Les conseillers de Poutine craignent-ils de lui dire la vérité ?

Le Vif

Le président Vladimir Poutine est fourvoyé par ses conseillers qui « ont peur de lui dire la vérité » sur sa stratégie de guerre « défaillante » en Ukraine où des troupes russes sabotent des équipements et abattent accidentellement leur propre avion, ont fait valoir les renseignements britanniques et américains.

Les proches alliés, dont les espions s’efforcent de mettre en avant les échecs de la Russie et les divisions du Kremlin, ont déclaré que les conseillers de M. Poutine avaient « trop peur » de lui dire toute la vérité sur les revers de Moscou sur le champ de bataille et l’impact réel des sanctions. Quelques heures après la publication par la Maison Blanche de son rapport de renseignement sur la situation en Ukraine, le chef de l’agence de renseignement britanniques GCHQ, Jeremy Fleming, a estimé jeudi dans un discours à l’Université nationale australienne de Canberra que le dirigeant russe avait surestimé la capacité de son armée à remporter une victoire rapide.

« Nous avons vu des soldats russes – à court d’armes et le moral en berne – refuser d’exécuter les ordres, saboter leur propre équipement et même abattre accidentellement leur propre avion », a énuméré M. Fleming. « Et même si les conseillers de Poutine ont peur de lui dire la vérité, ce qui se passe et l’ampleur de ces erreurs d’appréciation doivent être parfaitement clairs pour le régime », a-t-il estimé. Selon Jeremy Fleming, le président russe a sous-estimé la résistance ukrainienne, la force de la coalition internationale contre lui et l’impact des sanctions économiques. Il est « assez évident » que Poutine est mal conseillé, abonde Marcus Hellyer, analyste de la défense à l’Australian Strategic Policy Institute de Canberra. Selon lui, les renseignements occidentaux essaient de semer la dissidence ou alimenter le doute sur le jugement de Vladimir Poutine en Russie.

Les conseillers de Poutine craignent-ils de lui dire la vérité ?
© Getty

Quels que soient les conseils qu’il reçoit, M. Poutine dispose de ressources et il est peu probable qu’il accepte un accord à moins d’avoir quelque chose de « très substantiel » à présenter au peuple russe, a-t-il ajouté. « Il se peut qu’ils aient réalisé qu’ils ne peuvent pas vaincre complètement l’Ukraine, ils vont donc adopter une stratégie différente, qui consiste à occuper tout le Donbass, à occuper autant que possible la côte de la mer Noire et à utiliser cela (…) pour leur stratégie de négociation. »

« Trompé »

Ces remarques font écho à un briefing de la Maison Blanche sur des renseignements américains rendus public mercredi. Selon leurs informations, les relations de Poutine avec son personnel militaire se sont détériorées.

« Nous avons des informations, que nous avons maintenant rendues publiques, selon lesquelles (Vladimir Poutine) s’est senti trompé par l’armée russe », a déclaré Kate Bedingfield, directrice de la communication de la Maison Blanche. Ces derniers jours, les forces ukrainiennes ont repris des territoires, dont Irpin, situé dans la banlieue stratégique de Kiev, alors que l’offensive russe semble s’enliser, cinq semaines après le début de l’invasion le 24 février.

Les conseillers de Poutine craignent-ils de lui dire la vérité ?
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Les rapports des renseignements américain et britannique interviennent au moment où les questions se multiplient sur la relation qu’entretient le président russe avec son ministre de la défense, Sergueï Shoigu, qui a disparu de la scène publique pendant des semaines avant de réapparaître le 26 mars dans une émission de télévision. Des images non datées ont montré M. Shoigu – qui y a fait référence à une réunion du ministère des finances la veille – présidant une réunion sur les marchés publics de défense de Russie.

Il y a une « tension persistante » entre M. Poutine et le ministère de la défense de Moscou, conséquence de la méfiance du dirigeant russe à l’égard de sa direction, a déclaré un haut responsable américain à Washington.

Poutine et Shoigu
Poutine et Shoigu © Reuters

Groupe Wagner

Selon le site d’information russe Meduza, basé en Lettonie, des experts du renseignement russe ont déclaré que le chef du « cinquième service » du FSB, Sergei Beseda, et son adjoint, Anatoly Bolukh, avaient tous deux été assignés à résidence dans le cadre d’une enquête.

FSB Dosye, un site d’investigation spécialisé dans le travail du FSB, a déclaré que les informations faisant état d’une purge à grande échelle au sein de l’institution étaient exagérés. M. Beseda a effectivement été interrogé par les enquêteurs, mais est toujours en poste et n’est pas en état d’arrestation, selon le site. M. Bolukh a également été interrogé mais n’est plus, depuis quelques années, le numéro deux du cinquième service, ajoute FSB Dosye.

Les cyberattaques de la Russie restent, pour l’heure, une menace, a en outre avertit Jeremy Fleming: « Nous avons vu des indicateurs qui suggèrent que les cyberacteurs russes cherchent des cibles dans les pays qui s’opposent à leurs actions. » Sur le terrain en Ukraine, Moscou utilise des mercenaires et des combattants étrangers pour soutenir ses propres forces.

Parmi eux, le groupe Wagner, qui « passe à la vitesse supérieure » après avoir été actif dans le pays depuis l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014. « Le groupe travaille comme une branche fantôme de l’armée russe », permettant à Vladimir Poutine de se déresponsabiliser face aux « opérations plus risquées », a-t-il fait valoir.

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