Sepp Blatter. © Reuters

FIFA : Sepp Blatter, le parrain

Le Vif

Pour la cinquième fois consécutive, Sepp Blatter se présente à la tête de la Fédération internationale de football, ce 29 mai. En pleine tourmente pour la Fifa, avec l’arrestation, hier, de six de ses hauts-dirigeants suspectés de corruption. Tout un symbole, pour les détracteurs du Suisse.

Voilà dix-sept ans que Sepp Blatter gère d’une main de fer les affaires de la Fifa. Dix-sept ans de polémiques, de suspicions, d’affaires de corruption, de banderoles Fifa = Mafia, Blatter = dictateur, de conseils fumeux – « Je pense que les supporters homosexuels devraient juste s’abstenir de toute activité sexuelle au mondial qatari » -, de dérapages (le racisme doit, d’une certaine manière, être accepté « comme faisant partie du jeu »), de petits meurtres entre amis… Dans l’inconscient collectif, et l’enquête américaine en cours ne vas rien arranger, la Fifa ressemble à la world company du football, une machine à cash opaque. Pourquoi ? Parce que, selon Guido Tognoni, chef de presse et directeur marketing de la Fifa pendant treize ans, « même s’il n’a jamais été condamné, Blatter est, dans l’esprit de beaucoup, synonyme de corruption, de népotisme et responsable d’une certaine faillite morale. » Des critiques qui « coulent sur moi comme l’eau chaude sur la cuisse de Jupiter », ironise le grand patron du foot mondial avec l’assurance de celui qui sait que son bilan comptable plaide largement en sa faveur : sous ses ordres, la Fifa a dégagé un bénéfice à neuf chiffres – environ 315 millions d’euros en 2014. Mieux : si tous les sponsors venaient, un jour, à s’évaporer, il se dit que la maison mère du football pourrait organiser économiquement les deux prochaines Coupes du monde toute seule grâce à un bas de laine estimé à plus d’1,5 milliard d’euros…

Une fortune sur laquelle le tout puissant président duu foot mondial, 79 ans, aurait indexé son salaire. « Selon moi, 15 millions de dollars par an, estime Guido Tognoni. Soit plus que tous les dirigeants des sociétés anonymes en Suisse. » Justifié par le fait que Blatter a largement contribué à transformer une petite association gérant le football international de façon amateur en une organisation mondiale surpuissante, forte de 209 pays membres – soit 16 de plus que l’ONU – et de 265 millions de fidèles, joueurs et joueuses confondus.

Tout au long de sa carrière, Blatter prouve qu’il est un animal politique hors pair, sachant manoeuvrer avec ses opposants comme cultiver la fidélité de ses amis. « Il ne ferme jamais la porte à ses ennemis. Il préfère les avoir à l’oeil, près de lui, que loin », explique Jérôme Champagne, ancien collaborateur du Suisse, qui a un temps brigué la présidence de la Fifa avant de se retirer récemment, faute de parrainages. Ses sbires, même s’ils fautent, Blatter ne les oublie pas non plus. Ainsi, en 2006, Jérôme Valcke, directeur marketing de l’institution, négocie avec Visa alors qu’une clause contractuelle stipule que MasterCard, vieux partenaire commercial de la maison, est prioritaire pour une reconduction de son contrat. Pas grave : la Fifa verse 90 millions de dollars de dédommagement à MasterCard, Valcke est licencié mais réapparaît dès le calme revenu, au poste de… secrétaire général ! « Sepp, c’est Kevin Spacey dans House of Cards. Il a des dossiers sur tout le monde, qu’il manie avec parcimonie », suppose Tognoni.

Par Antoine Mestres, Victor Le Grand, Lucas Duvernet-Coppola et Nicolas Jucha / So Foot

Le portrait dans Le Vif/L’Express de cette semaine. Avec :

– Comment tout a commencé

– « Lisez Machiavel ! », dit-il

– Tonton Blatter en Afrique

– Le coup de maître en Palestine

– La force de la vallée et l’héritage du père

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