Boris Johnson semble désormais protégé par la guerre en Ukraine qui refroidit les ardeurs au sein de sa majorité de ceux qui, il y a peu, se disaient prêts à le déloger. © Belga

Le sort de Boris Johnson ne tient qu’à un fil

Le Vif

Un Premier ministre en sursis? Le Britannique Boris Johnson a survécu à la publication d’un rapport accablant sur les fêtes à Downing Street durant le confinement, mais son sort restait suspendu mardi à une enquête de police qui pourrait le pousser vers la sortie.

« Erreurs de leadership », rassemblements injustifiés, consommation d’alcool au travail… Le dirigeant conservateur et ses services en ont pris pour leur grade lundi dans le rapport interne de douze pages sur les garden parties, pots de départ ou fête d’anniversaire organisés durant les confinements des deux dernières années, qui ont choqué les Britanniques.

Malgré ce sévère rappel à l’ordre qui l’a contraint à un mea culpa au Parlement et soumis aux flèches des députés, y compris de son camp, Boris Johnson a échappé au pire pour le moment.

Seule une version expurgée des éléments potentiellement les plus dommageables a été dévoilée, pour ne pas compromettre l’enquête de police sur douze de ces seize rencontres.

Lui offrant un peu de répit, nombre d’élus conservateurs en attendent la publication complète ou les conclusions de Scotland Yard, qui pourraient prendre plusieurs semaines, pour se prononcer sur son sort.

Lors d’une conférence de presse à Kiev, où le Premier ministre britannique s’est rendu mardi pour apporter son soutien à l’Ukraine, un journaliste lui a demandé s’il publierait l’intégralité de l’enquête interne, dont les 300 images versées au dossier.

« Oui, bien sûr, nous publierons tout ce que nous pouvons quand le processus sera terminé », s’est engagé Boris Johnson. Il a aussi confirmé qu’il appellerait mercredi le président russe Vladimir Poutine sur la crise ukrainienne, après avoir dû repousser cet appel lundi, pris dans l’agitation parlementaire.

Son poste est « probablement sécurisé dans un avenir proche » mais « il n’est plus maître de la situation », note Simon Usherwood, professeur de politique à l’Open University, questionné par l’AFP.

– Un tube d’Abba –

C’est une crise sans précédent pour celui qui était arrivé triomphalement au pouvoir en juillet 2019 mais se trouve aujourd’hui confronté à des sondages désastreux en plus d’appels à la démission.

Les prochaines semaines s’annoncent à haut risque, alors que les spéculations vont bon train sur la possibilité que Boris Johnson et sa femme Carrie soient eux-mêmes interrogés par les enquêteurs ou qu’ils se voient infliger une amende.

La « Met » se penche notamment sur une réunion ayant eu lieu dans leur appartement de fonction le 13 novembre 2020, où un tube d’Abba aurait été diffusé pour fêter le départ d’un puissant conseiller devenu depuis l’ennemi juré du Premier ministre, Dominic Cummings.

Un porte-parole de Downing Street a refusé de dire si une éventuelle amende serait rendue publique, alors que Scotland Yard ne nomme généralement pas les personnes sanctionnées.

« Le public a le droit de savoir si la police estime que le Premier ministre a commis un délit », a réagi la n°2 du Parti travailliste d’opposition, Angela Rayner. Son chef Keir Starmer a renouvelé son appel à la démission, déplorant que Boris Johnson cherche davantage à « sauver sa peau » qu’à s’occuper du coût de la vie croissant.

Chez les conservateurs aussi, certains se sont ouvertement prononcés pour son départ, comme le député Andrew Mitchell.

– « Hésitation à agir » –

Un vote de défiance est déclenché dès que 54 (sur 359) des élus tories le demandent et une simple majorité suffirait ensuite pour l’évincer, ouvrant une course au leadership.

Mais ce processus ne peut survenir qu’une fois en douze mois, incitant les rebelles à la prudence tactique. D’autant plus que les candidats à sa succession à même de séduire, comme lui, les classes populaires naguère acquises aux travaillistes dans le Nord de l’Angleterre ne sont pas légion avant des élections locales en mai.

« Beaucoup de députés pensent probablement qu’il devrait partir, mais ils ne sont pas sûrs que c’est le bon moment pour se positionner. Il y a donc une très grande hésitation à agir » car « ils ne sont pas convaincus par les alternatives », analyse le politologue Anand Menon, du King’s College de Londres.

Pour tenter de faire oublier le scandale, Boris Johnson a promis des changements dans la gestion de Downing Street tout en envisageant des mesures susceptibles de séduire dans ses rangs, en matière de Brexit notamment. Mais cela pourrait être insuffisant car « la personne au sommet ne change pas », souligne Simon Usherwood.

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