moins de quinze années, et dont la presse se fit l’écho à l’époque. […]

Le jour même de l’intronisation officielle de François Mitterrand, en mai 1981, au siège du PS, rue de Solférino, où chacun s’affairait, flottait une légère brise de panique : le « président » avait disparu ! […] Pôle Sud, Danielle ne savait pas où son mari se trouvait. Pôle Nord, Anne Pingeot n’était pas plus informée du lieu où s’était réfugié le père de sa fille. On apprendra bien plus tard, et par la bouche même de l’intéressée, qui s’en rengorgea avec délice – jusqu’à coucher la scène dans l’un de ses livres -, que le premier des Français l’avait rejointe dans son petit studio de l’île Saint-Louis, où elle lui avait mitonné des rognons sautés à l’armagnac ! […]

Journaliste, Christina Forsne s’était installée à Paris comme correspondante du journal qui l’employait. […] Sa toute première visite à Latche remonte à Pâques 1981, où Danielle Mitterrand vit débarquer un matin cette jolie femme. Sourires et hochements de tête : une fraîche apparition de plus, songea, fataliste, l’épouse de celui qui fit à son invitée l’honneur de son domaine : arbres, coteaux, refuges et cabanons, « François » n’omit rien… « Danielle Mitterrand était parfaitement au courant pour nous deux », confia-t-elle, un jour, à l’occasion d’une interview accordée au quotidien suédois Aftonbladet, le 15 août 2012, avant d’ajouter, avec une pointe de curare au bout de la langue : « Son mariage ne tenait plus debout. C’était une militante de gauche naïve, qui prenait le Concorde pour aller distribuer des bouteilles d’Evian aux victimes des tremblements de terre. » La philippique est assassine. Mais cette journaliste pouvait-elle ignorer, à son tour, que l’homme dont elle s’était éprise slalomait entre les femmes, avec des plantés de bâton qui lacéraient souvent le coeur et les rêves des plus envahissantes ? Et qu’il avait prononcé à bien d’autres avant elle des épithalames pour la vie.

Les années passèrent et François Mitterrand, de cabrioles en doubles saltos amoureux, espaça ses rencontres avec celle qui se morfondait aux grilles de l’Elysée, une cité interdite autour de laquelle elle tournait en pèlerinage. Le coeur solitaire ne sait pas se moquer de ses désillusions : éméchée, un soir, au début des années quatre-vingt-dix, Christina Forsne invectiva des policiers en faction devant le commissariat du VIIIe arrondissement de Paris, hurlant, la voix gonflée de sanglots, qu’elle était la maîtresse du président de la République. L’information remonta, illico, jusqu’au préfet de la capitale, qui avertit immédiatement le cabinet de François Mitterrand, lequel, réveillé en pleine nuit, dépêcha sur-le-champ son chauffeur, Pierre Tourlier, afin qu’il la raisonne. […] Irrité par ce tohu-bohu, François Mitterrand donna, en effet, pour consigne à son secrétariat de ne plus la lui passer au téléphone.

Marine, ultime confidente

Admise dans le saint des saints, Marine Jacquemin vécut, de fait, des moments privilégiés. Ainsi, lors d’une réunion du G 7 au Japon, celle que TF 1 avait dépêchée sur place fut immédiatement prise en charge par le président français. Elle fut, du coup, la seule femme invitée à pénétrer dans l’enceinte, ultra-protégée, où Bill Clinton, John Major, Gerhard Schröder et une brochette de grands de ce monde s’apprêtaient à poser pour une photo officielle de ce sommet. Or, Bill Clinton, qui avait repéré la jeune femme, lui lança, l’air canaille, des oeillades appuyées. L’ayant remarqué, François Mitterrand, s’approcha de Marine Jacquemin et lui glissa à l’oreille : « Alors, il te plaît ? – Oh, que oui ! » répliqua la journaliste, avant que François Mitterrand lui propose de le rejoindre le lendemain matin, afin de partager le petit déjeuner programmé avec le locataire de la Maison-Blanche ! La « White House » n’est pas dépourvue de chambres, boudoirs et couloirs discrets, put lire la journaliste dans le regard abrasif du président américain, qui dut s’interroger, ce jour-là, sur la présence de cette jolie femme au côté de son homologue français… Toujours est-il qu’à défaut d’un aparté avec Marine Jacquemin Bill Clinton lui concéda une interview exclusive, qu’elle rapporta dans ses bagages à Paris. […]

« Quelle est la ville au monde que tu préfères ? lui demanda François Mitterrand. Moi, j’ai un faible pour Venise et New York », ajouta-t-il, avant qu’elle n’ait eu le temps de réagir. « D’ailleurs, acheva-t-il, nous allons y faire une halte et je t’emmène ! » C’est ainsi que l’avion présidentiel fit un crochet par New York, où François Mitterrand fit réserver une suite, ainsi qu’une chambre à l’intention de celle qui découvrit l’un des plus beaux palaces de la ville aux mille gratte-ciel : l’Astoria. Ils y restèrent deux jours, durant lesquels le couple parcourut ses artères, parfois sous les caméras de cette même équipe de TF1, qui ne sut jamais le contenu des conversations qu’échangèrent ces deux êtres, qu’une complicité mystérieuse semblait unir. « Mon rêve était de déambuler une dernière fois dans les rues de cette ville, lui confia le vieil homme durant cette promenade. Si j’aime New York, c’est parce que j’y puise de l’énergie. » Au cours de cette balade, François Mitterrand fut pourtant pris d’un malaise, qui affola toute sa suite. Et c’est dans les locaux d’une agence de la banque HSBC, sur la Cinquième Avenue, à deux pas de Manhattan, que l’homme fit une halte afin de reprendre quelques forces, sous les regards inquiets de celle qui était devenue sans le vouloir le témoin obligé de son calvaire. […] Tel un vieux couple bornant ses journées de repères et de petits gestes infiniment répétés, ces deux êtres avaient instauré entre eux toute une série de rituels. Ainsi, quand François Mitterrand téléphonait à Marine Jacquemin, il se présentait de la sorte : « Bonjour, ici Monsieur Lorrain… »

Valérie Trierweiler, déjà…

Bonjour mademoiselle » : se tournant vers le chef de l’Etat, la jeune femme inclina la tête et lui offrit, en la relevant, un sourire qui l’acheva. « Puis-je vous demander votre nom ? » ajouta Mitterrand. « Valérie Trierweiler », répondit celle qui déroula son cursus : journaliste à Profession politique. Les présentations faites, François Mitterrand entama une conversation qui fut brève, mais chaleureuse. L’entremets avait été consommé et François Mitterrand proposa de poursuivre cet échange lors d’un déjeuner, en tête à tête, à l’Elysée. Et ce, dès qu’elle le souhaiterait. « Maintenant que vous connaissez le chemin… », lui dit-il, avant de la quitter, se promettant d’approfondir son CV à la première occasion. La scène n’avait échappé à personne. Pas même à l’une des plumes de Paris Match. […] A peine retournée à Paris Match, Laurence Masurel se précipita dans le bureau de son directeur, Roger Thérond, à qui elle la raconta dans ses moindres détails. […] Thérond pointa vers elle un index-antenne et lâcha : « On l’embauche ! » C’est ainsi que celle qui deviendra, vingt ans plus tard, la compagne de François Hollande fit ses premiers pas à Paris Match.

Les Amazones de la République, par Renaud Revel. First, 320 p.

Cet article est paru dans la version papier du 7 juin 2013

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