Au petit matin, un enfant du village de Mbata inspecte le sol à la recherche des précieuses chenilles, dans les forêts de la Lobaye. © Clément Di Roma

Les chenilles au centre de l’assiette en République centrafricaine (reportage)

En République centrafricaine, saison des pluies rime avec saison des chenilles. Cette spécialité culinaire d’Afrique centrale représente une manne financière et nutritive attendue chaque année avec impatience.

Le ciel déverse des torrents d’eau sur la forêt équatoriale. Les larves de papillons grandissent à l’abri des arbres et se repaissent de feuilles jusqu’à acquérir la taille d’un doigt. Lorsque les rayons du soleil sèchent les cimes, les chenilles, bien dodues, tombent par centaines sous l’effet de leur propre poids. Les pygmées Aka, population autochtone de la Lobaye, au sud-ouest de la République centrafricaine, sont les plus fins connaisseurs de l’environnement forestier. Pieds nus, ils traversent avec une agilité surprenante l’épaisse jungle et, d’un tour de bras, remplissent des paniers entiers d’invertébrés multicolores. De quoi nourrir toute une famille et revendre quelques kilos au marché pour se procurer ce que la forêt ne peut offrir. Toutes les autres activités de la région sont à l’arrêt. Dès l’aube, on croise des dizaines d’enfants, munis de grosses lampes torches ficelées sur la tête et de seaux débordants de chenilles dont la revente financera les fournitures et frais de scolarité à la rentrée.

Pendant cette saison bénie, les revendeurs se lancent chaque jour à moto sur les pistes détrempées qui mènent à la capitale où les chenilles poursuivront leur voyage transportées sur la tête par des revendeuses ambulantes avant de finir dans les casseroles des gargotes de quartier. Avec une teneur en protéines équivalente à celle du boeuf, elles sont un atout précieux dans la lutte contre la malnutrition et l’insécurité alimentaire qui règnent dans cette région du globe tristement célèbre pour son instabilité politique et ses conflits meurtriers. Mais si l’entomophagie est pratiquée par près de 85% des Centrafricains, c’est autant par nécessité que par plaisir. En saison, les insectes sont sur toutes les tables. Un véritable élan national, dans un pays où peu de choses font l’unanimité autant que la chenille.

Un reportage de Carol Valade (texte) et de Clément Di Roma (photos)

Pour les plus jeunes, la chasse aux
Pour les plus jeunes, la chasse aux « makongos » permet de financer sa scolarité dans un pays où plus de 300 000 enfants ne vont pas à l’école.© Clément Di Roma
Aux abords de la forêt, une mère de famille prépare du manioc, tubercule le plus consommé dans le pays et incontournable accompagnement des chenilles grillées.
Aux abords de la forêt, une mère de famille prépare du manioc, tubercule le plus consommé dans le pays et incontournable accompagnement des chenilles grillées.© Clément Di Roma
Les pygmées Aka, ici au pied d'un
Les pygmées Aka, ici au pied d’un « arbre à chenilles », sont les meilleurs pisteurs de la région forestière.© Clément Di Roma
L'imbrasia obscura, reconnaissable à ses piquants rouges, est une espèce particulièrement prisée.
L’imbrasia obscura, reconnaissable à ses piquants rouges, est une espèce particulièrement prisée.© Clément Di Roma
Mbata abrite le plus important marché aux chenilles de la région. Les grossistes viennent même de la capitale pour s'y approvisionner.
Mbata abrite le plus important marché aux chenilles de la région. Les grossistes viennent même de la capitale pour s’y approvisionner.© Clément Di Roma
Avant d'être consommées, les chenilles doivent être fumées, bouillies puis grillées pour éviter l'intoxication.
Avant d’être consommées, les chenilles doivent être fumées, bouillies puis grillées pour éviter l’intoxication.© Clément Di Roma

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