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Élections en Grèce : des néonazis au parlement pour la première fois

La Grèce aura sans doute bien du mal à constituer un gouvernement cette semaine, après le séisme des élections législatives dimanche qui ont laminé les deux partis historiques pro-austérité et pro-Europe et envoyé pour la première fois des néonazis au parlement grec.

Les deux partis pro-austérité et pro-européens grecs, le Pasok (socialiste) et la Nouvelle Démocratie (droite), qui gouvernent ensemble depuis fin 2011 se sont effondrés dimanche, recueillant, selon ces résultats quasi définitifs, reccueillant respectivement 13,2% (41 sièges) et 18,8% des suffrages (108 sièges). Ils ne pourraient former un gouvernement de coalition qu’avec l’appui d’un troisième parti.

Ces chiffres donnés par le ministère de l’Intérieur confirment la débâcle des deux partis qui réunissaient à eux deux 77,4% des voix lors des dernières législatives en 2009, et n’obtiennent aujourd’hui que 149 sièges, soit moins que la majorité absolue au parlement (151 sièges). Ils rendent très problématique la formation d’un gouvernement de coalition par ces deux partis pour poursuivre la politique de rigueur dictée par l’UE et le FMI.

L’incertitude quant à la possibilité de former un gouvernement était perceptible sur les marchés asiatiques dès l’ouverture lundi matin à Hong Kong où la bourse a commencé la séance en baisse de 2,08%. A Tokyo, la bourse a aussi ouvert en recul de 2,63% en raison d’incertitudes sur le maintien de l’austérité

A Tokyo, l’euro a baissé à son plus bas niveau depuis trois mois, les investisseurs s’inquiétant d’une remise en cause des politiques d’austérité en Europe, après l’élection du socialiste François Hollande en France et le désaveu infligé aux partis pro-austérité grecs par les électeurs.

« L’heure de la peur a sonné pour les traîtres à la patrie »

Les deux grands gagnants du scrutin sont la formation de gauche radicale, Syriza, opposée au mémorandum d’accord de la Grèce avec les bailleurs de fonds du pays, qui devient la deuxième force politique du pays, et le parti néonazi Chryssi Avghi (Aube dorée) qui fait une entrée en force au parlement, pour la première fois.

Flanqué d’une quinzaine de jeunes hommes à la tête rasée, le dirigeant néonazi a affirmé dès dimanche soir que son groupe allait lutter contre les « usuriers mondiaux » et « l’esclavage » imposé selon lui au pays par l’UE et le FMI en échange de leur aide financière. « L’heure de la peur a sonné pour les traîtres à la patrie », a menacé ce quinquagénaire, affublé du sobriquet de « Fuhrer » par la presse grecque.

Ex-groupuscule semi-clandestin aux méthodes notoirement violentes et aux thèses racistes et antiparlementaires, Chryssi Avghi a obtenu 19 députés sur 300 au parlement grec, avec 6,9% des voix, selon un sondage sortie des urnes.

Le parlement grec, dont la composition est toutefois loin d’être bouclée, offrira ainsi la particularité d’accueillir sur les mêmes bancs ces nouveaux députés et le vieux héros de la résistance Manolis Glézos, 89 ans, qui avait décroché le drapeau hitlérien du sommet de l’Acropole à 18 ans, et se retrouve élu sous l’étiquette du Syriza.

Dimanche soir, le dirigeant de ce parti et benjamin de la vie politique grecque, Alexis Tsipras, 37 ans a pris un bain de foule au milieu de ses partisans dans le centre d’Athènes. Selon lui, le résultat du scrutin de dimanche « a privé de toute légitimité le mémorandum » d’accord prévoyant une cure d’austérité en Grèce en échange de prêts internationaux d’un total prévu de 240 milliards d’euros destinés à sauver le pays de la faillite.

« Notre programme est un gouvernement de gauche qui annule le mémorandum (…) nous ferons tout pour que le pays ait un gouvernement qui dénonce l’accord de prêt » avec l’Union européenne et le FMI, a-t-il insisté.

Son parti, crédité de 47 sièges au parlement, demande la suspension du service de la dette, l’effacement d’une partie de la dette publique et des mesures de relance. Il ne réclame pas la sortie de la Grèce de l’euro, mais le Pasok socialiste l’a durant la campagne souvent accusé d’y conduire le pays.

La percée du Syriza pourrait priver de tout espoir de majorité une coalition d’unité nationale visant à garantir le maintien du pays dans l’euro, à laquelle ont appelé dans la soirée les dirigeants des deux partis gouvernementaux sortants, le conservateur Antonis Samaras et le socialiste Evangélos Vénizélos, laminés dans les urnes pour leur ralliement à l’austérité.

La constitution d’un gouvernement stable presque impossible

La Nouvelle Démocratie de M. Samaras, seul parti avec le Pasok à avoir signé avec l’Union européenne un engagement à poursuivre la politique de rigueur et de réformes, est bien devenu, comme prévu, premier parti de Grèce. Mais son score historiquement bas, compris entre 17 et 20% des voix, devrait rendre la constitution d’un gouvernement stable presque impossible, selon les premiers commentaires.

M. Samaras a proposé dimanche soir la formation « d’un gouvernement de salut national » pour maintenir la Grèce dans l’euro, en s’engageant à « changer la politique du mémorandum » d’austérité.

Selon Panayotis Petrakis, professeur d’économie financière à l’université d’Athènes, « le pays a encore une petite marge de manoeuvre grâce à la victoire de François Hollande en France, qui devrait empêcher que l’Europe nous lâche brutalement ». Mais il faudrait « vite un gouvernement de technocrates », au risque sinon d’un retour rapide aux urnes.

Le Pasok, dont l’ancien patron Georges Papandréou avait sollicité le secours de l’UE et du Fonds Monétaire International en mai 2010, sort du scrutin écrasé et recueille entre 14 et 17% des voix, contre 43,9% en 2009, puni pour avoir accepté les conditions d’austérité drastique attachées à l’aide. « C’est un séisme politique » a estimé sur la chaîne Mega, Panos Panagiotopoulos, un ténor de la Nouvelle Démocratie.

La campagne a été dominée par la contestation de la politique d’austérité qui a brutalement réduit le niveau de vie des Grecs à coup de baisses de salaires et pensions et de rafales de taxes.

Le Vif.be, avec Belga

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