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Importations, Irlande du Nord… Le Brexit tourne au cauchemar pour certains secteurs

Mailys Chavagne
Mailys Chavagne Journaliste Web

Comment le Royaume-Uni s’en sort-il, deux mois après avoir officiellement quitté le navire UE ? Déjoue-t-il les pronostics qui le voyaient perdant ? Pas si sûr… Le Brexit tourne au cauchemar pour certains secteurs… Le point sur ce qui bloque à l’heure actuelle.

D’aucuns penseraient que la signature d’un accord apaiserait les tensions entre Londres et Bruxelles. Et pourtant, deux mois après la conclusion de l’accord commercial, la saga Brexit se poursuit et les relations déjà mouvementées entre les deux parties ne font qu’empirer. David Frost, nouveau ministre en charge de l’UE, a lui-même reconnu que les relations avec l’Union européenne sont « plus que cahoteuses » et « problématiques » depuis que le divorce entre Londres et Bruxelles a été définitivement acté.

Il faut bien l’avouer : les motifs de frictions ne manquent pas. Difficultés dans les relations commerciales en Irlande du Nord, bureaucratie et retards à n’en plus finir, crainte d’une pénurie alimentaire suite aux contrôles sur les importations… Les troubles liés à la sortie du Royaume-Uni de l’UE sont loin d’être résolus, et de trop nombreuses questions non réglées demeurent.

Le ton monte en Irlande du Nord

S’il y a bien un sujet qui fâche, c’est l’application du Protocole nord-irlandais. Dernièrement, les tensions post-Brexit n’ont fait que s’accroître autour de l’Irlande du Nord. Et pour cause : le Royaume-Uni a unilatéralement étendu les périodes de grâce qui permettent à l’Irlande du Nord de fonctionner quasi normalement depuis le Brexit. Alors que l’UE menace d’entreprendre des actions judiciaires à l’encontre de Londres, les paramilitaires loyalistes s’en mêlent et annoncent une suspension de leur soutien à l’Accord de paix de 1998.

Le Protocole nord-irlandais, c’est quoi ? Cet accord maintient l’Irlande du Nord dans le marché commun européen et dans l’espace douanier britannique. Il rend donc nécessaire lesvérifications et contrôles sur les marchandises entrant en Irlande du Nord à partir du reste du Royaume-Uni, mais aussi un contrôle accru des produits risquant d’entrer sur le territoire européen.

Néanmoins, les vérifications dans les ports restent minimes depuis début janvier. L’Irlande du Nord bénéficie en effet d’une période de grâce qui exempte temporairement le Royaume-Uni de certaines obligations de contrôles sanitaires sur les produits agroalimentaires franchissant la mer d’Irlande. Ceci afin d’améliorer la fluidité des échanges entre l’Irlande du Nord et le reste du Royaume-Uni, et permettre aux entreprises de s’adapter

Et si cette période de grâce devait prendre fin le 1eravril, le gouvernement britannique a pris l’initiative de l’étendre jusqu’au 1er octobre, sans même consulter Bruxelles. Une annonce qui a jeté un froid et provoqué la colère de la Commission européenne.« C’est la deuxième fois que le gouvernement britannique s’apprête à enfreindre le droit international », dénonce Maros Sefcovic, vice-président de la Commission en charge des relations avec le Royaume-Uni. L’UE a dénoncé une « violation » de l’accord de Brexit et averti qu’elle répondrait « avec les moyens légaux ».

De son côté, le Conseil des communautés loyalistes (LCC), qui rassemble trois groupes paramilitaires loyalistes, a écrit à Boris Johnson pour l’avertir de la suspension de leur soutien à l’accord de paix de 1998. Cet accord avait mis fin au conflit entre unionistes et républicains, partisans du rattachement avec la république d’Irlande, qui a coûté la vie à 3.500 personnes en trois décennies.

Crainte de pénuries alimentaires

Autre problème : les exportations et importations. Ces deux derniers mois, Les exportateurs britanniques vers l’UE ont été durement touchés par les nouvelles règles et coûts supplémentaires qui rythment les échanges commerciaux sous le régime post-Brexit. Les experts craignent désormais que les exportateurs de l’UE vers le Royaume-Uni – en particulier ceux impliqués dans le secteur alimentaire – soient confrontés aux mêmes problèmes.

Leur plus grande inquiétude ? Que les retards résultant des contrôles douaniers puissent affecter les approvisionnements alimentaires, et ne conduisent à de graves pénuries alimentaires au Royaume-Uni. À savoir qu’à partir du 1eravril, tous les articles d’origine animale ainsi que les végétaux et produits végétaux réglementés, nécessiteront une documentation complète et, le cas échéant, des certificats vétérinaires pour être vendus au Royaume-Uni. Et à partir du 1er juillet, toutes les entreprises exportant vers le Royaume-Uni devront remplir des déclarations en douane complètes et les marchandises pourront être soumises à des contrôles physiques dans les nouveaux centres douaniers britanniques.

Diverses sources du secteur ont néanmoins indiqué que les ministres britanniques – dont le ministre en charge de l’UE David Frost – envisageaient d’autoriser des contrôles « plus légers » des importations que ce qui est actuellement prévu, et ce à partir du 1er avril, mais également de réduire les procédures de contrôles douaniers, y compris les inspections physiques, qui doivent commencer le 1er juillet.

Encore faut-il que les autorités et responsables européens acceptent ces potentielles révisions… D’autant que certaines questions demeurent sans réponse à l’heure actuelle. Il n’y a notamment pas encore d’accord prévu sur les services financiers qui représentent pourtant 80% des exportations du pays. On le constate, le Brexit est loin d’être terminé. Peut-être même s’agit-il du début de la seconde partie de cette saga mouvementée…

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