Duong Van Dau, un ancien soldat, est en charge de l'entretien du cimetière depuis près de vingt ans. © AFP

Les combattants oubliés de la Corée du Nord au Vietnam

Le Vif

Non loin de Hanoï, quatorze pierres tombales rendent hommage aux soldats nord-coréens tombés lors de la guerre du Vietnam contre les « impérialistes » américains. Un gardien tente d’entretenir le souvenir de cette contribution peu connue de Pyongyang à son allié communiste.

Aujourd’hui le Vietnam, Etat communiste ayant embrassé le capitalisme, apparaît comme une terre de compromis, au point d’avoir été choisi par le président américain Donald Trump et le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un pour leur deuxième sommet dans quelques jours. Mais le fait que la Corée du Nord avait soutenu le Nord communiste lors de la guerre du Vietnam, envoyant des soldats de l’armée de l’air en renfort, reste un aspect peu connu de l’histoire vietnamo-coréenne.

Les corps de 12 pilotes de chasse et de deux techniciens nord-coréens sont longtemps restés enterrés ici dans ce petit cimetière de la province de Bac Giang, à trois heures de route de Hanoï. Ce n’est qu’en 2000 qu’un premier dignitaire nord-coréen a visité ce mémorial, deux ans avant le rapatriement des dépouilles en Corée du Nord.

Le cimetière fait désormais office de mémorial un peu oublié, au milieu des rizières, mais il reste un symbole de la contribution de Pyongyang à la guerre du Vietnam, nourrissant les spéculations quant à sa possible visite par le très secret leader nord-coréen la semaine prochaine. Duong Van Dau, un ancien soldat, est en charge de son entretien depuis près de vingt ans. « Ce sont des martyrs qui sont morts pour notre pays », raconte-t-il à l’AFP, tout en balayant le cimetière.

Pendant la guerre du Vietnam, entre 1966 et 1969, Pyongyang avait envoyé en renfort 80 pilotes de chasse pour aider les troupes du Nord Vietnam à contrecarrer les attaques de bombardiers américains. Dans l’autre camp, ce sont quelque 300.000 Sud-Coréens qui se sont battus au côté des américains, dont une dizaine de spécialistes de taekwondo, là aussi un aspect peu connu du conflit.

– guerre psychologique –

Outre les aviateurs, Pyongyang avait fourni des experts en propagande et guerre psychologique, aidant notamment à la rédaction de tracts anti-américains, dans le cadre de la guerre psychologique que se sont menés les deux parties, explique à l’AFP Jiyul Kim, historien du Oberlin College, aux Etats-Unis.

« Soldats sud-coréens au Vietnam! Vengez nos centaines, nos milliers de morts avec les agresseurs impérialistes américains », dit l’un de ces tracts, dans une allusion à la guerre de Corée au début des années 1950.

Les combattants oubliés de la Corée du Nord au Vietnam
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La décision de Kim Il Song, le grand-père de Kim Jong Un, d’entrer dans le conflit était avant tout idéologique: il s’agissait d’aider les forces communistes du nord de ce pays coupé en deux plus de vingt ans pendant la Guerre froide, tout comme la péninsule coréenne aujourd’hui. « En envoyant des pilotes nord-coréens et d’autres forces au Vietnam, il a aidé le Vietnam à poursuivre le combat », ajoute Jiyul Kim.

Mais au-delà du symbole, l’apport des aviateurs nord-coréens dans la victoire par le Nord-Vietnam reste marginal. « Ils se sont battus avec beaucoup de courage lors des batailles aériennes, mais ils étaient généralement trop lents et avaient des réactions trop mécaniques. C’est pour ça que tant d’entre eux ont été abattus par les Américains », explique Vu Ngoc Dinh, cité dans le livre de Istvan Toperczer « MiG-21 Aces of the Vietnam War ».

Cela a pris des décennies au Vietnam pour reconnaître l’aide apportée par Pyongyang lors de la guerre. Les années 1990 ont été marquées par un certain froid entre les deux pays, sur fond de rétablissement des relations diplomatiques entre Hanoï et Séoul et de livraison de riz impayée à Hanoï, en pleine période de famine en Corée du Nord. Mais même après, Hanoï est longtemps restée discrète sur cet aspect de la guerre.

« C’était beaucoup plus glorieux d’avoir battu les Américains à eux seuls », analyse Balazs Szalontai, expert de la Corée du Nord et de la Guerre froide.

Aujourd’hui, le Vietnam espère bien rester dans les livres d’Histoire comme le pays où a été scellé le dégel entre Pyongyang et Washington, sur fond de dénucléarisation de la péninsule coréenne.

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