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Le Rwanda réclame l’extension au génocide de la loi réprimant la négation de la Shoah

L’ambassadeur du Rwanda en Belgique, Oliver Nduhungirehe, a réclamé mardi des autorités belges une extension au « génocide des Tutsi », perpétré en 1994 dans son pays, de la loi réprimant la négation de la Shoah et une adaptation de la mention figurant sur un monument aux victimes du génocide rwandais installé depuis douze ans à Woluwe-Saint-Pierre.

Il a également dénoncé la présence en Belgique de « nombreux présumés génocidaires » vivant sans être inquiétés par la justice, 22 ans après cet épisode sanglant de l’histoire du Rwanda, qui a fait quelque 800.000 morts (Tutsi et Hutu modérés) selon l’ONU et plus d’un million de victimes tutsi, selon le régime de Kigali, arrivé au pouvoir dans la foulée du génocide et qui conteste l’existence de victimes dans les rangs de l’ethnie hutu, majoritaire.

« Ils existent et ils sont nombreux », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse à Bruxelles, à deux jours de la 22e commémoration du génocide qui avait débuté le 7 avril 1994, tout en admettant que plusieurs procès avaient déjà eu lieu en Belgique.

L’ambassade du Rwanda demande régulièrement à la Belgique d’adapter sa loi du 23 mars 1995 réprimant la négation de l’Holocauste commis par l’Allemagne nazie durant la Seconde Guerre mondiale. A ce jour sans résultat, a affirmé M. Nduhungirehe.

Il a été appuyé dans cette demande par le président de l’association Ibuka – qui rassemble des survivants du génocide et milite pour la pénalisation en Belgique du négationnisme du génocide -, Déo Mazina.

« Le négationnisme est présent en Belgique » et « sa répression doit être une obligation », a-t-il dit en évoquant des discours fréquemment tenus par certaines associations ou groupes de pression. « Les Tutsi se voient souvent traités de sales Tutsi, sont régulièrement victimes de menaces, d’agressions à caractère xénophobe », a-t-il dit.

L’ambassadeur a également rappelé une autre demande, réitérée récemment dans une lettre adressée au ministre des Affaires étrangères, Didier Reynders, avec copie au Premier ministre Charles Michel et au bourgmestre de Woluwe-Saint-Pierre, Benoît Cerexhe: une adaptation de l’inscription figurant sur la stèle commémorative du génocide érigé dans la rue Vandendriessche de cette commune bruxelloise pour afficher la mention: « en mémoire aux victimes du génocide des Tutsi », en ajoutant cette précision à la plaque commémorative.

M. Nduhungirehe s’appuie sur la jurisprudence du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), établi par le Conseil de sécurité de l’ONU pour juger les auteurs des faits les plus graves commis entre avril et juillet 1994 qui a, dans un arrêt rendu en septembre 1998, conclu à un génocide « perpétré contre les Tutsi en tant que groupe ».

L’ambassadeur a salué la décision de la police de Woluwe-Saint-Pierre d’interdire une manifestation que des « négationnistes » du génocide avaient prévu d’organiser mercredi près du monument, en ce jour anniversaire de la mort, le 6 avril 1994, du président rwandais, le Hutu Juvénal Habyarimana, dans l’attentat commis contre son avion à l’aéroport de Kigali. Cet événement avait servi de déclencheur aux massacres.

« J’espère que les forces de l’ordre vont mettre en oeuvre cet arrêté de police », a-t-il dit.

Selon M. Nduhungirehe, une association, le Centre de Lutte contre l’Impunité et l’Injustice au Rwanda (CLIIR), présidé par Joseph Matata – qu’il a qualifié de « négationniste bien connu » – a en effet « le culot d’appeler à manifester au mémorial » chaque année. « Profaner ce mémorial est une insulte faite aux victimes et une atteinte à la politique de réconciliation du gouvernement rwandais », a-t-il lancé.

Le 22e anniversaire du début du génocide sera marqué par diverses manifestations, dont une cérémonie jeudi matin au Parlement européen, suivie par une autre dans l’après-midi au secrétariat du groupe des Etats ACP (Afrique-Caraïbes-Pacifique) puis par une marche aux flambeaux en soirée entre les places Royale et Poelaert. D’autres cérémonies auront ensuite lieu dans plusieurs autres villes d’ici la fin du mois d’avril.

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