Martin McGuinness © AFP

L’Irlande du Nord sans gouvernement depuis un an

Le Vif

L’Irlande du Nord est depuis un an enlisée dans une crise politique opposant les deux principaux partis du pays qui n’arrivent pas à s’entendre pour reformer un gouvernement de coalition depuis janvier 2017.

Les unionistes du Democratic Unionist Party (DUP) et les nationalistes du Sinn Féin sont censés gouverner ensemble en vertu du principe de partage du pouvoir ancré dans l’Accord de paix de 1998. Mais depuis la démission du vice-Premier ministre Martin McGuinness le 9 janvier 2017, ils n’arrivent pas à s’entendre et s’accusent mutuellement de blocage.

Les deux formations partenaires au pouvoir depuis 2007 dans la province britannique ont même renoué avec des discours communautaires que le Brexit a renforcés puisqu’elles ont été « incapables de formuler une politique commune » sur le sujet, souligne John Coakley, professeur d’histoire à la Queen’s University de Belfast.

Le DUP a appelé à voter pour la sortie de l’UE tandis que le Sinn Féin voulait au contraire un maintien dans l’union. Les Nord-Irlandais ont eux voté à 56% pour rester dans l’UE.

Depuis, le DUP, fort de son statut de force d’appoint des Conservateurs de la Première ministre Theresa May au parlement de Westminster acquis lors des législatives de juin, s’est opposé vigoureusement à l’idée d’un statut particulier pour l’Irlande du Nord destiné à éviter une frontière physique avec l’Irlande après le Brexit, retardant même la conclusion d’un accord dans la première phase des négociations.

– Antagonisme traditionnel –

Cette influence des unionistes irrite au plus haut point le Sinn Féin qui fait face à un « dilemme », selon le professeur Coakley: reformer un gouvernement avec le DUP « et lui donner davantage de pouvoir » ou ne pas céder et « décevoir les électeurs ».

Les Nord-Irlandais s’impatientent en effet de l’absence de pouvoir politique à l’Assemblée de Stormont malgré des élections organisées en mars, et qui pourrait conduire à un retour à l’administration directe, c’est-à-dire de la reprise en main temporaire de la province par Londres. Une situation que le pays avait connue pour la dernière fois entre 2002 et 2007 lors d’une précédente crise institutionnelle.

Dans son message du Nouvel An, Arlene Foster, leader du DUP, a estimé que l’administration directe « serait une moins bonne solution mais (que) cela permettrait d’avoir un gouvernement en place ». Les nationalistes prônent eux une gouvernance temporaire conjointe du pays par Dublin et Londres si les négociations ne progressent pas.

Elles achoppent depuis des mois sur plusieurs revendications du Sinn Féin qui réclame une législation en faveur du mariage homosexuel, ainsi qu’une loi de reconnaissance de la langue irlandaise. Autant de sujets qu’Arlene Foster qualifie de « longue liste de lignes rouges ».

Pour John Coakley, ce ne sont toutefois pas ces thèmes qui provoquent le blocage mais bien l’antagonisme traditionnel entre les deux partis, pour l’un partisan de l’union avec la Grande-Bretagne et pour l’autre favorable à une réunification de l’Irlande.

L’opinion publique montre quant à elle des signes de lassitude, avec de nombreux commentaires sur les réseaux sociaux dénonçant l’impasse et le besoin urgent de décisions dans les domaines de la santé et de l’éducation notamment.

« Les deux partis suscitent l’irritation et à ce titre ils ont sans doute autant à perdre l’un que l’autre », juge l’historien qui estime donc une résolution possible au vu des tensions nombreuses qui ont été surmontées par le passé.

Les négociations devraient reprendre au cours du mois de janvier mais la démission, lundi, du ministre britannique pour l’Irlande du Nord, James Brokenshire, remplacé par l’ex-secrétaire d’Etat à la Culture, Karen Bradley, pourrait encore retarder le retour aux négociations puisque c’est au représentant de Londres d’organiser la médiation entre les deux camps.

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