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Le Carnaval de Rio s’achève dans la joie et la contestation

Le Vif

Le carnaval de Rio s’est achevé tôt mardi dans la joie mais aussi la contestation, après deux nuits de défilés dont les coupes budgétaires n’ont pas réussi à gâcher la féérie.

Très attendue à la fin de la nuit, l’école de samba de Beija-Flor, la dernière des 13 à défiler, a délivré un message militant et sans concession sur les maux qui font l’actualité du Brésil aujourd’hui: violence et corruption.

Sur un char représentant une favela, des scènes illustraient le quotidien: prises d’otages, fusillades, braquages, et un corps dans un cercueil avec le message : « encore une espérance perdue ».

Plus loin, des hommes d’affaires véreux, les poches débordant de billets, distribuaient des liasses à la ronde.

Enfin, la célébrissime drag queen Pabllo Vittar est apparue dansant sur un char, vêtue d’une toge arc-en-ciel en faveur de la communauté LGBT victime de plus de 300 meurtres par an au Brésil.

Evangéliste honni

Dès la première nuit du carnaval, le ton contestataire avait été donné au sambodrome par des flèches envoyées au maire de Rio de Janeiro, Marcela Crivella, un évangéliste honni par les Cariocas pour avoir divisé par deux les subventions des écoles de samba.

Comme en 2017, M. Crivella, qui ne goûte pas la sensualité débridée du plus grand carnaval au monde, ne s’y est pas rendu cette année: il est parti en Europe dès dimanche. Ironiquement, c’est le maire de Sao Paulo, Joao Doria, qui a été vu dans les tribunes lundi soir.

Dimanche, l’école Paraiso do Tuiuti avait fait défiler en Dracula le président Michel Temer — accusé de corruption — représenté avec des billets collés sur des plumes de paon.

« Si même dans les fêtes il y a des critiques, les hommes politiques vont devoir réaliser que le peuple n’est pas satisfait », a déclaré Tulio Silva, homme d’affaires de 43 ans déguisé en vampire.

Pourtant pour beaucoup de Cariocas, le carnaval a été l’occasion d’oublier la corruption, la violence et la crise qui a fait 12 millions de chômeurs au Brésil.

« Je ne pense plus à la crise à cet instant, parce que la crise on la vit toute l’année. Donc on va penser à la joie d’être ici, que ce moment au moins soit un moment de bonheur », déclare à l’AFP-TV Cintia, danseuse de l’école de Tijuca.

13 prestigieuses écoles

Et en effet les écoles de samba ont fait vibrer l’immense sambodrome de Rio de Janeiro sous un déluge de décibels et de danses enfiévrées pendant deux nuits entières.

Lundi soir l’école Unidos da Tijuca a ouvert la dernière nuit des défilés des 13 prestigieuses écoles de samba qui rivalisent pour la première place.

Puis celle de Portela, arrivée 1ere ex aequo l’an dernier, a électrisé les tribunes pleines à craquer lorsque ses milliers de danseurs et danseuses costumés de bleu et d’or et ses chars représentant New York ont parcouru sur des rythmes endiablés les 700 mètres du mythique sambodrome, un stade en forme d’avenue.

Celle de Salgueiro a suivi, avec ses rois noirs et ses chars immenses figurant des palais d’Egypte. Dans les tribunes, les 72.000 spectateurs, debout, connaissaient apparemment toutes les paroles des chansons.

Jusqu’à l’aube mardi, six écoles au total auront défilé une heure chacune — pour une année entière de préparatifs.

La veille, sept écoles de samba avaient présenté 3.000 danseurs, chanteurs et musiciens chacune dans des tonnerres de percussions rythmant des danses haletantes.

Déguisés en indiens, en reines, en esclaves, en courtisanes, en banquiers, en pandas, en aigles et même en plateaux de fruits, sous des accoutrements très lourds qui en ont fait s’évanouir plus d’un dans la chaleur étouffante de l’été carioca, les danseurs se sont succédé à un rythme accéléré dans le sambodrome.

Ils étaient accompagnés par des chars allégoriques monumentaux pouvant atteindre près de 20 mètres de haut, dans une ambiance joyeuse et irrévérencieuse. Tout le monde s’est époumoné.

L’engouement pour ce carnaval, qui a amené cette année 1,5 million de touristes à Rio, est tel que la foule s’était agglutinée autour du sambodrome sur les avenues et les ponts en surplomb.

Les résultats de la compétition seront connus mercredi. Les écoles sont évaluées sur de nombreux critères techniques: chorégraphie, musique, scénographie, costumes, chars, rythme auquel elles défilent, ou thème choisi.

Des thèmes très variés, car après l’abolition de l’esclavage, l’empire chinois, ou le très remarqué futur high-tech la veille de Vila Isabel, les écoles défilaient dans la nuit notamment sur les thèmes de la gastronomie brésilienne, de la fondation de New York ou du matriarcat.

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