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Le commandant du Concordia donne sa version très personnelle du naufrage

L’ex-capitaine Francesco Schettino a raconté minute par minute mardi à son procès les circonstances ayant précédé le naufrage du paquebot Concordia, s’efforçant d’apparaître comme un commandant mal informé par son équipage.

« Personne ne m’a rien dit », a répété à plusieurs reprises l’ex-capitaine, répondant pour la première fois aux questions du procureur, Alessandro Leopizzi, depuis l’ouverture de son procès en juillet 2013 à Grosseto (Toscane). En marge de l’audience, un autre procureur, Francesco Verusio, a déclaré à l’Ansa qu’il envisageait de requérir plus de 20 ans de prison contre l’ancien capitaine. Francesco Schettino, 54 ans, voué aux gémonies pour avoir abandonné son navire alors en train de couler, et ses 4.200 passagers et membres d’équipage dont 32 sont morts, n’a rien lâché. Il a certes reconnu être le premier responsable en tant que commandant du navire, mais sa ligne de défense n’a pas varié en dépit d’une reconstitution minutieuse des instants ayant précédé le drame le 13 janvier 2012 à 21H45.Les enregistrements effectués sur la passerelle cette nuit-là, diffusés mardi au procès, témoignent de manière saisissante des circonstances de ce naufrage, provoqué, a reconnu Schettino, par la volonté de raser l’île de Giglio, au large de la Toscane. Il s’agissait selon lui de faire plaisir à des membres d’équipage de Costa Croisières, armateur du Concordia, originaires de l’île, et pas d’impressionner une danseuse moldave, Domnica Cemortan, qui a affirmé qu’elle était alors sa maîtresse et dont il a reconnu qu’elle se trouvait ce soir-là sur la passerelle. L’ex-commandant a ainsi raconté être remonté du restaurant vers 21h30 pour assister à cet hommage, dont il comptait laisser le commandement à son second. Pourtant, il demande dès son arrivée que le pilote automatique soit désactivé. Il parle au téléphone avec un commandant de Costa originaire de l’île, lui demandant en passant s' »il y a de l’eau » à moins de 0,3 mille des côtes. Pour le procureur, c’est la preuve qu’il comptait bien se rapprocher au plus près de l’île, alors que la route définie restait à au moins 0,5 mille. « J’ai dit ça, comme ça, pour faire la conversation », s’est défendu l’ex-capitaine, qui prend alors le commandement de façon formelle. « J’ai regardé le radar de manière fugace », assure-t-il, un adjectif que le procureur ne manquera pas de relever à plusieurs reprises. Schettino explique que pour lui, il n’y a alors aucun doute, le paquebot de 115.000 tonnes est sur la route qui a été tracée, décidée et acceptée par tout l’équipage. « Si à ce moment-là, ils avaient un doute, ils devaient me le dire », a-t-il expliqué, soulignant que les autres officiers de quart étaient devant les mêmes écrans radars que lui. Pourtant, le bateau était clairement hors de sa route, assure le procureur.

Oui, il avait « quatre minutes de retard » sur la manoeuvre indispensable de virement vers tribord, qui devait lui éviter de percuter l’île, a reconnu l’ex-commandant. Mais à ce moment-là, assure-t-il, il n’en savait rien. « Mais le radar, vous l’avez à nouveau regardé », interroge à plusieurs reprises le procureur. Oui, mais « sommairement », reconnaît-il. Pourquoi s’inquiéter, « puisque j’étais sûr d’appliquer le plan de route qui avait été décidé. C’est ça la vérité », s’est-il défendu. Il préfère prendre ses jumelles et dit apercevoir les feux d’entrée du port de Giglio. Il ordonne une nouvelle fois de mettre la barre à droite, puis encore une nouvelle fois, « otherwise, we go on the rocks » (« sinon on va sur les cailloux »), dit-il en anglais et en plaisantant, selon l’enregistrement. Ce qui ne l’empêche pas de s’approcher alors du bastingage pour scruter la mer. Apercevant de l’écume, signe de la présence d’un rocher, il décide « une manoeuvre d’évitement ». « Personne ne parle » au sein de son équipage, « mais ce que je vois est plus fort », explique-t-il, et il donne l’ordre de virer de 20 degrés à droite. Trop tard, à 21H45 c’est l’impact. « Madonna, qu’est-ce que j’ai fabriqué ». Ce sera la dernière phrase de l’ex-capitaine Schettino sur la passerelle.

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