Pétroliers traversant le détroit d'Ormuz © Reuters

Eaux troubles dans le détroit d’Ormuz

Stagiaire Le Vif

Alors que le gouvernement américain accuse l’Iran d’être responsable des incidents de jeudi dans le détroit d’Ormuz, les conflits régionaux s’intensifient, menaçant la sécurité en approvisionnement d’un tiers du transport maritime de pétrole. L’évènement révèle un conflit intrinsèquement lié aux sanctions américaines infligées l’Iran autant qu’une plus complexe lutte régionale.

Le jeudi 13 juin 2019, deux tankers, un norvégien et un japonais, ont pris feu dans le détroit d’Ormuz, abandonnés par leurs équipages et à la dérive. Reliant le golfe persique à la mer d’Oman, le détroit d’Ormuz, long de 63 km et large de 40 km se situe entre l’Oman, l’Iran et l’Arabie Saoudite.

Selon l’Agence américaine d’information sur l’énergie (EIA), quelque 60 millions de barils de produits pétroliers transitent chaque jour, un tiers duquel voguent par le détroit d’Ormuz.

Les conflits survenus jeudi ont subitement causé une augmentation de plus de 4% dans le cours de pétrole, montant jusqu’à 60 dollars du baril. Vendredi matin, le cours continue d’augmenter.

Les tensions dans la région vont au-delà des rivalités entre l’Iran et les États-Unis. De fait, l’Arabie Saoudite et l’Iran sont tous deux engagés dans une série de guerre proxy dans la région, notamment le Yémen.

Cette attaque présumée iranienne est le deuxième incident en un mois survenu dans la région, augmentant les craintes d’intensification d’escalades.

Visite du premier Japonais à Téhéran

Les dernières provocations surviennent durant la visite du Premier ministre japonais, Shinzo Abe, en Iran dans l’espoir d’apaiser les tensions. C’est une visite historique puisqu’aucun Premier ministre japonais ne s’était rendu en Iran depuis quarante ans. Proche allié des États-Unis et partenaire économique important de l’Iran, le Japon se positionne en tant que médiateur entre Téhéran et Washington.

« Personne ne veut une guerre. Le Japon souhaite jouer un rôle primordial dans sa capacité à atténuer les tensions, tel est l’objectif de mon voyage », confiait le Premier ministre japonais aux médias ce jeudi.

Pour le chef suprême iranien Ali Khamenei, « S’il y a eu une montée des tensions dans la région, c’est à cause de la guerre économique américaine contre l’Iran. Quand cela s’arrêtera, nous assisterons à un changement très positif dans la région et dans le monde » assurait-il hier.

Accusations américaines

L'armée américaine affirme qu'un patrouilleur iranien aurait enlever ce jeudi une mine de la coque du pétrolier
L’armée américaine affirme qu’un patrouilleur iranien aurait enlever ce jeudi une mine de la coque du pétrolier© US army

Les États-Unis se sont retirés de l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien le 18 mai 2018, risquant de déclencher une nouvelle crise régionale.

Sur base d’une vidéo publiée par l’armée américaine jeudi soir identifiant un bateau de patrouille militaire iranien s’approcher du tanker et y détacher un objet de la coque, le secrétaire d’État américain Mike Pompeo affirmait hier : « Dans leur ensemble, ces attaques non provoquées représentent une menace claire pour la paix et la sécurité internationales » de même qu’elles sont « une atteinte flagrante à la liberté de navigation ».

Escalade de tensions

En janvier 2008, cinq bateaux à moteur iranien armés se confrontèrent à trois navires de guerre de l’armée américaine, menaçant de les faire exposer. L’officier supérieur dans la région à l’époque, l’amiral Kevin J. Cosgriff avait alors qualifié les actions iraniennes « d’inutilement provocatrices ».

Le 22 avril dernier, à la suite des pressions exercées par les États-Unis, l’Iran avait menacé de suspendre le trafic maritime du détroit d’Ormuz.

Le 12 mai, au total quatre tankers étaient attaqués dans le golfe d’Oman ; deux saoudiens, un norvégien ainsi qu’un émirati. Une investigation menée par les Émirats Arabes unis, publiée le 7 juin dernier révèle l’utilisation probable d’explosifs magnétiques attachés aux coques. Suite à l’incident, les Émirats arabes unis et l’Arabie Saoudite avaient alors qualifié l’incident de ‘sabotage’. Les États-Unis avaient accusé l’Iran qui nie encore toute implication.

Deux jours plus tard survient une attaque revendiquée par les rebelles houthis : des canalisations d’importance stratégique sont frappées par des drones, obligeant l’Arabie saoudite à suspendre momentanément ses exportations vers l’ouest du pays.

Les attaques ciblées, dont on présume qu’elles sont d’origine iranienne, qui selon certains analystes pourraient mener à une nouvelle guerre hybride régionale devraient être discutées au prochain G20, prévu fin juin au Japon.

Routes alternatives

Le détroit d’Ormuz, par le manque d’alternatives d’acheminement, est l’étranglement le plus important au monde pour le transport maritime de pétrole, pétrochimie et gaz naturels. Bien que l’Arabie Saoudite bénéficie d’une route alternative composée de pipelines vers le port de Yanbu sur la côte de la mer rouge, ainsi que les Émirats arabes unis, les autres pays producteurs du golfe, Iran compris, dépendent du détroit, renforçant la nécessité de stabilité géopolitique.

Jean Castorini

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