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La très molle dénazification de l’administration allemande

Le Vif

Une étude tente de déterminer jusqu’à quel point l’influence nazie a perduré dans l’administration allemande après la guerre. C’est plus que ce que l’on pensait.

Au lendemain de la guerre 40-45, le gouvernement ouest-allemand connaissait une véritable pénurie de fonctionnaires expérimentés et s’est montré peu pointilleux sur la sélection à l’embauche. Il semble que dans de nombreux cas, l’expérience a primé sur la « virginité nazie ». Selon les chercheurs d’une étude du Centre de recherche sur l’histoire contemporaine (Zentrum für Zeithistorische Forschung ou ZZF), dans les premières années qui ont suivi la fin de la Deuxième Guerre mondiale, plus de la moitié des fonctionnaires du ministère de l’Intérieur de la RDA étaient d’ancien membre du parti d’Hitler.

Dr. Frieder Günther, qui a travaillé sur cette étude, raconte sur I24news qu’ « À l’époque, les hauts fonctionnaires qui avaient déjà travaillé sur les questions juridiques et administratives étaient généralement d’anciens membres du parti nazi. En moyenne, 54% des employés embauchés par le nouveau ministère étaient d’anciens membres du Parti national-socialiste des travailleurs allemands (NSDAP). En 1961, les deux tiers des employés avaient un passé nazi. 6% d’entre eux avait même fait directement la transition à partir du ministère de l’Intérieur du Troisième Reich. » « Entre 5 % et 8 % du personnel du ministère de l’Intérieur à Bonn avait même rejoint les SS dans les années 1930 et 1940 » précise encore Le Point.

Cette forte représentation d’anciens nazis est d’autant plus gênante, voire inquiétante, que le ministère de l’Intérieur a un rôle central puisqu’il s’occupe notamment de la sécurité intérieure et des questions constitutionnelles. Dans les autres ministères, le pourcentage d’anciens nazis ne dépasse pas 30%. Autre chiffre surprenant, dans les années 60, 80% des juges de la Cour fédérale de justice avait été juges durant la période nazie.

Rappelons tout de même une réalité sociodémographique qui montre l’ampleur de la dénazification en Allemagne: le régime a influencé durant 12 ans la société allemande. Le premier mai 1945, on dénombre cinq millions de membres au parti national-socialiste, 238.000 pour les SS. On estime qu’un sixième de la population adulte allemande s’est de près ou de loin directement impliqué dans le parti d’Hitler. « Il y aura six millions de cas traités jusqu’en 1950. Ils sont répartis en cinq catégories : les « coupables principaux », les « impliqués », les « faiblement impliqués », les « suiveurs » et les « disculpés ». Il n’y a pas de catégorie « innocent ». Seuls 1 667 Allemands seront reconnus comme « coupables principaux » » dit encore Atlantico. Ce n’est qu’à partir des années 1960 que certains fonctionnaires seront renvoyés par l’État pour leur passé nazi.

Comme le précise encore Günther, son étude est surtout un rappel qu’une société pluraliste est une lutte, pas une évidence. « Personne ne peut changer du jour au lendemain. Les gens ont probablement appris la démocratie par la pratique, sachant que la communauté internationale les observait de près ».

On notera tout de même qu’il ne s’agit là que d’un résultat préliminaire puisque l’étude ne sera achevée qu’en 2018.

Les chercheurs savent, grâce à leurs recherches, qu’il a fallu entre 10 et 15 ans aux anciens nazis pour délaisser leurs anciennes idéologies. Maintenant, ils ne leur restent plus qu’à comprendre comment ils ont fait.

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