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La saga sécuritaire de Sarkozy

Après le débat sur l’identité nationale et la politique d’immigration, c’est maintenant aux mesures prises à l’encontre des Roms de se retrouver sous les feux des projecteurs. Depuis quelques mois, la politique sécuritaire de Sarkozy suscite beaucoup d’interrogations.

Dès fin 2009, le grand débat sur l’identité nationale lancé par Eric Besson, le ministre de l’Immigration, a fait un tollé dans la presse et les milieux associatifs ainsi que chez les intellectuels.

Est venue ensuite, la politique d’immigration qui envisage de retirer la nationalité française aux délinquants d’origine étrangère « en cas d’atteinte à la vie d’un policier ou d’un gendarme ». Les médias et les ONG sont toujours scandalisés.

Et tout récemment, les mesuresprises à l’encontre des Roms sont considérées comme la goutte d’eau qui fait déborder le vase par beaucoup de défenseurs des droits de l’homme.

Selon Pierre Lellouche, secrétaire d’Etat français aux Affaires Européennes, « la France n’a pas vocation à accueillir 2,5 millions de Roms roumains. L’Europe doit se mobiliser pour trouver une solution à ce problème ». Il a cependant salué la nomination en Roumanie d’un secrétaire d’Etat chargé de la réinsertion des Roms, Valentin Mocanu, qui s’occupera notamment des personnes rapatriées de France. Cela dénote d’une « prise de conscience des autorités roumaines dont je me félicite », a-t-il déclaré.

Brice Hortefeux, ministre de l’Intérieur, préconise, quant à lui, le démantèlement de la moitié des camps illégaux de Roms en France, chiffré à environ 300, d’ici trois mois ainsi que des reconduites « quasi immédiates » à la frontière vers la Roumanie et la Bulgarie pour les Roms ayant commis des délits. Ces mesures s’inscrivent dans le durcissement de la politique de sécurité annoncé fin juillet par Nicolas Sarkozy, qui dans un discours récent très controversé a lié immigration et délinquance.

Résultat, plus de 40 camps illégaux de Roms ont été démantelés en France depuis deux semaines. Environ « 700 personnes » devraient déjà être « reconduites dans leur pays d’origine », la Roumanie ou la Bulgarie, a ajouté M. Hortefeux lors d’une conférence de presse, précisant que des vols seraient « spécialement affrétés » pour ces expulsions.

On estime le nombre de Roms à 12 millions en Europe et 15.000 en France. Mais les Roms sont marginalisés un peu partout.

Selon, Rudolf Sarközi, responsable des Roms d’Autriche, « tant qu’ils n’existeront pas sur la scène politique des pays dans lesquels ils se trouvent, ils n’existeront pas du tout ». Il donne l’exemple de l’Autriche où, même si des problèmes persistent, leur implication politique a permis bon nombre d’avancées. Les quelque 25.000 Roms du pays sont reconnus comme une minorité protégée, depuis 1993, au même titre que les minorités slovènes, tchèques, slovaques, hongroises et croates, issues de l’ex-empire austro-hongrois. « Nous sommes soutenus par l’Etat, notre culture est reconnue, notre langue peut être utilisée pour l’enseignement à certains endroits. »

« La distinction entre citoyens est contraire au principe d’égalité »

En France, la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH) critique les mesures en matière de sécurité et d’immigration du gouvernement de Sarkozy.

Elle dénonce la succession de déclarations officielles de caractère discriminatoire à l’encontre des gens du voyage, des Roms, des ‘Français d’origine étrangère’ ou encore des mineurs délinquants et de leurs parents. Selon elle, « l’élargissement des cas dans lesquels une personne serait déchue de sa nationalité introduit une distinction entre les citoyens, ce qui est contraire au principe d’égalité ». De plus, « cette mesure n’aurait aucun effet dissuasif et renforcerait de surcroît l’incertitude quant à l’appartenance à la nation de ceux qui ont acquis la nationalité française ». « Un renforcement des mesures préventives et éducatives accompagnées de moyens humains et financiers semble plus approprié dans un Etat de droit », conclut la CNCDH.

De son côté le Comité de l’ONU pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD), a examiné ce jeudi les décisions prises ces derniers mois par le gouvernement français. Le CERD voit d’un mauvais oeil l’augmentation des actes racistes en France, pays pourtant considéré comme celui des droits de l’homme.

La France s’est défendue bec et ongle en démontrant que des lois avaient été votées et que toutes étaient conformes au respect des droits de l’homme. La France a aussi insisté sur le fait qu’elle a une approche différente des minorités aux Etats-Unis, du fait de l’égalité de tous devant la loi, instaurée par le principe de laïcité.

Mais ces justifications sont loin de satisfaire les ONG qui regrettent la stigmatisation des minorités en France. « On assiste à une régression » concernant le droit des minorités qui va « vers une rupture de l’égalité de traitement », a dénoncé Isabelle Denise, responsable juridique de la Ligue des droits de l’homme. Elle déplore également l’amalgame qui est fait entre les Roms et les gens du voyage. Les gens du voyage représentent un « mode de vie » et non une identité. De leur côté, insiste-t-elle, les Roms sont en majorité des Roumains qui font partie de l’Union européenne, régie par le principe de libre circulation.

Concernant les Roms justement, la France s’est référée au traité d’adhésion de l’Union Européenne des deux derniers pays, la Roumanie et la Bulgarie, qui dit qu’il est possible de maintenir certaines restrictions de circulation durant 7 ans à l’encontre de leurs ressortissants.

Le peuple français soutient Sarkozy

Et pourtant, un sondage réalisé début août par l’Institut Français d’Opinion Publique (IFOP) publié dans le Figaro, montre que la population française soutient massivement Sarkozy. Malgré les indignations des ONG et de la presse, les Français, tous les âges, appartenances sociales et préférences politiques confondus, sont favorables aux mesures annoncées par le président.

Parmi les différentes mesures soumises aux personnes interrogées, celle qui remporte la plus forte adhésion (89%) est le port du bracelet électronique, pour les délinquants multirécidivistes, pendant plusieurs années après la fin de leur peine. A l’inverse, la proposition d’une condamnation à deux ans de prison des parents de mineurs délinquants recueille le moins d’opinions favorables, même si tout de même 55% des Français approuvent.

70% des sondés sont en faveur du retrait de la nationalité française aux délinquants d’origine étrangère, en cas d’atteinte à la vie d’un policier ou d’un gendarme. Et 67% des Français sont favorables à la mise en place de 60.000 caméras de vidéo surveillance d’ici à 2012. Enfin, le démantèlement des camps illégaux de Roms est plébiscité par 79% des interrogés.

La saga sécuritaire de Sarkozy est en tout cas loin d’être finie, pour le plus grand bonheur des français, semble-t-il, mais au grand dam des organisations de défense des droits de l’homme.


E. M.

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