Gérald Papy

L’hypothèque palestinienne est de retour (édito)

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Joe Biden espérait ne pas devoir tester sa maxime « America is back » sur l’épreuve ultime, celle sur laquelle ses prédécesseurs ont buté depuis septante ans, le conflit israélo-palestinien. En tirant des milliers de roquettes sur Israël depuis le 10 mai et en provoquant ainsi la réplique attendue de Tsahal, le Hamas, qui contrôle les deux millions d’habitants de la bande de Gaza, en a décidé autrement. Le président américain démocrate qui voulait en priorité contenir le développement du complexe nucléaire iranien se trouve dans l’obligation urgente d’éteindre l’incendie proche-oriental, sous peine de perdre sur deux tableaux. Sa crédibilité diplomatique de chantre du multilatéralisme et son ambition de médiateur en chef du contentieux iranien, au vu en outre de l’implication des ayatollahs de Téhéran derrière le Hamas palestinien, le gouvernement syrien et le Hezbollah libanais.

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Bien sûr, à ce stade, il est seulement espéré du locataire de la Maison-Blanche qu’il force un cessez-le-feu entre les belligérants pour rétablir le minimum de confiance requis pour cohabiter. Mais même cet objectif minimal ressemble à une montagne. Tant le contexte israélo-palestinien s’est dégradé depuis la période où Joe Biden assurait la vice-présidence de Barack Obama, qui s’y était cassé les dents.

La tournure qu’a prise cette crise, soudaine et brutale, démontre à quel point l’Autorité palestinienne s’est délitée. Le gouvernement du président Mahmoud Abbas a perdu le peu de crédibilité qui lui restait. Il est débordé par le nationalisme radical du Hamas. Il est fragilisé par sa coopération sécuritaire avec Israël de laquelle il n’obtient aucune contrepartie. Il est accusé de se dérober au jugement des urnes après avoir annulé des élections attendues depuis si longtemps. Il a perdu la confiance d’une partie de son peuple de Cisjordanie.

Benjamin Nétanyahou, qui a grandement contribué à décrédibiliser les dirigeants de Ramallah au fil de ses douze années consécutives de mandat de Premier ministre, est aujourd’hui engagé dans un inquiétant face-à-face avec le Hamas. Mouvement de la résistance islamique classé comme organisation terroriste par les Etats-Unis, il ne peut pas être considéré, officiellement, comme un partenaire de négociation. Le constat est simple: plus d’interlocuteur, plus de dialogue. C’est avec cette conviction illusoire d’un destin dépendant de leur seule volonté que Benjamin Nétanyahou et une partie des Israéliens ont vécu pendant quatre ans une idylle avec Donald Trump rentabilisée par la reconnaissance de Jérusalem comme capitale et par l’établissement de relations diplomatiques avec quatre Etats arabes, surtout intéressés par les retombées en provenance de Washington de leur reniement.

Quel Israélien sensé a pu raisonnablement penser que sa nation allait pouvoir jouir durablement de la sécurité et de la prospérité auxquelles elle aspire légitimement sur les ruines des accords d’Oslo, sur l’abandon d’une solution à deux Etats, sur le déni de la revendication légitime des Palestiniens à vivre en tant que nationaux d’un pays indépendant? Le rappel de cette réalité incontournable ne vient pas du Hamas disqualifié par son extrémisme mais bien des jeunes Palestiniens de Jérusalem-Est qui n’en peuvent plus de survivre sans perspectives. Mais si ceux-là non plus ne sont pas entendus, l’avenir de la région restera sombre pour septante nouvelles années au moins.

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