Le sponsoring, nouvelle arme de pression sur les sportifs professionnels?

Stagiaire Le Vif

Nike justifie la rupture de son partenariat avec Neymar par son refus de coopérer dans une enquête interne, alors qu’une employée de la société l’accuse de l’avoir agressé sexuellement en 2018. Un comportement exemplaire est désormais indispensable à un sportif pour garder ses sponsors.

Vie luxueuse, contrats juteux… Aujourd’hui les sportifs professionnels, notemment les footballeurs, sont des modèles de réussite pour toute une génération. Ce vendredi, Nike a rompu son contrat avec le footballeur du Paris Saint Germain, Neymar Junior: il est accusé d’avoir agressé sexuellement une employée de la marque américaine en 2018. L’équipementier se place du côté de la justice.

Pour les marques, collaborer avec ces sportifs est surtout synonyme de juteux bénéfices. Mais lorsqu’une marque ne se sent plus en adéquation avec son égérie, elle n’a aucun scrupule à rompre les contrats. Ces dernières années, un grand nombre de ruptures de partenariat ont eu lieu, les marques ne voulant pas ternir leurs images par les écarts, délits, et crimes de leurs égéries. « Les firmes qui signent des contrat avec des sportifs prennent toujours un risque qui est peut-être lié aux résultats de l’athlète, mais évidemment, aussi aux risques de dérapages, de mauvaises conduites. Les sportifs étant très suivis par les médias, et un certain nombre d’entre eux sont aussi très actifs sur les réseaux sociaux. La moindre erreur de communication, la moindre bétise , touche l’image du sportif et donc la marque qu’il représente », explique Jean-Michel De Waele, Doyen de la Faculté des Sciences sociales et politiques de l’Université libre de Bruxelles.

Une obligation d’exemplarité

« Il n’y a pas si longtemps, l’opinion publique n’était pas regardante sur les adultères de certains joueurs, par exemple, on s’interessait à la vie privée des rois et des reines, des vedettes de l’époque, mais beaucoup moins à celle des athlètes », poursuit Jean-Michel De Waele, « Aujourd’hui, on est beaucoup plus regardant, et les exigences d’exemplarité me semble dans un sens normales, par exemple, face aux accusations lourdes auxquelles fait face Neymar. Il est absolument inacceptable que sous prétexte que l’on soit une star internationale, on puisse se permettre ce genre de comportements. »

Les ruptures de contrats ne sont pas forcément liées à des crimes ou délits.

En 2010, suite à sa célèbre main, qui emmènera la France à la Coupe du monde 2010, Thierry Henry fera une croix sur son partenariat avec Gillette. La marque décide alors de ne plus utiliser l’image du joueur dans ses publicités. En 2014, Wayne Rooney est accusé de tromper sa femme. L’Anglais, qui faisait la promotion de Coca-Cola, s’est vu retirer des campagnes de la multinationale, avant que la firme ne stoppe définitivement ses liens avec lui. Le footballeur a vu s’envoler un contrat de 800 000 euros.

Au-delà du football, les pressions des marques sur les athlètes sont très présentes, et très strictes. Stephanie Rice, championne olympique de natation, a du se résoudre à laisser partir son sponsor Speedo suite au post d’une photo d’elle en bikini.

Les infidélités conjugales de Tiger Woods causeront aussi un grand tort à l’image parfaite de la plus grande vedette du golf. Ainsi, Gatorade, Gillette, le groupe de télécom AT&T ou encore la société de conseil Accenture, mettront un terme à leur collaboration avec Woods. Et pourtant, seul Nike restera fidèle à sa tête d’affiche.

« La pression est plus grande »

« Aujourd’hui, il est clair que la pression est beaucoup grande, ce qui était « possible » il y a encore cinq ans, en termes de violence sexuelle, de racisme, tout cela aujourd’hui n’est plus possible, ni admis, et cela ne semble pas encore clair pour les sportifs, poursuit Jean-Michel De Waele. Pour les marques, l’incertitude reste grande, ce n’est pas parce que l’on fait signer un contrat à quelqu’un qui, jusqu’à présent, a donné une bonne image, que la marque peut avoir une quelconque garantie. »

Le contexte médiatique, au sein large, appelle à une vigilance de tous les instants. « Avec l’emballement des réseaux sociaux, maintenant, on ne laisse rien passer à ces sportifs, explique le politologue de l’ULB. Surtout que dans un certain nombre de cas, il y a un contexte social que les marques prennent en compte. Les sportifs eux-mêmes peuvent aussi être davantage indulgents vis-a-vis des marques: certains d’entres eux commencent aussi à remettre en question l’éthique de leur sponsor ».

En décembre dernier, le footballeur français Antoine Griezmann avait annoncé la fin de son contrat avec Huawei, son sponsor principal, en soutien à la population ouïghoure. Une décision forte du joueur du FC Barcelone qui a des conséquences pour la Chine, sur les plans économique et technologique.

Pour Jean-Michel De Waele, « tout cela n’est qu’un reflet de la société: généralement, ce qu’il se passe dans la société se voit aussi dans le sport, avec un peu plus de retard ». L’accusation sur Neymar, qu’il avait rejetée avec véhémence et qui avait finalement été abandonnée, avait grandement nui à son image. Ce qui ne l’a pas empêché, presque immédiatement après la rupture de son contrat avec Nike, de s’engager avec Puma pour en devenir la nouvelle tête de gondole. « Pour que les sanctions soient prises aux sérieux, il faudrait que les marques collaborent entre-elles et se mettent d’accord. Mais cela est compliqué lorsque l’on est en concurrence directe ».

Lina Bouzekri

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