Thierry Fiorilli

Le bruit de la semaine : la bombe atomique (chronique)

Thierry Fiorilli Journaliste

Ça fait deux kilos. Et 472 pages. Ça s’appelle La Bombe, simplement. Un roman graphique, qui raconte « l’incroyable histoire vraie de la bombe atomique ». Celle larguée le 6 août 1945. Sur Hiroshima.Les Américains remettaient ça le 9 août, à Nagasaki cette fois.Contraignant le Japon à la capitulation, signant ainsi la fin de la Seconde Guerre mondiale et faisant entrer l’humanité dans une nouvelle ère. Celle des armes de dissuasion, de la puissance qu’elles confèrent.

Ce jour-là, à 8h15 heure locale, Little Boy, puisqu’on donne aussi un nom aux bombes, est lâchée à 9.000 mètres au-dessus de la ville et ses 344 000 habitants. Hiroshima est un centre militaire et industriel, avec des usines fabriquant… des armes chimiques notamment. Little Boy mesure trois mètres de long, 71 cm de diamètre et pèse quatre tonnes et demie, dont 64 kilos d’uranium. Elle chute durant 43 secondes. A moins de 600 mètres du sol, boum! L’équivalent de 15.000 tonnes de TNT rase la ville, tue sur le coup 75.000 personnes et près de 150.000 dans les semaines, les mois et les années qui suivent.

On dit que les pilotes américains ont vu durant 500 kilomètres le champignon, qui a atteint 10 000 mètres d’altitude en deux minutes (1 200 de plus que l’Everest). On dit aussi que la déflagration a été entendue à plus de 100 kilomètres à la ronde. Puissance sonore estimée : 170 décibels. Celle d’un coup de tonnerre oscille entre 110 et 120. Le seuil de douleur humain est fixé à 120 décibels.

Le livre montre et relate l’avant, le pendant et l’après. Qui a compris, quand et comment, qu’on pouvait utiliser l’uranium pour un engin de mégadestruction. Ceux qui n’y croyaient pas. Les nazis qui comprennent vite. Roosevelt qu’il faut convaincre qu’on ne pourra pas les empêcher, donc qu’il faut y arriver avant eux. Les recherches, les essais, la décision de la fabriquer, la décision de s’en servir, Little Boy et le 6 août, les conséquences. On passe de l’Allemagne aux Etats-Unis, du Congo belge à l’URSS, de l’Angleterre au Japon. On entend la voix de cette bombe. Elle avoue qu’elle attendait son heure depuis des millénaires. Elle raconte comment on en est arrivé à ce qu’elle sonne, cette heure. Et elle se pavane en hurlant  » maintenant, je suis la mort, le destructeur des mondes « .

Vous croyez l’histoire de la bombe atomique terminu0026#xE9;e ? Et si elle ne faisait que commencer ?

On n’a pas attendu ce bouquin monumental pour mesurer l’ampleur d’ « Hiroshima », comme on fait contenir d’autres horreurs, d’autres cauchemars, juste dans d’autres noms, d’autres lieux, Auschwitz, Pompéi, Oradour, Tian’anmen, qui les disent et les incarnent mieux que toute définition, tout substantif, tout adjectif. Mais d’y voir tous ses acteurs, depuis le 30 mars 1933 jusqu’à nos jours, depuis la certitude d’un seul savant jusqu’à aujourd’hui où « neuf pays possèdent l’arme nucléaire, entre-temps devenue bien plus dévastatrice », de finir sur ce « vous croyez mon histoire terminée ? Et si elle ne faisait que commencer ? », d’y avoir absorbé tout ce bruit, monstrueux, laisse sans voix. Puisqu’il n’y a rien à ajouter.

Juste, comme l’a recommandé une critique, « lisez, et faites lire ce livre ».

Après, qui sait ?

La Bombe, par Didier Alcante, Laurent-Frédéric Bollée et Denis Rodier, 2020, Glénat, 472 p.

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