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Le Boeing 737 MAX est-il vraiment dangereux ? Voici ce qu’en pense un pilote expérimenté

Maxime Defays Journaliste

Le Boeing 737 MAX n’en finit plus de soulever de nombreuses questions ces derniers jours quant à sa sécurité et sa fiabilité, après deux crashs rapprochés. Nous avons contacté un pilote chevronné de chez Norwegian, également instructeur, qui se veut rassurant. Il a cependant voulu garder l’anonymat. Interview.

Quel est concrètement le « problème » avec le Boeing 737 MAX 8 ?

Je ne pense pas qu’il y ait réellement un problème avec cet avion. Certes il y a un nouveau logiciel qui n’a pas été expliqué dans les manuels à l’époque, ce qui est une erreur que Boeing va certainement payer très cher, plus tard, lors du procès. Mais j’ai volé sur le MAX 8 et il n’y a aucun problème. Vu l’accident d’Ethiopian, dont on ignore toujours la raison, l’EASA et d’autres pays ont pris une mesure de précaution pour éviter que cela se reproduise. Mais nous devons attendre l’exploitation des boîtes noires avant de dégager une cause claire.

Par contre, on sait que l’accident de Lion Air en Indonésie en octobre dernier, et qui concernait le même type d’appareil, était dû à la méconnaissance du système MCAS (le MCAS est un système qui a pour but d’optimiser le profil de vol et d’aider les pilotes à maintenir une trajectoire sûre, NDLR). Maintenant, je pense que la plupart des pilotes sont au courant de cette fonction-là. Il existe d’ailleurs des « check-lists » pour le couper en cas de problème. Mais personnellement, j’ai dû faire une centaine de vols sur cet avion et je n’ai jamais connu de problème particulier.

Plusieurs pilotes ont pointé des difficultés lors de l’activation du pilotage automatique. L’avion avait tendance à piquer…

Je n’ai jamais connu ça. J’ai lu les articles dans lesquels ces pilotes expriment leurs difficultés. Il y a peut-être eu une turbulence à ce moment-là qui aurait pu l’expliquer. Mais personnellement, je n’ai jamais été confronté à ce souci. L’avion est certes neuf, mais possède tout de même une solide expérience de 60 années derrière lui.

Quand vous parlez de « turbulences », on peut donc pointer que le problème était plus extérieur que directement lié à la technologie propre de l’avion…

Exactement. On n’en sait pas plus pour l’instant, donc il peut s’agir d’une influence extérieure à l’avion. Beaucoup de choses peuvent se produire, par exemple le passage d’un autre avion dans sa zone de turbulence de sillage (une zone de turbulence aérodynamique formée derrière un avion, NDLR).

Je pense qu’il existe environ 500 voire 600 appareils de ce type, et au cumulé de tous les vols, il n’y a eu que deux problèmes en tout. Les problèmes exprimés par ces pilotes ne sont pas liés au MCAS, parce que pour que celui-ci soit fonctionnel, il faut que l’avion vole manuellement. Ici, comme l’autopilotage était enclenché, le MCAS est hors de cause.

En ce qui concerne l’avion d’Ethiopian, nous pouvons affirmer, après la vision sur radars, que l’accident ressemblait fortement à celui de Lion Air en Indonésie. Mais pour l’instant, tout reste encore flou. Je le répète : pour moi, l’avion est absolument « safe ».

Les mesures prises par les autorités de l’aviation et les différents pays le sont par précaution, ce qui est tout à fait logique.

Vous parliez d’une check-list…

Oui. En fait, le MCAS fait bouger le « trim » (ou compensateur, qui est un système qui permet de maintenir une gouverne dans une position permettant l’équilibre de l’appareil, NDLR) du stabilisateur très rapidement. Quand les pilotes voient ça, ils n’ont qu’à activer deux boutons et le système se coupe automatiquement. Depuis le crash de Lion Air, je pense que tous les pilotes sont au courant et savent comment réagir si cette situation se produisait.

Peut-on remettre en cause les pilotes ? Ceux-ci étaient-ils suffisamment formés au nouveau système ?

Il faut savoir que pour passer des Boeing ancienne génération à la nouvelle (du Boeing 737-700 au 800), il y a une journée de cours qui se passe sur ordinateur. Et c’est tout. Mais l’avion reste très semblable aux anciens, à part les écrans qui changent. Contrairement au passage d’une précédente génération à une autre, il n’y a, ici, pas besoin de passer par un simulateur de vol, tant les différences étaient minimes. On peut certes dire que les coûts de cette formation sont très élevés…

La façon dont Boieng n’a pas expliqué clairement le MCAS est peut-être un problème. Il existe un système semblable sur les avions des précédentes générations, mais celui-ci va tout de même plus loin. C’est d’ailleurs ce manque de clarté qui a poussé certaines familles des victimes du crash en Indonésie à poursuivre le constructeur aéronautique américain en justice.

Que va-t-il advenir de l’avion dans les prochains jours ?

Je sais que Boeing devait sortir une mise à jour du MCAS suite à l’accident de Lion Air en octobre. Celle-ci était prévue pour avril, mais au vu de l’actualité de ces derniers jours, elle sera reportée au mois de juin. Ils vont peut-être alors attendre pour remettre ce type d’appareil en vol.

Lire aussi: Crash d’Ethiopian Airlines: la mise à jour du logiciel de vol retardée à cause du shutdown?

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