En janvier, une répression quasi à huis clos s'est opérée contre les manifestants au Kazakhstan. © getty images

La Russie, maître de l’Asie centrale: « L’Amérique a cessé de la considérer comme une priorité »

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

L’aide apportée au Kazakhstan pour rétablir l’ordre après les émeutes de janvier l’a montré : la Russie reste le maître de la région. Une mainmise qui, là, n’est pas contestée par Washington.

A quatre mille kilomètres du foyer de tension ukrainien, l’Asie centrale est une autre zone d’influence présumée de la Russie. Les cinq pays qui la composent principalement sont autant d’anciennes républiques de l’Union soviétique: le Kazakhstan, le Turkménistan, l’Ouzbékistan, le Kirghizstan et le Tadjikistan. Le 6 janvier, un contingent de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), formé essentiellement de troupes russes, est intervenu à la demande du président Kassym-Jomart Tokaïev, dans la plus grande d’entre elles, le Kazakhstan, pour rétablir l’ordre après les émeutes les plus importantes que le pays ait connues depuis son indépendance, en 1991. La répression de cette révolte justifiée par une augmentation des prix de l’énergie aurait coûté la vie à au moins 225 manifestants.

Sans le dire, ce qui préoccupe davantage la Russie en Asie centrale, c’est la Chine.

L’opération russe pour mater ce mouvement pacifiste et démocratique n’a pourtant suscité aucune critique d’envergure des pays occidentaux. Le signe d’un désintérêt pour cette région pourtant stratégique entre Asie et Europe? Quand les Etats-Unis ont lancé la guerre d’Afghanistan contre les djihadistes d’Al-Qaeda et le régime des talibans après les attentats du 11 septembre 2001, ils ont pourtant profité de la lutte partagée avec la Russie contre le terrorisme islamiste pour avancer quelques pions dans la région. Dans le cadre de l’effort de guerre, deux bases militaires américaines ont été ouvertes, l’une à Karchi-Khanabad, au sud-est de l’Ouzbékistan, l’autre à Manas, à vingt-cinq kilomètres de la capitale du Kirghizstan, Bichkek. Sous la pression de Moscou notamment, le partenariat militaire des Etats-Unis avec ces deux pays est resté conjoncturel. La base de Karchi-Khanabad a été fermée en 2005, celle de Manas en 2014.

« L’ Amérique a cessé de considérer l’Asie centrale comme une priorité. Aujourd’hui, je ne vois pas d’intérêt stratégique majeur des Etats-Unis dans cette région, même si être présent dans les pays mitoyens de la Chine peut offrir un avantage en matière de renseignement », analyse Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique. Depuis le retrait complet de leurs troupes d’Afghanistan en août 2021, les Etats-Unis cherchent pourtant des points de chute dans la région pour mener des opérations de contreterrorisme en cas de développement de l’activisme de l’Etat islamique, ennemi des talibans revenus au pouvoir, et d’Al-Qaeda. Avant le regain de tensions autour de l’Ukraine, Vladimir Poutine aurait même proposé à Joe Biden, lors de leur rencontre à Genève, en juin 2021, de recourir aux bases russes dans les Etats d’Asie centrale…

« Sans le dire, ce qui préoccupe davantage la Russie dans cette région, c’est la Chine, estime Bruno Tertrais. Aujourd’hui, il y a très clairement une rivalité sino-russe en Asie centrale. L’intervention des troupes russes au Kazakhstan fut l’occasion pour Moscou de montrer qu’il n’acceptait pas que ce pays soit déstabilisé et qu’il entendait être le véritable maître de la région. »

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