Donald Trump. © Getty

L’impeachment aux États-Unis: deux acquittements, une démission. Et Trump?

Olivia Lepropre
Olivia Lepropre Journaliste au Vif

Trump peut-il être destitué suite à la procédure d’impeachment lancée à son encontre par les démocrates ? Ce serait en tout cas une première.

Une procédure de destitution envers un président est un fait rare aux États-Unis. Avant Donald Trump, seuls trois présidents en ont fait l’objet, mais aucun n’a été destitué. Seuls 20 responsables gouvernementaux ont été « destitués », et seuls huit d’entre eux, tous juges fédéraux nommés à vie, ont été condamnés et démis de leurs fonctions.

Andrew Johnson (démocrate), à une voix près. C’est le premier processus de destitution de l’histoire américaine. Elle visait le président démocrate Andrew Johnson, propulsé à la Maison-Blanche après l’assassinat d’Abraham Lincoln. Lorsqu’il décide de limoger son secrétaire d’État à la Guerre, le Congrès lance une procédure de destitution à son encontre. Au terme de l’enquête, Johnson est déclaré coupable de 11 délits passibles de destitution. Mais lors du vote final du Sénat, le président évite d’une voix la destitution. Il reste au pouvoir, mais perd l’investiture de son parti pour l’élection présidentielle suivante.

Andrew Johnson
Andrew Johnson© Getty

Richard Nixon (républicain), une démission pour éviter la destitution. Richard Nixon a été accusé d’entrave à la justice et d’abus de pouvoir, dans le cadre du Watergate, du nom du siège du Parti démocrate à Washington espionné par le président républicain. Après auditions, la commission judiciaire retient trois motifs de destitution : entrave à la justice, abus de pouvoir et refus de se soumettre aux assignations. Mais Nixon démissionne le 9 août, avant le vote de la Chambre qui, le 20 août, décide néanmoins d’adopter le rapport de la commission par 412 voix contre 3.

Richard Nixon annonce sa démission.
Richard Nixon annonce sa démission.© Getty

Bill Clinton (démocrate), acquitté par le Sénat. Une procédure est engagée à l’encontre de Bill Clinton, accusé d’avoir nié, sous serment, avoir eu des relations sexuelles avec Monica Lewinsky, stagiaire à la Maison-Blanche. La Chambre des représentants vote l’ouverture d’une enquête sur le rôle du président dans l’affaire dite du « Monicagate ». La mise en accusation est votée le 19 décembre pour parjure et entrave à la justice. Conformément à la Constitution, le procès du président s’ouvre au Sénat en janvier 1999, mais la procédure d’accusation n’obtient pas la majorité des deux-tiers des voix des sénateurs. Bill Clinton est acquitté le 12 février 1999 et reste au pouvoir jusqu’à la fin de son mandat.

Bill Clinton.
Bill Clinton.© Getty

Un retour de flammes ?

La présidente de la Chambre des représentants Nancy Pelosi s’était jusque-là opposée à lancer une telle procédure envers Donald Trump, de peur que celle-ci monopolise le débat lors de la campagne présidentielle de 2020. Sachant qu’elle a peu de chances d’aboutir en raison de la majorité républicaine au Sénat, Pelosi craignait aussi que l’exercice se retourne contre les démocrates et renforce les clivages partisans dans le pays. C’est aussi un risque, car si Trump est acquitté par le Sénat où les républicains lui restent en majorité fidèles, il pourra user de cet argumentaire lors de ses meetings.

Les républicains sont quant à eux convaincus que la procédure de destitution, lancée à quelques mois du début de la campagne présidentielle, va se retourner contre les démocrates. Donald Trump estime pour sa part que cette procédure, profondément impopulaire, lui sera bénéfique pour briguer un second mandat. C’est aussi l’avis de son équipe de campagne, qui lui prédit une « victoire écrasante ».

Que dit l’histoire ?

La destitution serait donc une procédure à double tranchant, surtout pour le parti qui la déclenche. Les démocrates vont-ils droit dans le mur, quelques mois à peine avant le début de la campagne 2020 ? L’histoire américaine aurait tendance à suggérer l’inverse. Si seuls trois présidents ont fait l’objet d’une menace sérieuse de destitution, dans chaque cas, le parti à l’origine de l’enquête a fini par en bénéficier lors des élections suivantes, indique Bloomberg. Un changement de pouvoir républicain – démocrate (ou inversement), qu’on pourrait également attribuer à une tendance plus générale des électeurs à vouloir un autre parti au pouvoir.

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Cependant, l’histoire n’est peut-être pas le meilleur guide pour comprendre la crise actuelle et pour anticiper son dénouement. Dans chaque cas, il convient de voir quelles sont les questions constitutionnelles, mais aussi politiques, qui se posent. Et le « scandale ukrainien » est inédit à plusieurs niveaux. « La destitution de Johnson était possible, mais probablement non justifiée (et donc malavisée). Celle de Nixon était à la fois possible et justifiée (et donc efficace). Et celle de Clinton n’était ni possible ni justifiée (et donc farfelue) », résume un professeur d’histoire dans une contribution pour Politico.

De plus, dans le cas Trump, l’enquête sur la destitution diffère de celle de Richard Nixon et de Bill Clinton d’une manière significative : ils étaient au milieu de leur deuxième mandat. Ils n’ont pas pu se représenter aux élections, de sorte que les électeurs n’auraient pas eu l’occasion de se prononcer sur leur aptitude à se présenter aux élections. Trump en est à son premier mandat et compte bien de faire réélire. L’enquête pourrait facilement se prolonger jusqu’en 2020. Dû à la forte majorité républicaine au Sénat, la destitution est presque certaine de ne jamais avoir lieu. Ce qui soulève la question suivante : les électeurs, qui jusqu’à présent se positionnaient plutôt contre une procédure de destitution dans différents sondages, devront-ils se prononcer lors du scrutin sur son aptitude à exercer ses fonctions ?

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