Paul Pogba © iStock

Euro 2020: quand Ronaldo et Pogba s’attaquent aux marques, c’est hypocrite: « Ils font partie d’un système »

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

Cristiano Ronaldo a lancé le mouvement en retirant deux bouteilles de Coca-Cola du présentoir en conférence de presse. Paul Pogba l’a imité en s’attaquant à une bouteille de Heineken. Si le geste frôle l’hypocrisie, tant ces mêmes joueurs touchent des millions grâce à des sponsors du même acabit, quel est le réel pouvoir des joueurs sur les marques? Eclairage avec Thierry Zintz, spécialiste du management du sport.

Coca-Cola et Heineken sont deux des six sponsors officiels de la compétition de l’UEFA, qui prennent part aux côtés des sponsors officiels de chaque délégation. Les deux marques de boissons ont versé un cachet oscillant entre 40 et 50 millions d’euros à l’instance européenne du football pour pouvoir voir leur logo apparaître tout au long de la compétition.

Mardi soir, lors de la conférence de presse qui suivait la rencontre de l’Euro entre la Hongrie et le Portugal, Cristiano Ronaldo s’en est pris à deux petites bouteilles du célèbre soda, en les écartant de la table où les joueurs s’expriment devant la presse mondiale. La star portugaise du ballon rond a ensuite brandi une bouteille d’eau en lâchant « agua » au parterre de journalistes et de télévisions du monde entier.

Dans la foulée, Paul Pogba, milieu de terrain de l’Equipe de France, l’a imité en retirant une bouteille d’Heineken (à 0 degré d’alcool) du champ de vision des médias.

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L’impact a été quasi instantané. Dans les minutes qui ont suivi le geste de Ronaldo, Coca-Cola Company a chuté à la Bourse de New-York. L’entreprise américaine aurait perdu 4 milliards de dollars en quelques secondes. Avec une capitalisation boursière qui serait passée d’environ 242 à 238 milliards de dollars.

Les stars du football auraient-elles dès lors de véritables pouvoirs magiques, de par leur notoriété, au point de faire basculer des empires tels que Coca-Cola Company ou Heineken ?

Thierry Zintz, professeur l’UCLouvain et spécialiste de l’économie et de management du sport, pointe d’abord un problème déontologique et éthique.« Des contrats sont signés et des obligations sont fixées entre les joueurs, leur équipe nationale, voire les organisateurs de l’Euro. Il est un peu simpliste de la part de certains joueurs, pour des raisons qui leur appartiennent, de bouder des marques en les mettant de côté. Les joueurs se sont engagés contractuellement, même indirectement. Car Cristiano Ronaldo pourra toujours dire qu’il n’a rien signé, mais il fait partie d’un système dont il a accepté les règles. Je trouve donc qu’il y a un problème déontologique. »

Ils jouent dans un système, qu’on apprécie ou pas, dont les règles sont précises. Il y a donc une forme d’hypocrisie. Dire que c’est une attitude éthique parce que Coca-Cola est mauvais pour la santé, c’est un peu simpliste.

Ces gestes de boycott peuvent-il avoir un impact au long terme sur les marques concernées ? « Quand on parle de Coca-Cola, l’impact est évidemment moindre que si on parlait d’un sponsor de plus petite taille. L’impact instantané et la réaction psychologique en Bourse peut être puissante, mais pas l’impact à long terme. Les joueurs sont sans doute plus attentifs avec les contrats qu’ils ont avec leur équipementier, qu’aux contrats que l’Euro a avec des fournisseurs. Donc, les joueurs vont toujours faire valoir qu’ils n’ont pas de contrats directs. Mais ils jouent dans un système, qu’on apprécie ou pas, dont les règles sont précises. Il y a donc une forme d’hypocrisie. Dire que c’est une attitude éthique parce que Coca-Cola est mauvais pour la santé, c’est un peu simpliste. »

Et de fait, l’hypocrisie est totale. En fouillant sur le web, on tombe, en deux clics, sur des pubs de Cristiano Ronaldo pour KFC, ou de Paul Pogba pour Pepsi. Entre problème éthique et fausse bien-pensance, ces gestes ont donc du mal à faire sens. Surtout quand on sait que ces mêmes joueurs touchent des dizaines de millions d’euros grâces à des contrats de sponsoring. Avec… le même style de marques qu’ils semblent boycotter.

Thierry Zintz est professeur à l’UCLouvain, spécialiste du management des organisations sportives, de l’économie et la sociologie du sport, et titulaire de l’Olympic Chair.

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