Matteo Salvini © belga

Italie : deux navires d’aide aux migrants défient Salvini

Le Vif

Un nouveau bras de fer s’annonçait samedi entre des navires humanitaires et l’homme fort du gouvernement italien, le ministre de l’Intérieur d’extrême droite Matteo Salvini, avec l’arrivée près de l’île de Lampedusa de deux bateaux transportant des migrants recueillis au large de la Libye, en quête d’un port d’accueil.

L’Alex, voilier de 18 mètres affrété par le collectif italien de gauche et d’extrême gauche Mediterranea, avec 41 migrants toujours à bord, a été rejoint samedi par un navire de l’ONG allemande Sea-Eye, l’Alan Kurdi (du nom du petit Syrien retrouvé noyé en Turquie en 2015), transportant 65 migrants.

Un décret-loi adopté en juin prévoit des amendes jusqu’à 50.000 euros contre le capitaine, le propriétaire et l’armateur d’un navire qui entrerait sans autorisation dans les eaux italiennes.

La décision de M. Salvini de fermer les ports aux navires des ONG est approuvée par 59% de ses compatriotes, selon un sondage samedi du quotidien Corriere della Sera.

« Nous attendons dans les eaux internationales au large de Lampedusa, » a tweeté samedi Sea-Eye depuis l’Alan Kurdi. La police douanière « est venue elle-même nous signifier le décret de Salvini : le port est fermé ».

Le ministre allemand de l’Intérieur Horst Seehofer a tweeté que l’Allemagne était prête à accueillir certains migrants « dans le cadre d’une solution européenne de solidarité ».

Selon Sea-Eye, les 65 migrants de l’Alan Kurdi (64 hommes et une femme) ont été secourus à bord d’un canot surchargé dépourvu de provisions d’eau suffisantes, de téléphone satellitaire ou d’instrument d’aide à la navigation.

Pour l’Alex, M. Salvini, qui accuse les ONG d’aider les passeurs, a conclu avec Malte un accord pour faire débarquer les migrants en échange du transfert vers l’Italie d’un nombre équivalent de migrants accueillis précédemment à Malte.

Mais Mediterranea estime que son voilier ne peut transporter jusqu’à Malte les migrants encore à bord après le débarquement vendredi à Lampedusa des 13 les plus vulnérables –femmes enceintes, familles– parmi les 54 recueillis en mer.

Attente en plein soleil

Des dizaines de migrants continuaient samedi d’attendre sur le pont du voilier, où des photographies les montraient tentant de se protéger du soleil sous des couvertures de survie.

« Dans ces conditions, il est impossible d’envisager 15 heures de navigation », a tweeté Allesandra Sciurba de Mediterranea, soulignant que « tous les mineurs non accompagnés sont toujours à bord, y compris l’un âgé de 11 ans ».

« Nous attendons des arrangements avec les marines italienne ou maltaise », ajoute-t-elle.

La semaine dernière, les autorités italiennes ont saisi à Lampedusa un navire d’une ONG allemande, le Sea-Watch 3, et arrêté sa capitaine, Carola Rackete, qui avait accosté de force pour débarquer 40 migrants secourus en mer et bloqués à bord depuis plus de deux semaines.

Une juge italienne a invalidé mardi l’arrestation de la capitaine au motif qu’elle avait agi pour sauver des vies mais elle est toujours visée par deux enquêtes, pour résistance à un officier et pour aide à l’immigration clandestine.

M. Salvini a réitéré samedi à Milan son appel à réformer le règlement de Dublin qui confie l’examen de la demande d’asile au pays d’entrée dans l’Union européenne, estimant qu’il fait peser un fardeau injuste sur l’Italie car « il ne semble pas que la majorité des pays européens veuillent agir comme cela ».

Malgré la fermeté affichée par M. Salvini, migrants et demandeurs d’asile continuent de vouloir gagner l’Italie, parfois secourus par les autorités italiennes. Selon le ministère de l’Intérieur, 191 sont arrivés par mer la semaine passée.

La juge chargée du cas de Carola Rackete a estimé qu’elle n’avait pas eu d’autre choix que de faire route vers le nord, la Libye et la Tunisie n’étant pas sûres pour les migrants.

Selon les ONG, mais aussi l’ONU et même une déclaration récente du ministre italien des Affaires étrangères, Enzo Moavero, les droits des migrants ne sont pas garantis en Libye, où beaucoup sont soumis à des abus et tortures. Cette semaine, un bombardement a tué 53 d’entre eux près de Tripoli.

Lundi, une embarcation transportant 86 personnes partie de la ville libyenne de Zouara a fait naufrage au large de la Tunisie. Hormis trois survivants, les autres sont tous morts ou disparus.

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