Mélanie Geelkens

Greta Thunberg, une sacrée paire de tresses

Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

Elles sont devenues son emblème, ses longues tresses. Et si Greta Thunberg avait plutôt eu une queue ? Si elle s’était appelée Björn, Gunnar ou Ingemund ? Un homme d’affaires anglais aurait-il insinué sur les réseaux sociaux que « d’étranges accidents de yachts peuvent arriver », alors qu’elle traversait l’Atlantique en août dernier pour rejoindre les Etats-Unis ? Une députée française aurait-elle tweeté que cette sale gosse mériterait « une bonne fessée » ? Un (vieux) philosophe se serait-il ému de son « visage inquiétant », pendant qu’un autre la qualifiait de « cyborg qui ne sourit jamais » ?

C’est vrai, quoi, Greta. C’est pas parce que la planète est en train de crever qu’il faut tirer la tronche comme ça. Une ado bien élevée, ça fait risette en écoutant gentiment les adultes. Ça ne parcourt pas le monde – en voilier zéro carbone, en plus ! – pour leur fourrer le nez dans leur merdier environnemental. Puis, ça verse une larme, quand ça se ramasse des insultes par torrents. Histoire qu’on puisse aussi la traiter d’hystérique, comme pour toutes celles qui crient un peu trop aigu. Sérieux, Greta. Une jeune fille (double tare !), ça ne rassemble pas des milliers de fans devant les grilles de la Maison-Blanche ou dans les rues de New York et ça n’organise certainement pas des grèves mondiales pour le climat.

C’est vrai, quoi, Greta. C’est pas parce que la planète est en train de crever qu’il faut tirer la tronche comme ça.

 » Il faut dire les choses telles qu’elles sont, confiait récemment Nicolas Van Nuffel, le président de la Coalition climat, dans La Libre. Quand l’homme blanc hétérosexuel de 41 ans que je suis est attaqué, il l’est toujours sur ses idées. Quand on attaque Greta Thunberg, Adélaïde (Charlier) ou Anuna De Wever, on s’en prend aux personnes parce que ce sont de jeunes femmes qui font entendre leur voix.  » Insupportable au point de leur balancer des bouteilles d’urine, de détruire leurs tentes et de les menacer de les crever, sympathique accueil réservé par quelques messieurs à l’égérie anversoise du mouvement belge, lors du festival Pukkelpop en août dernier.

De toute façon, il n’aurait pas pu y avoir d’Ingemund Thunberg. Parce qu’historiquement et sociologiquement, la défense de l’environnement a d’abord été une lutte féminine. Peut-être parce qu’elles s’en chopent les dérèglements en pleine poire. En cas de catastrophe naturelle, les victimes sont quatorze fois plus élevées chez les femmes et les enfants. Leurs rôles socialement assignés les ont reliées à la nature. Encore aujourd’hui, dans les réunions  » zéro déchet « , mouvement mondial initié par une Franco-Américaine, les hommes sont aussi rares que les pailles en plastique dans les verres de limonade maison. Mesdames ont peut-être plus de temps pour tricoter des éponges en tissu ou concocter des désinfectants aux écorces d’agrumes… Elles sont, surtout, massivement porteuses du care, cette capacité à prendre soin inculquée depuis l’enfance. De la famille, des enfants, des maris, alors pourquoi pas de la planète ? Puis subsistent de sérieuses similitudes entre le sort réservé à leur corps et à la terre, plaident les écoféministes : territoires de conquêtes, d’appropriation, de domination. De destruction, parfois. D’émancipation, bientôt ?

Non, Greta Thunberg n’a pas de queue et, finalement, dommage. Pas parce qu’elle aurait été moins critiquée, ou plus écoutée, ou plus respectée. Mais parce que la réparation environnementale ne devrait plus avoir de sexe. D’ailleurs, elle s’androgynise : dans les manifestations mondiales pour le climat, dont celle du 20 septembre a mobilisé des centaines de milliers de militants dans 150 pays, les jeunes ne se conjuguent pas davantage au féminin qu’au masculin. Grâce à une Suédoise de 16 ans. Et à sa sacrée paire.

80%

d’étudiants : à ce train-là, il faudra encore trois siècles aux filières d’ingénieurs pour se féminiser. Alors que les femmes deviennent toujours plus nombreuses dans l’enseignement supérieur (55 % tous cursus confondus en 2015-2016, selon les dernières statistiques de l’Ares), les sciences appliquées restent donc le dernier gros bastion masculin de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Mais si la parité s’y concrétise moins rapidement qu’en économie ou en kiné, elle progresse néanmoins. En 1995-1996, les futures ingénieures représentaient 15 %. Cinq pour cent en vingt ans, c’est déjà ça.

Luc Frémiot

Greta Thunberg, une sacrée paire de tresses
© Johan BEN AZZOUZ/belgaimage

Il faut (aussi) en avoir une sacrée paire, pour s’opposer à un Grenelle des violences conjugales. Toutes les associations de France s’enthousiasment de l’initiative de Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat en charge de l’Egalité entre les femmes et les hommes ? Luc Frémiot s’en fiche. Depuis le début des débats, le 3 septembre, et probablement jusqu’à leur fin, le 25 novembre prochain, l’ancien magistrat le crie dans tous les médias : ces discussions, c’est du vent. Comme la promesse d’ouvrir des places d’accueil dans des centres pour les victimes. Car, répète-t-il, ce n’est pas aux femmes à fuir, mais aux hommes violents à être écartés, et traités. Lorsqu’il était procureur à Douai, il avait déclaré la tolérance zéro, dès la première gifle. Le sexagénaire avait contribué à l’ouverture d’une structure d’hébergement pour auteurs de violences conjugales, le Home des Rosati, alternative à la prison avec obligation de soins. D’où 90 % des internés ressortent sans récidiver. Un modèle efficace mais unique, dont les financements publics diminuent d’année en année…

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