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Les drones turcs de l’Ukraine : les « kalach » du 21e siècle

Le Vif

Fierté d’Ankara, les drones de combats turcs dont s’est doté l’Ukraine sont entrés en action aux premières heures de l’invasion russe. Ces appareils performants et relativement bon marché s’étaient avérés déterminants lors des conflits au Nagorny-Karabakh ou en Libye, mais le terrain leur est cette fois moins favorable.

Selon les experts, Kiev dispose d’une vingtaine de Bayraktar, fleurons de l’industrie militaire turque dont le président Recep Tayyip Erdogan est devenu le meilleur VRP sur la planète, déjà vendus dans une quinzaine de pays. Sur Twitter, l’ambassade ukrainienne à Ankara a relayé dès le début du conflit des images d’explosions qu’elle attribue aux drones turcs, ciblant des colonnes de camions et de chars russes, accompagnées du mot-dièse #Bayraktar – « Mashallah (Dieu soit loué) #Bayraktar TB2 S »! suivi d’une volée d’émojis laudateurs.

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« Ces frappes de TB2 sont relativement peu nombreuses par rapport aux combats au sol, mais importantes pour le moral des Ukrainiens parce qu’elles montrent que la Russie ne contrôle pas le ciel », relève Aaron Stein, du Foreign Policy Research Institute à Washington, pour qui « les Ukrainiens devraient être félicités pour avoir gardé leurs TB2 en vol ». Mais Aaron Stein confie aussi à l’AFP avoir été « surpris, comme d’autres experts » par la faible présence de l’aviation russe au-dessus de l’Ukraine. Si elle rentre en massivement en scène, l’action des drones en sera d’autant plus limitée. « Je m’attends, sous peu, à ce que l’attrition les rattrape », prédit-il.

En quelques années, la Turquie a assis la réputation de ses drones sur le marché avec une série de conflits qui lui ont offert autant de vitrines. Au Nagorny-Karabakh, en novembre 2020, les drones turcs ont contribué à un tournant déterminant au profit de l’Azerbaïdjan face à l’Arménie. En Libye, en 2019, ils ont sauvé le gouvernement d’union nationale (GNA) face aux offensives du maréchal Haftar. Ankara les a aussi utilisés en Syrie, contre les forces de Damas – soutenues par Moscou – à Idleb (nord-ouest) et contre les combattants kurdes du PKK.

La « kalach » du 21e siècle

« Rusticité, fiabilité, compétitivité » souffle, admiratif, un concurrent occidental sous couvert d’anonymat, pour qui la Turquie a « réinventé la +kalach+ du 21e siècle » – référence à l’universel fusil d’assaut AK47, bon marché et facile d’usage – avec ses drones.

Des engins longs de 6,5 m pour le TB2 et deux fois moins lourds que le concurrent américain, US Reaper, capables de voler jusqu’à 27 heures d’affilée à plus de 220 km/heure, à une altitude opérationnelle de 18.000 à 25.000 pieds, d’après le site du constructeur, Baykar. Et pouvant embarquer « quatre munitions intelligentes à guidage laser ». « Qu’un drone relativement léger et peu coûteux puisse non seulement éviter, mais détecter et détruire des systèmes de missiles sol-air (SAM) et de guerre électronique, avec peu de pertes en retour » marque « un tournant décisif dans l’histoire de la guerre moderne », estiment les auteurs du blog spécialisé Oryx, Stijn Mitzer et Joost Oliemanseux.

Kiev disposait d’une vingtaine de TB2 au début du conflit, selon Aaron Stein.

L’un d’eux a été perdu ces derniers jours, indique Sinan Ülgen, directeur du centre de recherches Edam à Istanbul. Et malgré les accords passés avec le fabricant, leur production locale en Ukraine n’a pas démarré, et il est difficile de savoir si d’autres pourront être livrés rapidement. Kiev a utilisé le TB2 pour la première fois en octobre dernier pour faire taire une position d’artillerie séparatiste russe qui visait les troupes ukrainiennes dans le Donbass.

Mais l’effet de surprise initial risque de s’émousser. « Les drones ont pu faire la différence dans ces conflits au Nagorny-Karabakh, en Syrie ou en Libye, mais ce ne sera pas la même chose en Ukraine », reprend Sinon Ülgen. « Pour que ces drones soient réellement efficaces, ils doivent opérer dans un environnement dénué de menaces aériennes. C’était le cas sur ces autres théâtres. Pas en Ukraine », prévient-il, alors que la Russie déploie des systèmes de guerre électroniques sophistiqués.

Pour lui, ces engins « pourront viser des équipements russes épars mais pas toucher les cibles les plus importantes et les mieux protégées », en particulier autour de Kiev. Une vingtaine de drones, « même très efficaces, ce n’est pas suffisant pour faire basculer le cours de la guerre », appuie Mark Cancian, conseiller du Center for Strategic and International Studies à Washington. « Souvenons-nous que les Russes ont un arsenal estimé à 500 drones, dont beaucoup ont une meilleure capacité que ceux de l’Ukraine », ajoute-t-il. « La Russie les utilise certainement aussi ».

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