Le Premier ministre canadien Justin Trudeau © AFP

Empêtré dans une crise, Trudeau dément toute pression sur une affaire judiciaire

Le Vif

Le Premier ministre canadien Justin Trudeau a démenti jeudi toute intervention « inappropriée » de sa part pour influencer une procédure judiciaire visant un géant du BTP, dans l’espoir de désamorcer la plus grave crise politique de son mandat.

En chute libre dans les sondages depuis que cette affaire a éclaté et à sept mois des élections législatives, le dirigeant libéral a tenté de reprendre la main en tenant une conférence de presse matinale consacrée exclusivement à ce sujet.

Dans cette affaire, « il y a de nombreuses leçons à tirer. Il y a bien des choses que nous aimerions avoir fait autrement », a-t-il reconnu, en confiant avoir « appris beaucoup de choses ».

Le dossier SNC-Lavalin, du nom de l’entreprise accusée d’avoir versé des pots-de-vin en Libye, a déjà coûté à M. Trudeau deux ministres, son plus proche conseiller, et a catapulté l’opposition conservatrice, qui réclame sa démission, en tête des intentions de vote.

Fidèle à sa version des faits depuis le début, M. Trudeau a martelé jeudi matin qu’il n’y avait « eu aucune pression inappropriée » exercée sur l’ex-ministre de la Justice Jody Wilson-Raybould dans ce dossier explosif.

Cette dernière, qui a claqué la porte du gouvernement il y a trois semaines, a affirmé avoir subi des « pressions » du bureau de M. Trudeau pour l’inciter à intervenir auprès des procureurs afin qu’ils négocient un accord à l’amiable avec le géant du BTP SNC-Lavalin. La société est accusée par la police fédérale d’avoir versé des millions de dollars de pots-de-vin à des responsables libyens.

Un tel accord à l’amiable, moyennant paiement d’une lourde amende, est possible en vertu d’une réforme récente du code pénal canadien.

Accusé d’avoir voulu épargner SNC-Lavalin pour des raisons électoralistes, M. Trudeau a admis avoir rappelé à Mme Wilson-Raybould, lors d’une rencontre mi-septembre, qu’il était élu de Montréal, où est situé le siège de la société.

« J’ai soulevé le dossier de SNC-Lavalin », a-t-il reconnu, pointant les 9.000 emplois directs menacés au Canada par une éventuelle condamnation au pénal. Le cas échéant, le groupe serait notamment interdit de contrats publics pendant 10 ans, ce qui compromettrait son avenir économique.

– « Confiance érodée » –

« Mais ce commentaire n’était pas de nature partisane », a assuré le dirigeant canadien, répétant avoir alors « réaffirmé que la décision (de conclure un accord à l’amiable ou non, NDLR) revenait à la procureure générale ».

Toutefois, a-t-il admis après avoir suivi le témoignage de son ex-ministre devant une commission parlementaire, « je comprends maintenant qu’elle a interprété différemment » ses interventions et celles de son bureau dans ce dossier « d’une importance capitale ».

En particulier, le Premier ministre a concédé « qu’au cours des derniers mois, la confiance s’est érodée entre mon bureau, mon ancien secrétaire principal (Gerald Butts, qui a démissionné il y a deux semaines, NDLR), et l’ancienne ministre de la justice et procureure générale ». « Je n’étais pas au courant (…) et j’aurais dû l’être », a dit M. Trudeau.

« L’intégrité de nos institutions n’a jamais été atteinte, l’indépendance de notre système de justice a toujours été défendue et soutenue », a-t-il toutefois affirmé.

L’ex-ministre avait elle-même admis devant les députés la semaine dernière, lors de sa comparution devant la commission de la Justice, qu’en aucun cas les « pressions » dont elle accuse M. Trudeau et son bureau n’avaient été « illégales ».

Ceci dit, estime Justin Trudeau, cette affaire a mis en lumière le délicat « double rôle » au Canada du ministre de la Justice qui occupe aussi la fonction de procureur général. Au Royaume-Uni par exemple, ces fonctions sont assumées par deux personnes distinctes.

Des « experts » vont donc être consultés pour envisager une éventuelle réforme de ce poste, a dit M. Trudeau.

Après une cinquantaine de minutes à s’expliquer devant la presse, le Premier ministre s’est envolé pour l’Arctique, à 2.000 km d’Ottawa et de cette crise inédite.

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