Pour Israël, le mouvement islamiste palestinien Hamas réagit à la destruction de ses tunnels, vitaux pour lui. Pour le Hamas, Israël empiète sans vergogne sur son territoire. Quelques clés pour comprendre le récent accès de tensions entre les deux ennemis à la frontière de la bande de Gaza.
Israël a mené vendredi de nouveaux raids aériens dans la bande de Gaza après des tirs d’obus palestiniens contre ses soldats à la frontière avec ce territoire où les habitants redoutent une nouvelle guerre.
Cette confrontation qui entre dans son troisième jour consécutif est la plus sérieuse depuis 2014 et l’instauration d’un fragile cessez-le-feu après des semaines de guerre.
L’aviation israélienne a mené un premier bombardement sur Beit Lahya, dans le nord de Gaza, puis a bombardé des positions utilisées par les groupes armés le long de la frontière à Khouzaa, dans le sud du territoire aux mains du Hamas islamiste, ont indiqué les témoins. Aucune victime n’a été rapportée.
L’armée israélienne a pour sa part fait état d’une seule opération aérienne contre une position du Hamas, en riposte à de nouveaux tirs au mortier palestiniens contre ses soldats opérant le long de la barrière de sécurité qui enferme hermétiquement le territoire, au nord et à l’est.
C’est la quatrième opération aérienne rapportée par l’armée israélienne depuis mercredi, en plus de tirs de chars.
Les soldats israéliens ont subi depuis mercredi douze séries de tirs au mortier le long de la barrière de métal et de béton au pied de laquelle ils traquent les tunnels pouvant servir à des combattants palestiniens pour s’infiltrer en Israël.
Il s’agit de la première confrontation directe entre le Hamas qui gouverne sans partage la bande de Gaza et l’armée israélienne depuis la guerre meurtrière et dévastatrice de juillet-août 2014.
Les violences ont pour la première fois fait un mort jeudi, une Palestinienne de 54 ans tuée par des tirs de char israéliens, selon des sources hospitalières palestiniennes.
Que s’est-il passé depuis mardi ?
Mardi, des soldats israéliens opérant le long de la barrière qui entoure la bande de Gaza se sont fait tirer dessus. Les incidents se sont intensifiés le lendemain avec des tirs aux obus de mortier contre leurs camarades. L’armée a riposté d’abord par des tirs de chars. Mercredi et jeudi, elle a mené des raids aériens visant 13 positions du Hamas. Elle a dénombré dix tirs au mortier sur ses soldats en deux jours.
Quelle est la gravité des incidents ?
Un obus tiré d’un char israélien a tué jeudi une Palestinienne près de Khan Younès, dans le sud de l’enclave palestinienne. Plus tôt, une frappe israélienne a blessé légèrement ou modérément quatre Palestiniens, selon des sources médicales palestiniennes. C’est comme si les adversaires mesuraient leur action. Cependant, il s’agit de la première confrontation directe entre Israël et le Hamas, son ennemi qui gouverne la bande de Gaza, depuis la guerre de 2014.
Le contexte
L’armée israélienne et les groupes armés palestiniens se sont livré en juillet-août 2014 une guerre meurtrière et dévastatrice dans la bande de Gaza. Ils observent depuis un cessez-le-feu tendu. Les tentatives de règlement n’ont mené nulle part. Les deux camps préparent déjà le prochain conflit.
Pourquoi maintenant ?
« Peut-être cela vient-il de la prise de conscience par le Hamas qu’Israël resserre l’étau » autour des tunnels, dit le porte-parole de l’armée israélienne, le colonel Peter Lerner. Pour les brigades Ezzedine al-Qassam, branche armée du Hamas, les forces israéliennes violent la trêve en empiétant en territoire gazaoui.
D’autres pistes, moins conjoncturelles, sont évoquées. Un analyste israélien, Daniel Nisman, parle par exemple de la frustration du Hamas dans ses efforts pour obtenir que l’Egypte rouvre sa frontière.
La barrière de sécurité, le no man’s land
La bande de Gaza est hermétiquement fermée au nord et à l’est par une barrière de sécurité israélienne de métal et de béton hérissée de miradors. Un no man’s land court le long de la barrière du côté palestinien. Israël parle d’une bande de 100 m de large. L’ONU dit que la largeur varie au gré des besoins israéliens. Tout Palestinien qui approche le fait au péril de sa vie.
L’armée israélienne admet qu’elle opère dans cette bande pour détecter les tunnels du Hamas.
Et les tunnels
Soumis au blocus terrestre, maritime et aérien d’Israël, confronté au blocus égyptien du seul côté non-contrôlé par Israël, il ne reste plus guère que le sous-sol pour les Gazaouis, pour faire la guerre ou acheminer les marchandises de contrebande. Les tunnels ont été l’une des armes les plus redoutées des Israéliens, et l’un des objectifs primordiaux de la guerre de 2014.
Les civils israéliens riverains de Gaza vivent dans la terreur des tunnels. L’armée dit en avoir détruit plus de 30 en 2014 et continue à les traquer. Elle a annoncé en avoir découvert un le 18 avril, un autre jeudi. La branche armée du Hamas a minimisé la première découverte: « une goutte d’eau dans la mer ». Auparavant, confronté à l’éboulement de plusieurs tunnels, le Hamas avait dit continuer à construire des galeries.
Les tunnels menacés ?
La question est posée. Des médias israéliens ont fait état d’une nouvelle technologie qui ferait des miracles pour détecter les tunnels. L’armée reste silencieuse sur le sujet. Avec le blocus, les matériaux pour construire les tunnels (ciment, bois, acier…) sont rares.
Accrochages ou escalade?
Mukhaimer Abou Saada, universitaire à Gaza, voit dans l’épisode davantage un « échange de messages forts » qu’un « prélude à la guerre. Ni le Hamas, ni Israël ne veulent l’escalade ». Il souligne l’intérêt qu’Israël et le Hamas ont à ne pas envenimer les choses, vis-à-vis de deux seconds rôles majeurs, l’Egypte et la Turquie. On faisait état du côté du Hamas d’une intervention de l’Egypte, médiateur habituel, pour calmer les esprits.
Cependant, la crise humanitaire à Gaza reste alarmante. Les perspectives de paix entre Israël et le Hamas semblent inexistantes. Les groupes palestiniens restent à couteaux tirés. « Pas besoin d’être météorologiste pour dire que l’été risque d’être chaud dans le sud d’Israël » autour de la bande de Gaza, écrivait le quotidien Israel Hayom.