Donald Trump © AFP

Les dix mécanismes du fascisme

Le Vif

Dans un livre intitulé « How Fascism Works », le professeur américain en philosophie Jason Stanley (Université de Yale) met en garde contre le retour du fascisme.

Jason Stanley passe au crible le comportement des dirigeants de différentes époques, de Benito Mussolini à Adolf Hitler en passant par Donald Trump et en extrait dix mécanismes qui divisent la société. Ces mécanismes sont autant de signaux d’alarme qui devraient alerter tous les partisans de la démocratie libérale. Le quotidien De Morgen fait le point.

1. Un passé mythique

Les leaders fascistes aiment évoquer un passé mythique où les gens respectaient les traditions, où la nation était pure et où chacun partageait la même couleur de peau, religion et culture. Ils n’hésitent pas non plus à inventer et mythifier ce passé dans le but d’attiser le désir des gens. Et pas question pour un fasciste de remémorer les épisodes sanglants de l’esclavage ou de la colonisation, car autrefois il n’y avait que des héros.

Stanley cite l’exemple du Premier ministre hongrois Viktor Orbán qui affirme qu’il y a mille ans, la Hongrie était un bastion chrétien contre l’Empire ottoman.

2. Les slogans et la propagande

Si les slogans ne sont pas l’apanage du fasciste, celui-ci utilise des formules destinées à semer la discorde entre le peuple et l’élite, les autochtones et les étrangers, les blancs et les personnes de couleur. De Morgen donne l’exemple de Steve Bannon, le responsable de la campagne de Trump à qui il n’a fallu que trois slogans pour faire élire le magnat. « Drain the swamp » : asséchez le marais de Washington, « Lock her up » : enfermez Hillary Clinton, et « Build that wall »: construisez ce mur à la frontière mexicaine.

3. Anti-intellectuel

Selon Stanley, l’idée que les journalistes, académiciens, et autres participants au débat puissent être indépendants est anéantie par les politiques fascistes. L’expertise est sapée, et toute perspective intellectuelle qui ne confirme pas le discours fasciste est suspecte. C’est la raison pour laquelle les écoles sont taxées de lieux d’ « endoctrinement progressif » et que la théorie du complot qui veut que les marxistes culturels contrôlent les médias prend de l’ampleur.

4. À bas la réalité

Pour Stanley, les politiciens fascistes créent une « irréalité » qui revient à mettre en doute la réalité en semant la méfiance, en mentant et en propageant des théories de complot. Le professeur estime qu’ils détruisent « l’espace d’information ».

Il cite de nombreux exemples : la rumeur avidement propagée par Trump qu’Obama n’est pas né aux États-Unis, le Pizzagate faisant état d’un réseau de pédophile impliquant des démocrates, etc. Comme la « presse mensongère » exerce la censure, on trouve la « vérité » uniquement dans les canaux alternatifs, soutenus par les politiciens fascistes.

5. Vive la hiérarchie

Dans l’idéologie fasciste, l’inégalité fait partie de l’ordre naturel. Celui qui défend l’égalité détruit la liberté. Et donc le fasciste veut réduire la liberté de certains pour donner libre cours à l’inégalité. Stanley estime que si les minorités acquièrent des droits égaux, les « véritables » membres de la nation se rebelleront. Pour Jason Stanley, le fasciste exploite la peur de perdre son statut.

6. Victimes dominantes

« Le leader fasciste utilise un sentiment de victimisation collective pour créer une identité de groupe contraire à l’éthos cosmopolite et l’individualisme de la démocratie libérale », écrit Jason Stanley. Ainsi, près de la moitié des électeurs de Trump croient vraiment que les blancs américains constituent le groupe le plus discriminé.

C’est ce qui explique la peur de la migration: la crainte que la majorité devienne la minorité. Le fascisme est nationaliste : tout est en fonction de la tribu ethnique, religieuse ou culturelle. C’est une forme tribale de politique, où c’est la loyauté à la tribu d’appartenance qui domine.

7. Law and order

L’idéologie fasciste divise les citoyens en deux catégories : les élus qui font partie de la même tribu ou nation et les hors-la-loi, décadents et criminels, bien évidemment les non blancs, les immigrants, les personnes de religion ou de culture différente, mais aussi les homosexuels ou les femmes qui ne respectent pas le rôle traditionnel dévolu à leur sexe.

Si ce mécanisme était très présent en Allemagne nazie, il existe toujours aujourd’hui. Ainsi, la rhétorique politique en est imprégnée. Si les membres d’un groupe dominant descendent dans la rue par exemple, c’est par « protestation », si les autres le font il est immédiatement question de « troubles ».

8. La peur sexuelle

Les fausses nouvelles de viols commis par des migrants et des demandeurs d’asile abondent sur la Toile. Et aux États-Unis, Donald Trump traitait les migrants de « violeurs ». Pour Stanley, cette manière de semer une peur sexuelle est peut-être le signe le plus manifeste de l’érosion de la démocratie. Comme le rappelle De Morgen, l’aversion à l’égard des transgenres et des LGTB est également exploitée par les politiciens fascistes.

9. Lieux de perdition

Selon Stanley, la campagne est le meilleur terreau pour la politique fasciste. Pour les fascistes, la ville est en effet un lieu de perdition, un Sodome et Gomorrhe moderne. C’est aussi l’endroit où les personnes issues de l’immigration et les membres de l’élite cosmopolite sont les plus représentés. À la campagne, il y a encore des valeurs traditionnelles, chacun connaît sa place et les chiffres de criminalité sont beaucoup plus faibles.

10. Arbeit macht frei

Selon l’idéologie fasciste, la distinction entre « nous » et « eux » se reflète également dans l’éthique du travail. « Nous » travaillons dur, « eux » sont paresseux et vivent à « nos » frais. Les impôts sont une forme de vol au citoyen qui travaille dur dont le seul but est d’entretenir les étrangers et autres profiteurs. Aussi les fascistes sont-ils hostiles aux syndicats qui luttent pour la redistribution socio-économique. (CB)

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