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Jeanne Moreau, le tourbillon de la vie

Le Vif

Peu de comédiennes ont incarné à ce point le désir de vivre et d’indépendance que l’héroïne de « Jules et Jim ». Portrait.

 » Ce serait peut-être le comble de l’équilibre que d’arriver à considérer la mort comme un but. Et de l’accepter avec une grande sérénité. Moi, je considère ça comme une explosion. J’aimerais… J’aimerais mieux exploser que mourir tranquillement. Et puis, quand on vit beaucoup dans la nature et au milieu des arbres, la brièveté de la vie est encore beaucoup plus frappante, plus scandaleuse.  » Dans l’entretien qu’elle accorde, en 1970, à l’émission télé 24 heures sur la Deux, Jeanne Moreau a 42 ans, le cheveu blond, la lèvre inférieure qui se tord un peu, par moments, côté gauche, le regard parfois brillant, parfois voilé et, évidemment, des graviers plein la voix.

Cette année-là, elle chantait, entre autres, Le vrai scandale c’est la mort, huit ans après Le Tourbillon de la vie, devenu culte grâce au film Jules et Jim, de Truffaut, puis, en 1995, à la reprise qu’en a faite, pour la cérémonie d’ouverture du festival de Cannes, Vanessa Paradis. Que Jeanne Moreau allait finir par accompagner.

Le scandale de la mort et le tourbillon de la vie. Ils ont rythmé le parcours de l’actrice et de la femme. Jeanne Moreau incarnait ainsi, à la ville comme à l’écran, l’insoumission, les interdits bravés, les rébellions, les retrouvailles après les ruptures (et vice versa) et les libertés, une vie plutôt sauvage en somme, tumultueuse, mais avec un physique à la beauté tragique, comme si elle ne pouvait qu’être entourée, inexorablement, par le drame.

Décédée le 31 juillet dernier, à Paris, à 89 ans, la dernière grande star du cinéma français a traversé les imaginaires et les époques comme sans doute seules Simone Signoret et Edith Piaf l’avaient fait avant elle. C’est Jules et Jim qui lance sa carrière et qui marque toute une génération, fascinée par cette femme amoureuse de deux hommes. Elle tourne avec les plus grands : Gabin, Antonioni, Buñuel, Losey, Welles, Angelopoulos, Blier… Elle est l’une des premières actrices d’envergure à dire oui à la télé, notamment à Josée Dayan (Les Misérables, Les Rois maudits), réalisatrice alors décriée. Féministe, elle est de celles qui, le 5 avril 1971, s’engagent pour le droit à l’avortement, dans le manifeste signé par 343 Françaises, avec Simone de Beauvoir, Marguerite Duras ou Catherine Deneuve.

Peu de comédiennes ont à ce point marqué leur art, avec une telle indépendance. Un tel goût de la vie. Et une telle détestation de la mort.

Ph. B.

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