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Ku Klux Klan: le FBI a infiltré une cellule terroriste

Arthur Debruyne
Arthur Debruyne Correspond en Amérique du Nord et en Amérique centrale pour Knack.be

Une enquête sur le KKK révèle les liens qui existent entre les groupuscules racistes et les forces de l’ordre.

Il y a quelques années, lors d’un brûlage de croix, trois membres du Ku Klux Klan, un violent groupe de suprémacistes blanc dont les origines remontent au XIXe siècle aux États-Unis, décident d’assassiner Warren Williams. La cible de ces deux gardiens de prison et d’un ex-militaire est un détenu noir qui purgeait alors une peine d’un an et qui avait agressé l’un d’entre eux dans un établissement pénitentiaire de Floride. Pour les membres du clan, il n’était qu’un « déchet » dont il fallait se débarrasser « de manière professionnelle ». Les hommes hésitent entre abattre leur victime rapidement ou l’enlever et lui injecter de l’insuline pour lui infliger une mort douloureuse. Ce que ces hommes ignorent alors, c’est que leur conversation est discrètement enregistrée par un informateur rémunéré du FBI. En se faisant passer pour un ancien militaire et en payant une cotisation de 35 dollars, ce dernier a rapidement gagné la confiance des Florida Traditionalist American Knights, une branche locale du KKK. En signant un pacte de sang, il va promettre de « régénérer notre pays et notre race blanche, et de protéger notre sang blanc et notre supériorité naturelle ». L’infiltré ira jusqu’à rejoindre le cercle de  » Grand Night Hawk « , le responsable de la sécurité de la cellule. L’opération n’était pas sans risque puisqu’il risquait la mort s’il était démasqué. Lorsque le FBI est informé du complot, la cible va immédiatement être mise à l’abri et on va arrêter et juger les trois hommes sur la base du témoignage de l’infiltré. Deux d’entre eux seront condamné à douze ans, le troisième suspect à quatre ans.

Ku Klux Klan: le FBI a infiltré une cellule terroriste
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C’est l’agence de presse Associated Press qui révèle aujourd’hui l’affaire. L’enquête de l’agence de presse offre au passage un rare aperçu de ce qui se passe au sein du très secret KKK. Elle montre également comment les organisations d’extrême droite ont infiltré la police et les forces de l’ordre américaines. Elle va aussi révéler le nombre impressionnant de membres du clan qui travaillaient au sein du Florida Department of Corrections, l’administration pénitentiaire de l’État du Sud et qui, par ce biais, ont un pouvoir presque sans limites sur les prisonniers de couleur.

Si les scènes de membres du clan en cagoule blanche brûlant des croix semblent appartenir au passé, l’idéologie sectaire du mouvement n’est visiblement pas morte, surtout dans les États du sud de l’Amérique. « La Floride était, au temps de la ségrégation, l’un des endroits les plus dangereux d’Amérique pour les Noirs », écrit le journaliste de l’AP Jason Dearen. Selon une étude de l’Université de Géorgie, le risque d’y être lynché – pendu ou fusillé sans procès – était plus élevé que dans n’importe quel autre État.

Une statue de Nathan Bedford, général américain de la guerre de Sécession et cofondateur du Ku Klux Klan, n'a été retirée dans la ville de Memphis qu'en 2017.
Une statue de Nathan Bedford, général américain de la guerre de Sécession et cofondateur du Ku Klux Klan, n’a été retirée dans la ville de Memphis qu’en 2017.© Reuters

Le Ku Klux Klan a été fondé en réaction à l’abolition de l’esclavage à la fin de la guerre civile américaine. S’il va connaître plusieurs phases de croissance et de déclin, le nombre de membres est actuellement estimé entre trois et six mille.

Épidémie au sein de la police

Les chercheurs estiment que des dizaines de milliers d’Américains sont membres de groupes d’extrême droite, une mouvance dont fait partie le KKK. « Les groupes suprémacistes blancs ont toujours cherché à infiltrer les forces de l’ordre et à recruter des membres dans leurs rangs », selon un document du FBI cité par AP, mais en ce moment on est face à une véritable « épidémie ».

Ainsi en novembre, un shérif adjoint du sud de la Géorgie a révélé, lors une conversation téléphonique mise sur écoute, qu’il essayait délibérément de piéger les Noirs pour des crimes afin qu’ils ne puissent plus voter. En 2014, deux policiers de Floride ont été licenciés après qu’il a été révélé qu’ils étaient membres du clan. On sait aussi que certains des manifestants qui ont pris d’assaut le Capitole le 6 janvier étaient des membres de milices d’extrême droite. Ce mardi, un policier noir en faction au Capitole a témoigné qu’il avait été traité ce jour-là de « nègre » par des manifestants et partisans autoproclamés de Trump.

Plus inquiétant encore, plus de 30 des manifestants ont été identifiés comme étant d’anciens officiers de police ou même encore actifs. D’autres enquêtes policières récentes révèlent à quel point les racistes (violents) gangrènent les forces de l’ordre. Pour l’AP, peu de choses sont faites pour lutter contre ce phénomène. Les agents licenciés pour racisme peuvent facilement trouver un emploi ailleurs. Par exemple, il n’existe pas de base de données nationale permettant de vérifier le passé des agents de police. Certains États qui veulent faciliter le dépistage se heurtent à la résistance des syndicats. En mars, le directeur du FBI, Christopher Wray, a déclaré que « l’extrémisme à motivation raciale » était actuellement le principal moteur du terrorisme aux États-Unis.

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