Gérald Papy

« #MeToo, le combat inachevé »

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Un an après le déclenchement de l’affaire Weinstein, l’establishment américain est secoué par les auditions devant la commission des affaires judiciaires du Sénat du juge Brett Kavanaugh, candidat du président Trump à la Cour suprême des Etats-Unis, et de la professeure de psychologie Christine Blasey Ford qui l’accuse d’agression sexuelle lorsqu’ils étaient adolescents.

Le hasard n’a pas sa place dans ce choc des révélations à douze mois d’intervalle. Sans le mouvement #Me Too de libération de la parole des victimes, pas sûr que le juge conservateur, accusé de violences par deux autres femmes, aurait vu sa désignation auprès d’une des institutions les plus puissantes des Etats-Unis suspendue, hypothétiquement, aux résultats d’une enquête du FBI.

Un an après, si des comportements, des prises de position, des sensibilités ont effectivement changé sous l’effet des révélations sur les agissements du producteur de cinéma de Hollywood, le combat contre les violences sexuelles reste un chantier largement ouvert. A l’automne 2017, les dénonciations qui s’en étaient suivies avaient déjà montré que la prise de conscience touchait principalement les cercles des classes sociales supérieures. Il est toujours difficile aujourd’hui pour l’ouvrière de Forest, la servante philippine de Dubaï ou l’exilée somalienne sur la route de Lampedusa de faire entendre leur voix et leur souffrance. Au-delà de celui des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire des Etats, le rôle des associations de la société civile est, dans ce contexte, primordial pour abattre le mur du silence et tenter de rendre justice.

u0022Aujourd’hui, une culture machiste va même jusqu’à être revendiquée comme argument électoral.

L’évolution du comportement des principaux responsables de ce fléau, les hommes, n’est pas nécessairement plus réconfortante. La progression du populisme, nourrie dans de nombreux pays par la défiance envers les familles politiques traditionnelles, s’accompagne de la résurgence d’une culture machiste que l’on croyait discréditée. Elle semble même revendiquée comme un argument électoral. Donald Trump l’a pratiquée pour séduire les électeurs de la droite évangélique en 2016. Au lendemain de son intronisation à la Maison- Blanche, il avait été pris pour principale cible – événement inédit – d’une gigantesque  » marche des femmes  » sur Washington. Rodrigo Duterte et Jair Bolsonaro suscitent aujourd’hui un semblable dégoût. Le président philippin, interrogé sur la hausse des viols lors d’une visite récente à Davao, a cru opportun de répliquer que  » tant qu’il y aura de belles femmes dans cette ville, il y aura plus de cas de viols « . Le candidat de l’extrême droite favori du premier tour de l’élection présidentielle brésilienne du 7 octobre s’est attiré les foudres imprescriptibles des Femmes unies contre Bolsonaro pour avoir un jour lancé à une députée, qu’il jugeait  » trop laide  » :  » Je ne te violerai pas parce que tu ne le mérites pas ! « .

Le mouvement #Me Too, au sommet de sa déferlante et à travers certaines de ses déclinaisons, n’a pas été exempt de dérives. Elles ont été limitées et combattues par la plupart de ses partisans. Il ne faut pas se méprendre et renvoyer les uns et les autres dos à dos. La tendance conservatrice mâtinée de machisme qui s’étend aujourd’hui (et s’attaque notamment au droit à l’avortement) n’est en aucun cas une réplique à une évolution  » extrémiste  » de nouvelles chiennes de garde féministes. L’extrémisme, c’est du côté des machos qu’il sévit. #MeToo est simplement un mouvement légitime de défense des droits humains.

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