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« L’EI se sert d’enfants comme espions »

Kristof Clerix
Kristof Clerix Rédacteur Knack

En Syrie et en Irak, l’État islamique oblige des enfants à espionner leurs parents. C’est ce qu’on peut lire dans le nouveau manuel de Radicalisation Awareness Network. L’OCAM estime qu’il y a environ quatre-vingts enfants belges sur le territoire de l’EI en Syrie et en Irak.

« Tout comme les enfants-soldats, on peut considérer les returnees mineurs à la fois comme des victimes et des coupables », écrit le Radicalisation Awareness Network (RAN) dans l’article Responses to Returnees, publié le mois dernier. D’après le RAN, la plupart des états de l’UE s’attendent à une augmentation lente, mais progressive de returnees, dont « une grande partie » de femmes et d’enfants. Si l’Union européenne ne possède pas beaucoup d’expérience sur le sujet, « elle dispose de beaucoup de connaissances sur le travail avec les enfants issus de zones de conflit, tels que les enfants-soldats. »

Pour le RAN, les travailleurs en première ligne qui sont en contact direct avec les returnees mineurs – tels que les enseignants, les travailleurs sociaux et les membres d’organisations de loisirs – doivent bénéficier d’un entraînement de base sur la situation en Syrie et en Irak dans laquelle ces enfants ont grandi et sur la gestion de traumatismes. D’après le RAN, tous les enfants qui reviennent d’Irak et de Syrie sont exposés à la violence et à l’idéologie extrémiste de l’EI. « Cela ne signifie pas pour autant qu’ils sont tous des extrémistes ou des terroristes potentiellement violents ou qu’ils le deviendront. »

Avant leur naissance, les enfants de djihadistes peuvent déjà subir les conséquences de la guerre. « Si la mère subit un stress physiologique, cela produit un effet sur le foetus. « Après la naissance, les 1000 premiers jours sont très importants parce qu’à cette époque le développement du cerveau exerce un impact important sur la façon dont l’enfant appréhende le monde.

Recrutement à partir de 9 ans

D’après le RAN, l’EI recrute les enfants à partir de neuf ans. Dès cet âge, ils suivent un entraînement aux armes. « Beaucoup d’enfants sont recrutés par le biais d’endoctrinement religieux dans les mosquées et les camps, leurs parents et l’appât financier. »

La réalité quotidienne à laquelle sont confrontés certains enfants dépasse l’imagination. « Les jeunes enfants sont non seulement exposés aux destructions de la guerre, mais aussi à d’innombrables d’actes d’une cruauté sans nom : décapitations massives, flagellations publiques, amputations, crucifixions, etc. Certains enfants sont obligés d’endosser le rôle de bourreau. Et comme l’EI se sert également des enfants pour espionner, ces derniers grandissent dans un climat de méfiance qui détruit la loyauté du clan et de la famille. « Les enfants sont obligés de rapporter tout comportement suspect de leurs parents et d’autres qui ne respectent pas les lois religieuses ». La stratégie fait penser à la DDR où la Stasi se servait de méthodes comparables.

Selon RAN, il est difficile de calculer combien d’enfants vivent sur le territoire de l’EI. « Beaucoup de femmes tombent rapidement enceintes. D’une part parce que la contraception y est illégale, et d’autre part parce que l’EI souhaite de grandes familles avec un maximum d’enfants. » Comme les certificats de naissance de l’EI ne sont pas valables, les enfants nés en zone de guerre risquent d’être apatrides. « C’est pourquoi il est très important de clarifier la question de la paternité, afin que les enfants puissent revenir en Europe avec leurs parents. »

Le rapport du RAN (qui date d’il y a quelques mois) fait état de 78 Belges mineurs sur le territoire de l’EI. Les chiffres officiels de l’OCAM (du 17 juillet) sont un peu plus élevés. La banque de données dynamique de l’OCAM fait d’état de six jeunes âgés de 12 à 18 ans sur place. L’OCAM a également connaissance d’environ quatre-vingts enfants de moins de 12 ans vivant probablement en Syrie ou en Irak.

D’après RAN, il est important pour les returnees d’agir « immédiatement et d’élaborer une approche à long terme « étant donné que beaucoup d’effets secondaires n’apparaissent qu’à un stade plus avancé. » Il est crucial qu’ils aient un milieu familial stable et qu’ils aillent à l’école. « La famille, les écoles, la communauté et les organisations de loisirs peuvent jouer un rôle positif dans le rétablissement du regard d’un enfant sur la société. « Les écoles qui accueillent des returnees doivent préparer une stratégie pour gérer les parents, la presse et les politiques qui posent des questions et qui s’inquiètent. »

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