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Les îles Tonga toujours coupées du monde

Le Vif

L’étendue des dommages restait encore inconnue ce matin, bien que les premiers décès se confirment. Une puissante éruption sous-marine y a provoqué un tsunami ce weekend.

L’archipel est privé de connexions téléphoniques et internet, le cataclysme ayant sectionné un câble essentiel pour ses communications qui ne devrait pas être réparé avant des semaines. Et le nuage de cendres volcaniques empêche les avions d’atterrir. Les informations depuis ce pays d’à peine 100.000 habitants, recouvert d’une couche de cendres après l’éruption qui a envoyé des ondes de choc dans le monde entier, n’arrivent qu’au compte-gouttes grâce à de rares téléphones satellite.

Tout a commencé fin décembre, quand le volcan est entré en éruption sous l’eau, provoquant « des explosions de plus en plus puissantes liées à l’interaction entre le magma et l’eau de mer », explique à l’AFP Raphaël Grandin, de l’Institut de physique du globe de Paris (IPGP). La plus grosse s’est produite samedi, formant un panache de 30 km d’altitude qui a atteint la stratosphère. Et s’est rapidement développé en une « ombrelle volcanique » de plusieurs centaines de kilomètres de diamètre au-dessus de la région, dont une partie s’est retrouvée ensevelie sous les cendres, précise l’agence sismique néo-zélandaise. Surtout, l’éruption a été si puissante qu’elle a provoqué un tsunami généralisé, inondant des côtes des Etats-Unis jusqu’au Chili ainsi qu’au Japon. L’onde de choc a été telle que l’explosion a été entendue jusqu’en Alaska, à plus de 9.000 km de là. « C’est exceptionnel. A ma connaissance, la dernière explosion audible à cette distance remonte à celle du volcan Krakatoa en Indonésie en 1883, qui avait fait 36.000 morts », souligne Raphaël Grandin.

Une Britannique de 50 ans, Angela Glover, emportée par le tsunami aux Tonga après avoir essayé de sauver les chiens de son refuge, a été retrouvée morte, a déclaré sa famille sur la BBC. Elle est le premier décès répertorié dans le pays. Deux femmes s’étaient également noyées samedi au Pérou, emportées par de fortes vagues consécutives à l’éruption. Ce pays sud-américain a été touché par une marée noire samedi dans la province de Callao, non loin de Lima. Un « déversement limité de pétrole » s’est produit en mer lors du processus de déchargement d’un pétrolier en raison de la violente houle de samedi au large des côtes péruviennes liée à l’éruption volcanique aux Tonga, a indiqué la raffinerie La Pampilla, qui appartient à la compagnie espagnole Repsol.

Les îles Tonga toujours coupées du monde

La quantité de pétrole déversée n’a pas été précisée, mais les autorités ont indiqué lundi que la marée noire était désormais « sous contrôle ». Selon le ministre de l’Environnement, Rubén Ramirez, la pollution concerne « environ trois kilomètres » de plages qui ont été fermées. La Nouvelle-Zélande et l’Australie ont envoyé des avions militaires de reconnaissance lundi pour essayer d’évaluer depuis le ciel l’ampleur des dommages et de déterminer quels sont les besoins d’aide les plus urgents, selon la Première ministre néo-zélandaise Jacinda Ardern. « Nous savons que l’eau est un besoin immédiat », a-t-elle déclaré. Les deux pays ont également mobilisé des avions de transport militaire C-130, prêts à décoller vers les Tonga une fois le nuage de cendres dissipé pour y parachuter de l’aide, voire y atterrir si l’état des pistes le permet.

« Aucune communication »

Comme de nombreux autres pays, la France, « voisine du Royaume des Tonga » via la collectivité d’outre-mer de Wallis-et-Futuna, s’est dite « prête à répondre aux besoins les plus urgents de la population », selon un communiqué. « Je pense que le pire, c’est la coupure et le fait que nous ne savons rien », a déclaré Filipo Motulalo, journaliste tongien qui travaille en Nouvelle-Zélande pour Pacific Media Network. « Il n’y a aucune communication », a-t-il ajouté. « Notre maison fait partie de celles qui sont proches de la zone qui a déjà été inondée, donc nous ne savons pas quels sont les dégâts ». Le ministre australien du Développement international, Zed Seselja, a indiqué que des policiers australiens stationnés aux Tonga avaient envoyé un état des lieux « plutôt inquiétant ».

Aéroport utilisable

« Les routes et certaines maisons ont subi des dommages assez importants », mais « une des bonnes nouvelles (…) c’est que l’aéroport n’a subi aucun dégât significatif », a déclaré le ministre.

« D’après le peu d’informations dont nous disposons, l’échelle de la dévastation pourrait être immense, spécialement pour les îles les plus isolées », a déclaré pour sa part Katie Greenwood, de la Fédération internationale de la Croix Rouge. Le Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires a exprimé des inquiétudes pour deux îles, Mango et Fonoi, après des vols de surveillance ayant permis de constater « des dommages immobiliers considérables » après l’éruption de samedi.

Les îles Tonga toujours coupées du monde
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Des vues saisissantes prises de l’espace en fin de semaine dernière montrent le moment de l’éruption du Hunga Tonga-Hunga Ha’apai, sur une des îles inhabitées des Tonga: un énorme champignon de fumée et de cendres de 30 km de haut, suivi immédiatement du déclenchement d’un tsunami. Des vagues de 1,2 mètre ont déferlé sur Nuku’alofa, où les habitants ont fui vers les hauteurs, laissant derrière eux des maisons inondées, tandis que des roches et de la cendre tombaient du ciel. « Le sol a tremblé, la maison entière était secouée. Ça venait par vagues. Mon jeune frère pensait que des bombes explosaient près de chez nous », a relaté au site d’information Stuff une habitante des Tonga, Mere Taufa.

L’activité du Hunga Tonga-Hunga Ha’apai est d’autant plus difficile à comprendre qu’elle est sous-marine. Et il est malheureusement « presque impossible de la surveiller ». « Le volcan est susceptible d’éclater davantage dans les prochains jours », s’inquiète le professeur Oliver Nebel, de l’École de la Terre, de l’atmosphère et de l’environnement de l’Université de Monash, en Australie.

Les populations concernées doivent rester vigilantes, et prendre leurs précautions avant que les cendres ne se dissipent. Le problème principal résidant dans la pollution des réserves d’eau, elles sont invitées à boire de l’eau en bouteilles.

Le volcan Hunga Tonga -Hunga Ha’apai

Le volcan sous-marin des îles Tonga est un édifice colossal situé à fleur d’eau, une configuration géologique malheureuse et très difficile à surveiller. Situé dans la « Ceinture de feu » de l’océan Pacifique, zone où la rencontre des plaques tectoniques provoque une activité sismique élevée, le volcan Hunga Tonga -Hunga Ha’apai mesure environ 20 km de diamètre, pour 1.800 mètres de haut, essentiellement immergés. Il est « posé » au fond de l’océan mais son cratère principal affleure au ras de l’eau, formant une île inhabitée. Que se passe-t-il lors de ces phénomènes, assez rares selon les experts? La remontée du magma vers la surface libère des gaz qui doivent « pousser » pour se frayer un chemin, créant un phénomène de surpression. La présence d’eau « aggrave la situation car avec la chaleur, elle se transforme en vapeur et se détend, comme dans une cocotte-minute », développe le géophysicien. Toutes les explosions volcaniques sont liées à cette décompression des gaz magmatiques. « Quand ça se passe au fond de la mer, l’eau a tendance à étouffer l’activité. Quand ça se passe à l’air libre, les risques restent localisés. Mais quand ça se passe à fleur d’eau, c’est pas de chance, car c’est là que les risques de tsunami sont les plus élevés ». La cause exacte du raz-de-marée reste cependant à déterminer. De manière moins probable, il pourrait aussi provenir d’un mouvement de masse sous-marin, tel un effondrement de l’édifice volcanique lors de l’éruption, avance Robin Lacassin, également géophysicien à l’IPGP.

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