Hannah Szenes, en 1936, à Budapest, déguisée en soldat hongrois, pour la fête de Pourim. © DR

Hannah Szenes, destin tragique d’une héroïne d’Israël infiltrée chez les nazis

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Emigrée en Palestine à l’aube de la Seconde Guerre mondiale, la jeune Hongroise va infiltrer l’Europe nazie dans l’espoir de sauver des Juifs. Un destin tragique qui éclaire les premiers pas de l’Etat hébreu.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, 37 Juifs de Palestine ont été envoyés en Europe pour infiltrer les territoires ennemis après avoir suivi un entraînement spécial de l’armée britannique en Egypte. Objectif officiel : « Disposer d’émissaires […] capables d’envoyer des informations sur les zones stratégiques et les mouvements de troupes nazies. » Pour les membres de la brigade des volontaires de Palestine, la priorité était ailleurs ; il s’agit d' »évacuer leurs frères en danger vers les zones libérées par les partisans antifascistes ». Parmi les aspirants à cette mission périlleuse, une femme, en particulier, va s’illustrer par son courage et sa détermination : une jeune Juive fraîchement émigrée de la capitale hongroise Budapest vers la Palestine, Hannah Szenes.

A la fin des années 1930, un quart de la population de Budapest est issu de la communauté juive. Hannah Szenes et sa famille, qui appartient à la bourgeoisie, ne sont pas épargnées par l’antisémitisme croissant et les premières législations discriminatoires. Séduite par le sionisme théorisé par cet autre natif de la capitale hongroise Theodor Herzl, elle décide d’immigrer en Palestine. Pour son intégration parmi les pionniers du futur Etat d’Israël, elle choisit « une voie totalement inédite pour une intellectuelle de la bourgeoisie : l’agriculture ». Le défi de la vie austère du kibboutz de Nahalal ébranle les certitudes d’Hannah Szenes. Le travail y est routinier et épuisant. Aussi quand l’armée britannique annonce recruter des volontaires de Palestine pour être parachutés en Europe et servir l’effort de guerre, Hannah Szenes n’hésite pas. Ce sera l’opération « Het » (première lettre du mot « hadira », « infiltration » en hébreu). En mars 1944, elle rejoint les partisans yougoslaves censés la faire passer en Hongrie. Dès son arrivée sur sa terre natale, elle est arrêtée par les autorités locales collaborationnistes. Tout s’écroule : l’ambition d’un geste salvateur pour ses « frères » promis à la Shoa, dont les premières preuves ont filtré, s’évanouit. En revanche, sa défense lors de son procès fera date et raisonnera longtemps dans la conscience des Juifs. Accusée d’avoir trahi la Hongrie, elle réplique : « Les traîtres sont ceux qui ont semé le désastre sous les pas du peuple. » Hanna Szenes est exécutée le 7 novembre 1944.

Rédactrice en chef de l’hebdomadaire français Marianne et spécialiste du Moyen-Orient et du Maghreb, Martine Gozlan publie, sous le titre Hannah Szenes. L’Etoile foudroyée, la première biographie en français de cette héroïne d’Israël. Le livre n’élude pas, hors la question arabe palestinienne totalement absente, des aspects controversés de l’idéal sioniste, l’arbitraire dans les kibboutz et la culpabilité des dirigeants à l’égard de celle qui allait rester une héroïne d’Israël.

Hannah Szenes. L’Etoile foudroyée, par Martine Gozlan, L’Archipel, 225 p.

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