Mohammed VI du Maroc © AFP

Les enjeux limités des législatives au Maroc

Le Vif

Les enjeux des législatives de vendredi au Maroc sont en fait limités, avec peu de changements à attendre, explique à l’AFP Pierre Vermeren, historien du Maghreb contemporain et professeur à l’université de Paris-I Panthéon-Sorbonne.

Quels sont les principaux enjeux de ces législatives?

Il n’y a pas beaucoup d’enjeu en réalité car personne ne s’attend à un bouleversement. La classe politique marocaine professionnelle est très stable et les carrières durent des décennies; ce sont les attributions de postes et les fonctions qui varient. Cela dit, on verra si le PDJ (le Parti de la justice et du développement, islamiste) reste en tête comme il l’espère, voire se renforce, ou si le parti des proches du roi, le PAM (Parti authenticité et modernité), parvient à renverser cette primauté. Une énorme campagne de communication avec tous les moyens para-étatiques a été mise en oeuvre pour parvenir à ce résultat.

Quelles seraient les conséquences d’une victoire islamiste ? Ou à l’inverse du PAM?

Une victoire du PJD maintiendrait le statu quo et ferait du PJD un parti incontournable en dépit des humeurs qu’il suscite au palais et dans la bourgeoisie mondialisée. Le PJD aurait gagné son pari et il en profiterait pour essayer d’arracher de nouveaux espaces de co-décision à la monarchie. Une victoire du PAM, ce serait un peu « échec et mat » en faveur de la monarchie à la suite du mouvement du 20 février 2011 (le Printemps arabe, version marocaine), dont la dernière trace (…) est au fond le magistère de la parole de Benkirane (Premier ministre islamiste). Cela dit, au Maroc, alliances et apparentements sont à géométrie si variable qu’on ne peut même pas exclure, comme en Tunisie, une grande alliance gouvernementale ou parlementaire au nom du bien du peuple marocain.

La pré-campagne a été marquée par de vives tensions, avec la mise en avant par les islamistes -dans un discours toujours très maîtrisé- du concept de « tahakoum ». Que signifie ce mot?

Ca renouvelle la notion un peu usée de Makhzen (le palais, en arabe), mais dans l’esprit c’est un peu pareil avec des nuances. Le houkmat, en arabe, c’est le pouvoir, plutôt autoritaire, et le houkoumat, le gouvernement. Dans tahakoum, qui vient de la même racine h-k-m, il y a l’idée d’exercice de l’autorité, de mise en oeuvre du gouvernement des choses. Mais la nuance est celle de « mainmise », de « captation » du pouvoir apparent (le gouvernement) par un pouvoir occulte, ce qui signifie en clair le palais, dont le PAM serait un faux-nez (…). La stratégie du PJD est en tout cas de faire comprendre qu’il se bat non seulement à la tête du gouvernement, mais aussi à front renversé contre une partie de l’appareil d’Etat. C’est de bonne guerre, car s’il n’est pas exempt de critiques, aucun cadeau n’est fait au PJD.

Propos recueillis par Hervé Bar.

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