Massacre au Brésil : le principal suspect est la police

Les hommes en cagoules noires étaient calmes au moment d’entrer dans le bar de la banlieue de Sao Paulo et d’en exécuter les clients. Plus terrifiant encore que ces images enregistrées par les caméras de sécurité : les suspects seraient de la police brésilienne.

Dénoncée comme l’une des plus violentes au monde, la police brésilienne et ses exactions font partie de la face sombre d’un pays qui rêve pourtant d’être reconnu pour sa puissance industrielle, sa forêt amazonienne, son carnaval ou les jeux Olympiques de 2016, organisés à Rio de Janeiro. L’organisation de défense des droit de l’Homme Amnesty International estime ainsi que la police de Rio aurait tué plus de 1.500 personnes ces cinq dernières années. Lundi, à Uberlandia, à 550 km au nord de Sao Paulo, cinq personnes, dont une femme, ont été tuées par balles de gros calibre. Et en juillet, à plus de 2.000 km de là, 37 personnes ont été exécutées en trois jours à Manaus, la capitale de l’Amazonie. Dans chacun des cas – et de nombreux autres qui ont fait moins de bruit dans les médias – les policiers sont les suspects numéro un. Leur motivation présumée : la vengeance. Avant le massacre du bar modeste de Sao Paulo, c’est un agent de sécurité et un policier qui avaient été assassinés. A Uberlandia, un gardien de prison venait d’être abattu la veille de la tuerie. A Manaus, encore un policier, qui sortait d’une banque. En mars 2005 en banlieue de Rio, une dizaine d’hommes armés avaient abattu 30 personnes en une heure, un massacre commis « en représailles » à l’expulsion de policiers accusés de conduite douteuse, selon la police elle-même.

Vengeance

« Ces cas sont assez fréquents », affirme Rafael Alcadipani da Silveira, expert en questions policières et membre du Forum brésilien de sécurité publique. Selon lui, au Brésil la police se fait souvent justice elle-même car elle estime que l’Etat ne fait pas son travail, surtout dans les cas de meurtres de policiers en dehors de leurs heures de service. Leur raisonnement ? « Si on tue un des tes amis et que rien n’est fait, tu prends les choses en mains et tu venges la mort de ton ami », explique-t-il. L’expert souligne que l’estimation officielle de 500 agents tués par an – dont 75% n’étaient pas en service au moment des faits, selon le dernier rapport de sécurité publique – est inférieure de moitié à la réalité. 80% des policiers déclarent avoir eu un collègue tué. Une partie significative de la société brésilienne semble tolérer la violation des règles de l’Etat quand il s’agit de criminels. Des photos de lynchage de délinquants présumés – dont l’une où l’on voyait un jeune attaché à un poteau et frappé à mort à Sao Luiz de Maranhao (nord-est) – paraissent dans la presse sans provoquer d’indignation. « Dans un pays qui souffre de violence endémique, l’attitude des vengeurs est compréhensible », a récemment déclaré une présentatrice d’une chaîne de télévision, commentant le fait qu’un voleur de bicyclette avait été attaché par le cou à un poteau. Bien que des policiers soient probablement derrière les récents massacres, peu s’attendent ce qu’ils soient jugés à court terme. A Manaus, les chefs de la police ont été maintenus à leurs postes et l’enquête piétine. « Presque toutes les tueries survenues à Sao Paulo sont commises avec la participation de policiers militaires (PM). La dynamique des exécutions, l’utilisation de cagoules, l’horaire, le grand nombre de victimes, tout désigne un modèle qui se répète », explique Camila Dias de l’Université de Sao Paulo. « Malheureusement c’est rare qu’on arrive à le prouver devant la justice », regrette-t-elle.

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