Les responsables du département de la santé de Gauteng enregistrent des échantillons de coronavirus lors d'un porte à porte à Yeoville, Johannesburg. © belga

L’Afrique, un continent de plus en plus touché par le coronavirus

Julie Nicosia
Julie Nicosia Journaliste

L’Afrique de plus en plus touchée par le nouveau coronavirus doit « se préparer au pire » selon l’OMS. Une quarantaine de pays du continent africain est désormais contaminée. Le point.

La pandémie s’accélère, l’OMS appelle l’Afrique à se « réveiller » et « à se préparer au pire ». La plupart des états ont pris des mesures – parfois drastiques ou ont déclaré l’état d’urgence pour endiguer l’épidémie.

Plus de 7.000 cas et prés de 300 décès

D’après un comptage réalisé par l’AFP, l’Afrique aurai recensé 7.002 cas, dont 287 décès.

D’après les informations récoltées par Africanews, mercredi, l’Afrique du Nord était la région la plus touchée par le virus. L’Égypte, l’Algérie et le Maroc sont les trois pays qui recensent le plus de cas de coronavirus et de décès. Suit l’Afrique centrale, où la République démocratique du Congo est particulièrement touchée. L’Afrique de l’Ouest avec le Burkina Faso, la Côté d’Ivoire ou le Sénégal suivent avec des situations préoccupantes. L’Afrique du Sud est le pays où le nombre de cas est le plus élevé pour l’Afrique australe.

Alors que la pandémie de coronavirus prend une nouvelle dimension en Afrique, les experts de l’OMS et du Programme alimentaire mondial (PAM) s’inquiètent de la pénurie d’équipements médicaux adaptés. Alors que le cap du million de malades a été franchi sur le plan mondial, le continent n’en compte encore que quelques milliers.

Mais le nombre augmente vite. Cette situation nouvelle soulève des préoccupations chez des experts interrogés par Jeune Afrique :

  • Selon Michel Yao, le responsable des opérations d’urgence de l’OMS en Afrique, le continent a mis longtemps à atteindre les 1.000 cas, mais, ces dix derniers jours, ce nombre a été multiplié par quatre (et même plus de six à ce jour, NDLR). C’est une progression rapide, « qui correspond à ce qui a été observé en Chine et en Europe ». L’augmentation est liée à la fois au plus grand nombre de tests effectués et à la propagation de la maladie et, bien sûr, elle est « préoccupante ». Quant à savoir si ce nombre de cas est sous-estimé et si certains malades échappent à la détection, Matshidiso Moeti, la directrice régionale de l’OMS en Afrique, ne le croit pas : « Nous n’identifions pas 100 % des cas, mais je ne crois pas que nous en rations beaucoup. Même si, bien , nous aimerions tester beaucoup plus de personnes, comme cela a été fait en Corée ».
  • Le confinement, une solution plus difficile à mettre en oeuvre : le Dr Matshidiso Moeti observe qu’un nombre croissant de pays imposent des mesures de confinement total ou partiel : Afrique du Sud, Botswana, Nigeria, Congo… Mais elle reconnaît que la question de la faisabilité se pose, notamment pour les familles vivant dans de petits espaces ou les personnes dont la survie dépend d’une activité quotidienne. Elle plaide donc pour des mesures adaptées susceptibles, au moins, de limiter la propagation : garder ses distances, fournir aux populations de quoi se laver les mains… Quant à l’idée selon laquelle le confinement porterait déjà ses fruits en Afrique du Sud, où certains notent un ralentissement de la propagation, le Dr Moeti estime qu’il est « bien trop tôt pour le dire ».
  • Permettre la circulation des denrées alimentaires : Lola Castro, directrice régionale du PAM pour l’Afrique australe, travaille sur les questions alimentaires au sud du continent et souligne deux catégories de problèmes. D’abord, le fait que le virus frappe des régions et des populations déjà en état d’insécurité alimentaire. Ensuite, les difficultés rencontrées par les agriculteurs et les producteurs de produits alimentaires. Son équipe est basée en Afrique du Sud et, grâce aux autorités qui ont ouvert des corridors humanitaires depuis l’aéroport de Durban, le PAM parvient à fournir le Botswana, le Zimbabwe, le Mozambique, le Malawi ou la Zambie. Pour elle, le plus important est de permettre la circulation des semences et des produits agricoles, de laisser certains marchés ouverts, de ne fermer ni les ports ni les frontières… Les populations urbaines sont souvent les plus touchées, comme à Brazzaville où le PAM a identifié 20 000 personnes à qui fournir une aide alimentaire dès qu’il sera possible de l’acheminer.
  • Pas de respirateurs made in Africa : la question du nombre de respirateurs et de lits de réanimation disponibles est cruciale, car ces équipements permettent de limiter la mortalité des patients atteints de formes sévères du coronavirus. Mais Matshidiso Moeti est franche : il est très difficile d’obtenir des données fiables : « Nous y travaillons. Ce qui est sûr c’est qu’il y a un écart énorme entre les besoins et ce dont nous disposons, d’autant que la demande est mondiale et que les transports sont perturbés ». Le problème, ajoute Michel Yao, c’est que l’Afrique ne fabrique pas de respirateurs : « Nous sommes en relation avec les pays et les entreprises qui en produisent, mais il faut que la répartition mondiale se fasse de façon solidaire. Ce qui est très difficile quand certains pays comptent actuellement plus de 3 000 patients en soins intensifs. »

La ruée vers la chloroquine

Du Sénégal au Cameroun, en passant par l’Afrique du Sud, l’Afrique, désarmée face au coronavirus, se rue sur la chloroquine, un médicament bien connu de ses habitants.

Ce traitement et ses dérivés, comme l’hydroxychloroquine, utilisés durant des années pour soigner le paludisme sur le continent, suscitent dans l’espoir. Mais leur efficacité est encore loin d’être prouvée et leur généralisation divise la communauté scientifique.

Si l’OMS a appelé à plusieurs reprises à la prudence, sur le continent africain qui ne dispose que de peu de moyens pour lutter contre le virus, les autorités n’ont pas hésité longtemps.

Au Burkina Faso, au Cameroun, en Afrique du Sud, par exemple, les gouvernements ont rapidement autorisé les structures hospitalières à traiter les malades avec cette molécule. Une grande étude, à l’image de celle du désormais célèbre professeur français Didier Raoult, a été lancée en Afrique du Sud.

Les experts s’inquiètent de cette frénésie populaire et redoutent une automédication. « Pour les personnes cardiaques, cela peut être fatal », prévient le professeur Boum. Quant aux « surdosages, ils peuvent entraîner la mort », renchérit Alice Desclaux, médecin-anthropologue à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) au Sénégal.

Par ailleurs, vu l’engouement vers la chloroquine, de faux médicaments arrivent sur le marché noir et de la fausse chloroquine est en circulation dans plusieurs pays africains.

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