Fuir par le suicide face à une mort annoncée. © belga image

Les suicidés de Demmin en 1945, une illustration de la violence de guerre

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Professeur des universités à Sciences Po Strasbourg, Emmanuel Droit raconte l’étrange destin du plus vaste suicide collectif de civils de l’histoire de l’Allemagne dans Les suicidés de Demmin.

Entre le 30 avril et le 4 mai 1945, à deux cent trente kilomètres au nord de Berlin, la petite ville de Demmin, dont l’Armée rouge venait de s’emparer sans combat dans son offensive contre les nazis, fut le théâtre du plus vaste suicide collectif de civils de l’histoire de l’Allemagne (un millier de morts). Professeur des universités à Sciences Po Strasbourg, Emmanuel Droit raconte cet étrange destin dans Les suicidés de Demmin (1). Toute comparaison avec le conflit en Ukraine serait hasardeuse, si ce n’est dans l’explication de certains mécanismes de violence en situation de guerre.

Là réside le grand intérêt de cette étude de cas. Une analyse distante pourrait ne voir dans ce drame que le résultat de l’efficacité de l’idéologie nazie (qui présentait le suicide comme un « acte sacrificiel héroïque ») et de la soif « naturelle » de vengeance des troupes soviétiques. Emmanuel Droit va plus loin en identifiant le « moment décisif de bascule » qui va plonger Demmin dans l’horreur. « Les actes de violence sont toujours articulés à des causes mais ils ne sont compréhensibles que lorsqu’on étudie la manière dont une situation donnée leur permet de se développer. »

Quelle est la situation le 30 avril 1945? Les autorités allemandes ont déserté Demmin quelques heures avant l’arrivée de l’ennemi, faisant sauter les ponts sur les rivières enserrant la ville. Les soldats soviétiques, contraints de stationner sur place, rencontrent peu d’hostilité le premier jour. Mais dans la soirée, leur célébration anticipée de la fête du 1er mai est fortement alcoolisée. Des habitantes sont violées. Le centre-ville ancien est incendié, sans que l’on sache qui en est responsable. La peur se transforme en autodestruction. Il faudra attendre la fin de l’ex-Allemagne de l’Est pour sortir cet épisode de la « mémoire empêchée » par les Soviétiques.

(1) Les suicidés de Demmin – 1945, un cas de violence de guerre, par Emmanuel Droit, Gallimard, 176 p.

Les suicidés de Demmin en 1945, une illustration de la violence de guerre

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