Arlene Foster, dirigeante du Parti unioniste démocrate (DUP), lors de la campagne électorale de 2017.

« La majorité des Britanniques seraient prêts à abandonner l’Irlande du Nord pour obtenir un Brexit fonctionnel »

Le Vif

L’accord sur le Brexit négocié mi-octobre par le Premier ministre britannique, Boris Johnson, a ébranlé le DUP, parti nord-irlandais dirigé par Arlène Foster. L’occasion de revenir sur les relations entre les unionistes et le parti conservateur britannique au cours de l’histoire.

« Une trahison ». La dirigeante du DUP, Arlène Foster, ne mâche pas ses mots lors d’une interview accordée à la BBC le 9 décembre. Elle accuse le Premier ministre britannique, Boris Johnson, de lui avoir menti sur les conséquences de l’accord du Brexit négocié mi-octobre. Elle explique avoir obtenu la confirmation que des contrôles de biens entre la Grande-Bretagne et l’Irlande du Nord auront bien lieu. « L’accord prévoit une frontière économique en mer d’Irlande. La province britannique deviendrait donc plus proche de l’Union européenne que du Royaume-Uni », décrypte Keith Gerard Breen, professeur à Queen’s University.

Les unionistes se sont toujours opposés à un traitement différencié de l’Irlande du Nord au sein du Royaume-Uni. Et jusque-là, ils jouissaient d’un moyen de pression. En effet, depuis les élections législatives anticipées en 2017, le DUP semble un acteur clé dans les négociations liées au Brexit. Avec ses dix députés, la formation protestante sert de béquille au parti conservateur dépourvu de majorité. Mais rapidement, l’allié du gouvernement devient encombrant pour les Tories « Lorsque l’ancienne Première ministre, Theresa May, était au pouvoir, ils utilisaient leur droit de véto dès qu’une décision ne leur convenait pas », rappelle le spécialiste nord-irlandais.

Quand Boris Johnson arrive au pouvoir en juillet dernier, les unionistes espèrent de meilleures relations avec le parti conservateur. Si Bojo promet de ne pas toucher aux lignes rouges évoquées par Arlène Foster, il ne tient pas sa parole. Le Premier ministre britannique trahit le DUP et accepte un accord qui selon sa cheffe « met en péril l’intégrité de l’Union ». Dans la foulée, le petit parti conservateur essuie un deuxième revers. Le 22 octobre, le parlement britannique légalise le mariage pour tous ainsi que le droit à l’avortement. Pour la formation protestante et conservatrice, l’humiliation est totale. Aujourd’hui, le DUP se trouve dans une mauvaise passe. Il pourrait perdre son influence à Westminster si le parti conservateur obtient une majorité suffisamment importante aux élections législatives prévues le 12 décembre.

« La liaison entre le DUP et le parti conservateur ne se base pas sur l’amour. C’est une relation fondée sur le pouvoir », explique Keith Gerard Breen avant de reprendre: « Les unionistes ont toujours eu peur d’être trahis par Westminster. » Pour Stuart Hughes, membre de l’UUP – une autre formation unioniste – la partition de 1921 signe la première trahison. A l’époque, Edward Carson, figure politique importante, accuse déjà les conservateurs d’utiliser les unionistes pour garder le pouvoir, les rejetant lorsqu’il est devenu politiquement opportun de le faire. « On a toujours été abandonné. Beaucoup de conservateurs se disent unionistes, mais une fois qu’ils sont au pouvoir, ils ne font rien en notre faveur », explique Stuart Hughes.

Mais pourquoi les unionistes restent-ils si attachés au Royaume-Uni? « La grande majorité des membres du DUP et de l’UUP (près de 80% dans les deux partis) considèrent leur identité nationale comme britannique », répond Jim McAuley, professeur à l’université de Huddersfield. Selon le spécialiste, de nombreux unionistes considèrent l’accord de Brexit proposé comme portant atteinte à leur identité même, d’où les remous dans les communautés loyalistes. Or l’amour des unionistes nord-irlandais pour la couronne britannique semble à sens unique.

Un sondage publié le 12 novembre montre le peu d’intérêt des Britanniques pour l’Irlande du Nord. « La majorité des Britanniques seraient prêts à abandonner l’Irlande du Nord afin d’obtenir un Brexit fonctionnel », explique Élodie Fabre, professeur à la Queens University. En effet, l’Irlande du Nord ne représente qu’une petite partie du Royaume-Uni soit 1,8 million d’habitants, « un grain de sable dans la machine pour ceux qui sont en faveur du Brexit. », conclut la professeure.

Audrey Parmentier

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