George Forrest

L’aventure africaine de Balkany et sa relation avec le magnat belge du cuivre George Forrest

Le Vif

Patrick Balkany aimerait qu’on lui explique pourquoi il aurait perçu 5 millions de dollars du magnat belge du cuivre George Forrest pour une affaire qui ne s’est pas faite: le procès des édiles de Levallois-Perret a plongé jeudi dans l’univers impitoyable des majors minières en Afrique.

L’audience a commencé par la lecture du témoignage de George Forrest, millionnaire belge né au Congo-Kinshasa et surnommé le « roi du Katanga » tant il a régné en seigneur dans cette région cuprifère du sud-est congolais presque aussi vaste que la France.

L’industriel touche-à-tout, que son appétit a aussi mené en Centrafrique et au Kenya, a eu, selon les juges d’instruction, un rôle indirect dans l’acquisition d’un somptueux riad à Marrakech au profit des époux Balkany – ce que ces derniers nient.

Interrogé dans ce dossier, où le maire de Levallois (Hauts-de-Seine) encourt dix ans de prison pour blanchiment et corruption passive, George Forrest a expliqué avoir versé 5 millions de dollars au titre d’une commission destinée à Patrick Balkany qui lui aurait « apporté une affaire » concernant un gisement d’uranium en Namibie.

Cette somme a été versée en juin 2009 sur le compte suisse de la société panaméenne Himola, dont Patrick Balkany lui avait remis le numéro sur « un bout de papier ».

A la barre, Patrick Balkany commence par interpeller le président. « Vous avez oublié un petit détail: M. Forrest a reconnu qu’il avait menti puisqu’il n’a pas acheté la fameuse mine pour laquelle il m’aurait versé une commission ». « Pas d’achat de mine, pas de commission », affirme le maire, qui dément avoir fourni des coordonnées bancaires à George Forrest et assure n’être allé qu’une fois en Namibie, à l’invitation du fils du président sud-africain Jacob Zuma qui l’avait emmené voir « le président-fondateur de la Namibie, un adorable vieillard » pour partager « une collation ».

« C’est très curieux, le centre-ville (de Windhoek), on se croirait en Autriche ou en Alsace. Ce n’est pas la sphère d’influence de la France. C’est une ancienne colonie allemande et je n’ai, vous l’avez compris, pas beaucoup d’affinités avec l’Allemagne », dit-il, dans une allusion à son père résistant et déporté.

Le président le ramène au sujet de la mine namibienne. « Une jolie fable », balaie Patrick Balkany.

« Areva c’est la France »

Qui est-il lui, le député-maire de Levallois, à côté d’un Forrest ? interroge-t-il. Il décrit ce « roi des mines de l’Afrique » qui aurait voulu l’indépendance du Katanga, affirme-t-il, sans préciser s’il se réfère à l’épopée sécessionniste de 1960, à la rebellion soutenue de Laurent-Désiré Kabila en 1996 ou à des flambées plus récentes dans la région.

George Forrest a dit aux juges que Patrick Balkany s’était retrouvé sur sa route en Centrafrique autour des ennuis d’Areva, ex-fleuron français du nucléaire, après le rachat désastreux de la compagnie canadienne Uramin en juin 2007.

Uramin est propriétaire de trois mines en Namibie, Afrique du Sud et Centrafrique. Dans ce dernier pays, le président (déchu depuis) François Bozizé conteste le permis d’exploiter d’Areva. Le groupe s’appuie sur George Forrest, alors consul honoraire de France, pour régler son litige.

La présence de Patrick Balkany dans l’entourage du président Bozizé, devenu son « ami » au gré de ses voyages sur le continent, agace Forrest. Le maire de Levallois assure avoir été sollicité par Sébastien de Montessus, directeur des activités minières d’Areva, et n’avoir fait que passer un coup de fil. « J’ai appelé le président Bozizé, je lui ai dit: ‘Areva c’est la France, vous ne pouvez pas vous fâcher avec la France’. Voilà », explique-t-il.

Une façon de répondre en creux que la commission Forrest n’est pas non plus une rémunération pour son intervention dans le dossier Areva. Une question demeure: pourquoi alors avoir versé 5 millions sur le compte de la société panaméenne Himola?

Patrick Balkany suggère « un lien » entre Georges Forrest et le milliardaire saoudien Mohamed Al Jaber, puisqu’une partie de cet argent a terminé en dessous-de-table au vendeur du riad de Marrakech, qu’il affirme être la propriété du Saoudien.

Il finit par s’énerver qu’on lui mette « tout ça » sur le dos, lui qui n’est qu’un « fraudeur passif », un peu « le porte-parole de tous les Français qui ont un petit matelas de côté ».

Le réquisitoire est attendu jeudi prochain.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire