Gérald Papy

« En Algérie, le président à vie et le peuple à vif »

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

La stabilité ou le chaos. L’alternative est une réponse classique opposée par des dirigeants autoritaires à des citoyens épris de liberté qui les contestent. Elle est d’autant plus aisément brandie ces jours-ci par les responsables politiques face à la rue qui s’oppose à un cinquième mandat à la présidence d’Abdelaziz Bouteflika, 82 ans, que l’Algérie conserve des séquelles des dix années de guerre civile qui ont suivi le printemps arabe avant l’heure qu’elle a connu en 1988 et que les Algériens sont fondés à s’inquiéter des échecs contemporains des révolutions en Libye et en Syrie.

L’Algérie a traversé le mouvement des révoltes arabes du début des années 2010 en spectatrice traumatisée et frileuse. La réélection en avril 2014 d’Abdelaziz Bouteflika pour un quatrième mandat alors qu’il avait subi, un an auparavant, un AVC handicapant confirmait cette plongée en léthargie. Tout laissait présager, à l’annonce de sa candidature à un cinquième round à la tête de l’Etat, qu’il en serait de même à l’occasion de l’élection présidentielle du 18 avril prochain.

Or, surprise, à partir d’appels sur les réseaux sociaux soit spontanés soit de provenance politique non encore identifiée, des milliers d’Algériens ont osé braver le pouvoir cornaqué par l’armée en se retrouvant dans des cortèges de protestation sur les artères d’Alger et des principales villes du pays les vendredi 22 et dimanche 24 février. Le 26 février, les étudiants des universités leur ont emboîté le pas. Et un nouveau rendez-vous de mobilisation est prévu ce 1er mars. Bref, là où l’on croyait que le souvenir de la tragédie de la décennie de plomb (de 60 000 à 150 000 morts), la fatalité et la peur avaient définitivement ravalé les prétentions des Algériens, voilà qu’ils reprennent la parole et voix au chapitre. Avec comme emblème, le panneau d’un fauteuil roulant barré d’une croix rouge. Symbole d’un pouvoir empêché par la maladie.

La tentative de maintien à la présidence d’Abdelaziz Bouteflika n’est-elle pas en soi un signe de fébrilité du pouvoir ?

C’est dire si la perspective de cinq années supplémentaires de gouvernance par un président considérablement affaibli, pantin de proches, dont son frère Saïd, et de membres de l’appareil militaire, dont le chef d’état-major de l’armée et vice- ministre de la Défense Ahmed Gaïd Salah, est devenue insupportable à nombre d’Algériens. Une énième candidature après vingt ans de présidence s’est pourtant imposée à ses soutiens comme le meilleur gage de… stabilité pour  » l’un des pays les plus sûrs au monde « , selon l’argument de campagne du ministre des Affaires étrangères Abdelkader Messahel. Il est trop tôt pour mesurer l’impact que ce vent de contestation aura sur le pouvoir à Alger. Un indice de la fracture qui pourrait l’ébranler ? Le 26 février, le site d’informations en ligne Tout sur l’Algérie signalait la présence de militants et d’élus locaux du FLN, parti historique membre du gouvernement, au sein de la manifestation des étudiants de l’université Akli Mohand Oulhadj à Bouira, à une centaine de kilomètres au sud-est d’Alger.

La tentative de maintien à la présidence d’Abdelaziz Bouteflika n’est-elle pas en soi un signe de division et de fébrilité du pouvoir ? Dans l’entendement des pontes qui veulent continuer à l’exercer dans l’ombre, il aurait en effet été habile et utile de profiter du quatrième mandat de Bouteflika-le-convalescent pour choisir son dauphin et préparer la population à son inéluctable élection…

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